par Phantom_Blue » 25 Juin 2009, 08:49
Épisode 10
Escortés par les formes blanchâtres qui les encadraient, Lara et Winston suivirent la comtesse et le marquis dans la cuisine.
Une lueur rouge émanait en pulsant de la porte du frigo.
Lara voulait agir, mais une force oppressante pesait sur son corps.
Elle assista impuissante à l'ouverture du frigo. Un nuage de vapeur s'en échappa.
Et un grand jeune homme d'une beauté sulfureuse, des longs cheveux rouges tombant sur ses épaules, dans un costume très 18e siècle, une longue cape virevoltant sur des bottes de style gothic, surgit dans une démarche impériale.
Deux amazones sculpturales avec des sunglasses, toutes aussi chevelues, en combinaisons de cuir moulantes, l'accompagnaient en ondulant des hanches.
— Bienvenue votre majesté, caqueta la comtesse, je suis votre servante obligée. C'est moi qui vous ai ouvert la porte des enfers.
Il tendit une longue main aux doigts griffus sertis de bagues étincelantes de joyaux à la comtesse, qui y déposa un baiser avec dévotion.
— Votre majesté, gargouilla Krystos en exécutant une révérence de jeune pucelle au bal des Débutantes.
Le diable lui accorda un vague regard, toisa Lara et demanda d'une voix grave et forte :
— Qui est cette belle créature ?
— Lara Croft, répondit Lara en soutenant son regard.
Krystos s'approcha de la comtesse et lui murmura à l'oreille :
— Tu aurais pu me dire qu'il était si beau, j'aurais mis mon petit ensemble Versace.
Claire tenait le volant avec des doigts d'acier et appuyait à fond sur l'accélérateur. Le van blindé fonçait dans la nuit.
— J'espère qu'on arrivera à temps, s'inquiéta Séraphine.
— Ce n'est pas la première fois qu'on se retrouve dans une situation critique et on s'en est toujours sorti.
— Ouais, mais y avait toujours des monstres tout gluants à flinguer. Là y a rien eu. Snif !
— Toi et tes monstres tout gluants.
— Ben quoi ? C'est ce qui donne du piquant à l'aventure, non ?
— Ben moi je préfère les aventures plus calmes.
— Dis donc, t'as changé ! T'étais la première à rafaler du zombies à Racoon City !
— Oui, mais à force de rafaler, on aspire à autre chose.
— Tu ramollis, ma vieille !
— Non, je m'assagis.
— C'est bien ce que je disais.
Le manoir profila sa silhouette de manoir dans la nuit sur un fond de ciel clair.
Les grilles fermées ne résistèrent pas aux pare-chocs du van.
Claire effectua un dérapage contrôlé sur le gravier et stoppa le van devant l'entrée.
Les deux filles s'éjectèrent de l'habitacle dans deux coups de reins nerveux très féminins.
Un spectacle pour le moins étonnant les attendait dans le salon.
Le diable était assis sur le canapé en compagnie de Lara. Il lui tenait la main et récitait d'une voix musicale et grave :
— Je ferai de toi ma favorite… Tu règneras à mes côtés…
Assise dans un fauteuil, la comtesse grillait Golden Bat sur Exotic mango, alternant avec des Mild Seven et des Prima Nostalgia, pas vraiment contente de la tournure que prenaient les événements.
Le marquis snipait des yeux gourmands sur le diable.
Au milieu du salon, les deux amazones se déhanchaient langoureusement face à face en se frottant l'une contre l'autre.
Le marquis snipait des yeux gourmands sur elles.
Un plateau à la main, Winston servait des rafraîchissements dans un calme imperturbable.
Les formes blanchâtres tournoyaient sous le plafond comme des mouches en vol automatique.
— On est là ! cria Séraphine.
Tous les visages se tournèrent vers elles.
Trois secondes de silence passèrent dans un silence passant.
Les formes blanchâtres foncèrent sur elle mais le diable leva la main, et elles reprirent leur ballet tournoyant sous le plafond.
Indifférentes, les deux amazones continuaient leur danse lascive.
— Ton règne est fini, prince des ténèbres ! lança Claire.
— Qui sont ces deux filles ? demanda le diable. Elles sont trop drôles. Je les prends comme demoiselle d'honneur à notre mariage. Car je veux que tu sois ma reine.
Il plongea ses prunelles incandescentes dans les yeux étonnés de Lara.
Un rictus amer déforma les mâchoires enfumées de la comtesse.
— Hooooo ! gueula Séraphine, les mains sur ses hanches. On est là ! Nan mais ! Vous pourriez au moins nous écouter. Hééé, toi, le prince des ténèbres !
Le diable la fixa et articula d'une voix courroucée :
— Arrête de m'appeler comme ça. C'est lassant à la fin. Les enfers sont tout sauf des ténèbres. Des millions de feux les illuminent d'une lumière éblouissante.
— Euh, oui, excuse, se rattrapa Séraphine. Oui, bon, où on en était ? Du coup je sais plus.
Claire brandit un rouleau de papier.
— Tadaaaaaaaa ! Et voici le parchemin magique du moine Blue. Sache prince des… euh, lumières éblouissantes, que le moine Blue vécut au Moyen Age. Il a créé ce parchemin magique pour contrecarrer les invasions de l'enfer.
— Ouais, continua Séraphine, nous l'avons retrouvé près du puits bouché par l'explosion que Lara avait fait exploser pour le boucher. Il devait être caché à l'intérieur et l'explosion l'a envoyé à la surface.
— Décidément, elles sont trop drôles, s'esclaffa le diable.
— Mouahahahahaha ! rigola Krystos.
— Ouais, enchaîna Séraphine, et même qu'il suffit d'y écrire un désir apparemment impossible à réaliser, mais qu'il est quand même réalisable, et tu es cuit.
