par Phantom_Blue » 15 Mar 2011, 10:13
Épisode 5
Marco gambadait au milieu d'un champ de fleurs, avec cette impression de légèreté ressentie quand on gambade au milieu d'un champ de fleurs.
Des papillons multicolores virevoltaient dans tous les sens. Des abeilles bourdonnaient à la recherche de pollen.
Soudain un battement d'ailes froissa la douce harmonie de cette merveilleuse journée ensoleillée.
Il leva les yeux vers le ciel et vit un pokemon ailé, dans toute sa majesté, descendre vers lui.
Une fois posée devant lui, la créature magique au corps écaillé de dragon le regarda et dit d'une voix dragonesque :
— Tu as droit à un vœu, parle, et je t'exaucerai.
D'abord surpris, Marco réalisa le bonheur d'une telle situation, réfléchit quelques secondes et répondit :
— J'aimerais vivre un grand amour avec Hélène de Troie.
Aussitôt un tourbillon lumineux tourbillonna autour de lui.
Et il se retrouva dans une jolie petite cuisine rose.
Debout devant une gazinière à quatre réchauds, la belle Hélène faisait bouillir une grande marmite. Elle portait un petit tablier en dentelles sur une jolie petite robe courte.
Plusieurs biberons remplis de lait s'alignaient sur la table.
Elle se tourna vers Marco et lui roucoula dans un sourire d'une envoûtante féminité :
— Mon chéri, voudrais-tu les nourrir, je suis occupée à cuire la soupe ?
Marco se demanda un bref instant de quoi il s'agissait quand des braillements surgirent de la pièce à côté.
Il se précipita pour aller voir et resta figé par le spectacle.
Une dizaine de berceaux occupaient une nurserie aux murs décorés de Mickey et de Bambi.
Et dans les berceaux, des sortes de gros bébés ventrus aux visages de crapauds et aux yeux globuleux, tiraient des langues baveuses et fourchues.
— Nooooon ! cria Marco.
Et il se réveilla en sursaut. Assis à sa table dans la taverne.
— Qu'est-ce qui se passe ? demanda Jennifer. Tu as dû faire un cauchemar.
— On dirait que tu as vu le diable, ironisa Drakan.
Autour de lui, les gens parlaient, riaient, buvaient, fumaient, au son d'une musique joyeuse balancée par le petit orchestre sur l'estrade.
Il était toujours minuit mais personne n'avait remarqué cette étrange fixité du temps.
Sauf Dorian, qui épiait sa montre et sifflait bière sur bière en observant les autres.
Deux trônes en or massif flottaient dans son regard. Il se voyait déjà en maître du monde, avec Mary, en impératrice immortelle, gouvernant à ses côtés dans une robe Jean-Paul Gaultier savamment découpée sur ses formes sculpturales.
Une fois qu'il l'aurait ressuscitée grâce au Livre.
Pouillu lécha une dernière goutte de bière et sauta de la table sur le sol.
— Va, mon fidèle petit compagnon, pensa Dorian, et ramène-moi quelques sombres secrets.
Une jeune fille auréolée d'une longue chevelure blonde bouclée entra. Resplendissante dans une robe de mariée joliment décolletée.
— Mais c'est Nathalie ! s'écria Jennifer en lui faisant de grands signes.
Marco avala sa salive en la voyant arriver à leur table.
— Mais tu fais quoi là et dans cette tenue, tu te maries ? demanda Jennifer.
— Le délire ! envoya Nathalie en s'asseyant. Figure-toi que j'étais au bal du prince charmant, c'est le roi qui voulait marier son fils, donc le prince, et comme j'en avais assez d'astiquer les fourneaux chez une vieille friquée, au départ je voulais monter un institut de beauté pour animaux, une ferme moderne avec cures d'amaigrissement pour cochons et relooking de poulets avec des plumes multicolores, ils sont moches tout blancs non ? enfin tu vois un peu, mais avec la crise actuelle, l'invasion des produits chinois, et Pole-Emploi qui rame…
— Ouais, c'est pas la joie, coupa Jennifer impatiente, et alors, ton bal ?
— La cata, le prince était hermaphrodite, il voulait que je me fasse opérer et que je devienne plate comme un ver, parce que son fantasme, c'est de copuler avec un escargot géant. T'imagines ? Enlever mon 95B ? Du coup j'ai décidé de changer de vie, je deviens indépendante, j'ai même changé de nom, Nathalie Cendrillon ça faisait ringard, désormais je m'appelle Nathalie Bond, comme dans les films. Et les mecs n'ont qu'à bien se tenir.
— Ouais, souffla Jennifer, les mecs sont tous des tarés.
— Merci pour moi, répliqua Drakan, un petit sourire scotché sur les lèvres.
— Euh, bafouilla Jennifer soudain rougissante, c'est pas ce que j'ai voulu dire…
Nathalie balança un clin d'œil complice à Marco, qui louchait son décolleté Lara Croftien.
Deux nains entrèrent dans la taverne et clopinèrent vers le comptoir.
— Elle déraille complètement avec ses cadavres, dit celui avec un chapeau pointu rouge.
— Oui, dit celui avec un chapeau pointu vert, il y en a marre de ramasser des bouts qui traînent partout.
Un des nains monta sur les épaules de l'autre, pour être à la hauteur du comptoir et envoya à Elodys :
— Deux bocks de bière !
