par Phantom_Blue » 18 Juin 2009, 17:36
Épisode 4
Winston vaporisa une giclée de Pliz sur la petite table ronde à trois pieds en acajou noire vernie et passa le chiffon dessus pour la faire briller, en secouant la tête. Il se demandait jusqu'où irait le délire. Déjà Lady Croft et ses exubérances devenues aussi légendaires que ses aventures, et maintenant la comtesse Babou de la Fricotière et une séance de spiritisme.
Dehors, allongés dans des chaises longues sous les cerisiers en fleurs du verger, nos trois amis goûtaient la douceur tranquille et ensoleillée d'une après-midi d'avril.
La comtesse arborait une tenue safari en coton léger, des sunglasses années 50 sur le nez, fumant un Campanella dont la fumée acre s'effilochait dans l'air.
Le marquis avait mis un bermuda et une chemise hawaïenne, des sunglasses à la Neo dans Matrix, et sirotait un jus de pamplemousse aromatisé au Get 27.
Plus courageuse, Lara s'exhibait dans un bikini particulièrement réduit au tissu extra fin, ce qui n'était pas pour déplaire au marquis, qui ne se privait pas de loucher de temps à autre sur la splendide anatomie de la belle aventurière. Elle faisait mine de ne rien remarquer et savourait les yeux du marquis roulant sur ses formes sculpturales comme deux petits smileys curieux et effrontés.
— Oui, poursuivit la comtesse, et c'est alors que Brad Pitt se jette en larmes à mes pieds et me supplie de rester… Mais la vie à Beverley Hills commençait à me lasser, toute cette débauche de luxe et d'oisiveté… Je désirais les chevauchées dans les steppes tartares, les nuits frénétiques sous les yourtes, dans l'odeur des peaux de yaks…
Un frisson de désir brutal agita sa lèvre inférieure retroussée.
— Pour ma part, enchaîna le marquis, je serais plutôt pour l'amour cinq étoiles, dans des palaces somptueux, sous des lustres flamboyants… Ah se vautrer dans des lits à baldaquins sertis de diamants, sous le regard de statues grecques…
Un petit sourire étira les lèvres de Lara. Le marquis n'avait pas mentionné les lits à baldaquins de façon anodine. Il pensait au sien et lui envoyait une invitation au plaisir à peine dissimulée.
— Là à à ! s'écria soudain la comtesse en pointant son doigt en l'air.
Lara esquissa un geste vers sa cuisse droite pour dégainer son gun. Un zest de frayeur glissant le long de son dos, le marquis leva des yeux dans la direction indiquée et demanda :
— Qu'y a-t-il ? Je ne vois rien !
— Le nuage, là , en forme de diable avec des cornes ! C'est un signe ! Notre séance sera mouvementée !
Lara ne put s'empêcher de sourire. Elle croyait aux fantômes et aux diables, mais dans les films. Sinon elle n'avait encore jamais rencontré d'esprit errant dans les couloirs du manoir. A part Winston, qui traînait ses chaussures sur les parquets, telle une âme perdue.
Il était 21h. Le crépuscule glissait sur le manoir.
Dans le verger, sous un réverbère allumé, debout devant un barbecue, un tablier autour de la taille, Winston en chemise, les manches retroussées, grillait des merguez.
Lara avait enfilé un poncho mexicain et s'envoyait une Fraoch Heather dans le gosier.
— Ça me rappelle une soirée en Colombie, blablata la comtesse en décapsulant une bouteille de Young's Double Chocolate Stout. Dans l'hacienda de Diego, un baron de la drogue. Nous dégustions des côtelettes de chamois importées des Alpes. Il m'a prise les fesses sur le grill. J'en ai gardé la marque, que j'ai agrémentée d'un tatouage chez un Chinois à Hong Kong. J'étais aux anges pendant qu'il me piquait, si vous voyez ce que je veux dire.
Le marquis faillit s'étrangler en buvant une Gordon Highland Scotch.
Ravie de son effet, la comtesse alluma une Dunhill.
— Le temps s'assombrit, nous aurons de l'orage. Encore un signe.
— Pourtant le ciel est clair, fit remarquer le marquis, mis à part quelques nuages.
Soudain une rafale de vent glacé souffla dans le verger, attisant les braises du barbecue. Une volée de flammes s'éleva du grill, obligeant Winston surpris à reculer. Faisant danser les ombres dans une lambada furieuse, éclairant les visages d'une lumière violente.
— Le diable est là ! chanta la comtesse.
Le marquis ne put maîtriser un tressaillement nerveux des nerfs tressaillant.
Incrédule, un petit sourire narquois sur les lèvres, Lara envoya :
— J'espère qu'il est beau gosse.
— Aucune femme ne peut lui résister, répliqua la comtesse, louchant le marquis du coin de l'œil.
— Aurais-je un concurrent ? gloussa ce dernier. Face à moi il n'a aucune chance.
— Pourquoi ? demanda Lara en le fixant dans les yeux. Vous êtes irrésistible ?
— A votre avis, chère Lara ?
Les flammes s'étaient calmées. Winston bazarda les merguez cramées dans une petite poubelle en plastique et en remis des crues sur le grill.
Comme il fallait attendre minuit pour la séance, tout le monde se retrouva vers 22h au salon, devant la télé écran panoramique géant de 237 cm.
Winston avait allumé les appliques pour créer une ambiance tamisée.
— Qu'avons-nous comme films ? demanda Lara en se laissant tomber sur le canapé en cuir.
Au plus grand dam du marquis, la comtesse le devança et s'installa à côté d'elle. Il dut opter à contre-cœur pour un fauteuil.
Winston parcourut le programme.
— Alors comme films nous avons "Pretty woman" avec Richard Gere et Julia Roberts.
— Aaaah Richard ! s'extasia la comtesse. Quel homme !
— Ne me dites pas que vous l'avez aussi connu ? s'étonna Lara en la dévisageant.
— Rassurez-vous, nous nous sommes croisés dans un ascenseur à L.A. Il tournait un film. L'ascenseur s'est bloqué. Nous étions seuls. Nous n'avons été délivrés qu'une heure après. Ah quel homme !
Lara s'abstint d'en demander plus.
— Sinon, poursuivit Winston, nous avons…
— Mais je vois là des DVD ! s'écria la comtesse en se levant.
Elle alla fouiner, pendant que Winston avait interrompu la lecture du programme et attendait en majordome stylé, comme il se doit.
Elle et se retourna en exhibant un boîtier.
— Tadaaaaaaam ! J'ai trouvé un film de circonstance qui nous mettra dans l'ambiance ! "Planet Terror" de ce cher Quentin Tarantino. Ah quel homme, lui aussi ! Si je vous dis qu'une nuit, en Californie, dans sa villa privée, il avait remplit sa piscine de sang commandé dans un abattoir et que…
Winston posa le programme et s'éclipsa en douce, secouant la tête après avoir vu la comtesse proposer des cigarettes spéciales roulées à la main. Pour soi-disant augmenter l'ambiance.