— HAHAHAHAHAHAHAHA ! rigola le diable.
Les murs tremblèrent. Des tableaux se décrochèrent. Une meute de rats, qui copulait frénétique dans le grenier, subit de violents coïtus interruptus.
— Sache jeune fille, que seul moi peut exaucer les désirs impossibles, car je suis le diable. Et Dieu, évidemment, mais lui demande une vie exemplaire.
— Mouahahahahaha ! rigola Krystos.
La comtesse ne participait pas aux rigolades. Elle avait fourré une cigarette russe Delacre entre ses lèvres, prise sur l'assiette des friandises proposées par Winston avec les rafraîchissements, et l'alluma d'un coup de flamme de briquet extrêmement nerveux.
— Rira bien qui rira le dernier ! lança Claire en déroulant le parchemin.
— Viens lire si tu l'oses, lança Séraphine en pointant le doigt sur lui.
Amusé, le diable se leva, le bout de sa cape virevoltant sur le visage de Krystos, s'empara du parchemin et posa les yeux dessus. Articula de ses dents infernales :
— En plus, Dieu y a apposé son sceau. Décidément, Il ne rate pas une occasion pour entraver mes plans.
Il regarda les deux filles, fronça les sourcils, loucha sur Winston, se retourna pour regarder Lara.
Les yeux du marquis, de la comtesse et de Lara étaient braqués sur lui et le parchemin.
Impassible, Winston posait les verres vides sur le plateau, devinant que la nuit allait se terminer.
Le diable redonna le parchemin à Claire.
— Vous avez gagné, je m'incline. Oui, mais encore faut-il qu'elle le réalise. Sinon d'après ce qui est écrit, j'aurai gagné. Et je reviendrai.
— HAHAHAHAHAHAHAHA ! rigola le diable.
Il s'enveloppa dans sa cape et disparut dans un nuage de soufre.
Les formes blanchâtres s'évaporèrent sous le plafond.
— Maître ! Maître ! s'affolèrent les deux amazones. Ne nous abandonnez pas !
— Ne vous inquiétez pas ! ricana Krystos, les yeux sortant de ses orbites. Je vais bien m'occuper de vous !
Elles poussèrent des cris et s'enfuirent dans le couloir, poursuivi par le marquis, la langue agitée entre ses dents.
Son rire résonna dans le hall :
— Mouahahahahaha !
Puis dehors, plus lointain :
— Mouahahahahaha !
La comtesse écrasa rapide sa cigarette russe à moitié fumée dans le cendrier dégorgeant de mégots, se leva d'un bond et fonça hors du salon.
Winston, qui attendait, prit le cendrier et le déposa sur le plateau à côté des verres vides.
Séraphine allait la poursuivre quand Lara l'arrêta du bras.
— Laisse ! Steed et Peel les attendent pas loin ! Les filles, vous avez été géniales !
Winston se ramena, les semelles de ses chaussures glissant sur le tapis.
— Je suppose que les festivités sont terminées. Si lady Croft n'a plus besoin de moi. Je ferai le ménage plus tard.
— Attendez, dit Claire, vous êtes concerné par la suite. Lara, tu devrais lire le parchemin.
Lara la regarda, prit le parchemin qu'elle lui tendait, et le parcourut.
— C'est une blague ? s'exclama-t-elle.
— Je crois bien que non, souffla Claire, gênée. C'est Séraphine qui a écrit le désir. Y'a que celui-là qui marchait. Oui, quand on écrit un désir qui ne marche pas, il ne s'écrit pas. Ben oui, comme elle lit beaucoup de mangas, et…
Embarrassée, Séraphine se pinçait les lèvres. Elle souffla :
— Tu sais, l'avenir du monde était en jeu. Euh, ben, après tout, c'est pas si terrible que ça, hein ? Mais t'inquiète, y a juste ça, rien d'autre. Désolé.
Lara dévisagea Winston, qui se demandait ce qui se passait. Mais en majordome stylé, il se garda bien de poser la question, sachant qu'il serait mis au courant à un moment ou à un autre.
A 8 heures précises, vêtu d'une tenue de golf, Winston descendit les marches du grand escalier en sifflotant. Une journée ensoleillée dardait ses rayons joyeux à travers les vitraux du vaste hall aux carreaux noir et blanc.
Il entra dans la cuisine.
Lara l'attendait debout devant la table. Un tablier en dentelles passé autour du cou et noué autour de la taille. Il lui arrivait à mi-cuisse. Elle portait des chaussures à talons hauts.
Deux couettes avec des rubans roses se dressaient au-dessus de ses oreilles.
— Bonjour Winston, articula-t-elle d'une voix émue.
Elle s'empressa de lui tirer la chaise, lui faisant toujours face.
Un sourire aux lèvres, le majordome prit place.
— Euh, bafouilla-t-elle, vous désirez votre bacon bien cuit ?
— Juste doré.
— Bon, très bien, et puis, avec le bacon, deux œufs brouillés ?
Winston savourait la façon dont Lara cherchait à retarder les choses. Il acquiesça avec la tête.
Lara étira ses lèvres dans un sourire troublé et ajouta :
— Il fait un temps splendide, n'est-ce pas ?
— Oui, splendide.
— Bon, ah oui ! à propos, si vous n'êtes pas satisfait du papier peint dans votre chambre, je peux le changer et aussi…
— Lady Croft ?
— Oui, Winston ?
— J'ai faim.
Une rougeur rougeoya sur le visage de Lara.
Elle fit un petit oui avec sa tête, ses deux couettes s'agitèrent, elle pinça ses lèvres, et se retourna pour se poster devant le fourneau.
Les yeux de Winston roulèrent sur la merveilleuse nudité de lady Croft.