— Carte d'identité ! répliqua sec Elodys en le toisant avec des prunelles suspicieuses.
Rampage Master jeta un regard sombre et sournois à la salle puis se pencha vers son fidèle comptable.
— Mon cher Medievil, il se passe des choses bien étranges ici. Va t'en quérir aux nouvelles chez la patronne. Tu demanderas par la même occasion s'il y a des chambres pour passer la nuit.
Medievil, qui louchait le va-et-vient de Nicole entre les tables, se leva et fila vers le comptoir.
Il revint cinq minutes plus tard.
— C'est bon, j'ai pris deux chambres. Sinon je n'ai rien appris de spécial, sauf qu'il y a une fumerie à côté et un sauna au sous-sol. On peut louer les services d'une masseuse.
— J'avais senti les effluves opiacés pour le fumoir, et j'irai peut-être faire un tour au sous-sol, j'ai le dos en marmelade après ce voyage en carrosse.
De l'autre côté, Ladyrianne se pencha vers ses deux compagnes.
— Vous n'avez rien remarqué ?
— Quoi donc ? souffla Maat. Le mec torse nu sur la table ? Plutôt pas mal.
— Quel mec torse nu sur la table ? demanda Angie soudain intéressée. Je vois rien.
— Mais si, juste avant, le troubadour, mais là il vient de sortir.
— S'il y avait eu un mec torse nu, répliqua Angie, je l'aurais vu.
Ladyrianne leur intima l'ordre de se taire d'un geste de la main et commença :
— C'est bien ce que je pensais, le temps s'est arrêté, et toi, Maat, comme je le soupçonnais, tu as le don de voir le futur.
— Comment ça ? s'étonna la fille des mondes obscurs.
— Je vous expliquerai plus tard, mais pour l'instant, soyez vigilantes et ouvrez l'œil. Il va bientôt se passer quelque chose qui nous mettra sur la voie du Livre.
Fripounet remua sa queue tire-bouchonnée et gargouilla à Pouillu qui le regardait avec des yeux langoureux :
— Mon maître attendait un voyageur, mais il n'est pas venu.
— Peut-être est-ce celui de la buanderie. On l'a trouvé dehors mais il a rendu l'âme.
— Avait-il une balafre sur le visage ?
— Oui, répondit Pouillu qui avait rapproché son museau du groin frémissant.
— Damned, c'est bien lui ! s'écria la phacochère soudain inquiet. Il a été charcuté. Il devait donner des renseignements sur un Livre spécial.
— Le troisième Livre de l'Editeur, confia Pouillu, mon maître le cherche aussi.
— Attends, il faut que j'en informe mon maître.
Fripounet sortit de dessous la table, se dressa sur ses pattes arrière, et grogna les informations à Agent Falkan, qui écouta d'une oreille attentive, un œil tourné vers la salle.
Puis il revint sous la table et confia :
— Il va y avoir bientôt de l'action, ça risque de devenir dangereux, reste près de moi.
— Tes désirs sont des ordres, susurra Pouillu en tendant son museau troublé pour un baiser fripounesque.
Pris d'une soudaine pulsion d'expression artistique, et mégalomaniaque aussi, Krystos monta sur la table, vacilla quelque peu, suite aux nombreux alcools ingurgités, et clama d'une voix déclamante :
— Ô larves putrides, vermisseaux rampants, contemplez votre nouveau dieu… Ne suis-je point la grâce et la beauté incarnées ?… Ô Livre, qui sera bientôt à moi, livre-moi tes secrets…
Sa prestation passa inaperçue au milieu des conversations et des beuveries.
Sauf Dorian, qui dressa l'oreille, les yeux aiguisés.
Et Maat qui le contemplait avec une sorte de ravissement étrange.
Nicole se pointa avec trois plateaux chargés de bocks de bière.
— Il est interdit de monter sur les tables sauf pour un strip-tease.
— Mais il n'y a qu'à demander, chanta Krystos avant de crier : carnavaaal !
Nicole haussa les épaules et fila distribuer les boissons.
Tandis que Krystos, jetait sa chemise déboutonnée en l'air, exhibant une poitrine de jeune éphèbe finement musclée.
Personne ne prêta attention à son déhanché provocant. Sauf une petite vieille sans dents, le visage ridée, les cheveux en bataille, fortement imbibée de vinasse, qui l'agrippa par la cheville et crachota dans un sourire de croque-mort :
— Viens là , mon joli, tata Loulou va te câliner.
Krystos poussa un cri d'horreur, se dégagea d'un coup de jambe de l'étreinte visqueuse, et sauta de la table.
— Arrière, démon !
Et il fila vers la sortie en courant.
— Ça alors, s'exclama Angie, j'en reviens pas. Ta vision, elle vient de se produire à l'instant.
Une minute après, il revint affolé en criant :
— Y'a un vieux en slip couché dans la cour et je crois qu'il est crevé !
Imbibé d'alcool et d'une substance hallucinogène expérimentale de sa fabrication, Papofyse croupissait sur une table de massage au sous-sol, le corps bedonnant, le slibard en pâmoison, l'épiderme charcuté par les mains expertes d'une masseuse transsexuelle sans âge liftée et siliconée à outrance. Son costume de Père Noël étalé sur le carrelage comme une peau rouge d'écorché vif.