par Phantom_Blue » 16 Aoû 2010, 08:00
Épisode 9
Le chaman Blue afficha un sourire triomphal sur ses lèvres encore brûlantes d'une pakistanaise récente.
— Toi donner le chandelier… hugh… sinon moi te trouer le soutif…
Lara le dévisagea et envoya d'une voix calme :
— Je me demandais à quel moment tu surgirais.
— Le chandelier n'est pas à toi, vil chaman, cracha Tanalia, il me revient de droit.
Lara le posa sur le bloc et s'éloigna.
— Débrouillez-vous.
Aussitôt le chaman Blue voulut s'en emparer, mais Tanalia lui sauta dessus.
Ils roulèrent sur le sable.
Le cacatoès voletait au-dessus d'eux en claquant du bec :
— A poil… croac…
Lara revint sur ses pas et reprit le chandelier.
— Quelle que soit le lieu, pensa-t-elle, dans la réalité, sur une autre planète, ou dans le cyberespace, on retrouvera toujours les mêmes passions humaines. Je n'ai plus qu'à retourner dans mon monde, en espérant que celui-là est la dimension de Tanalia.
Les bruits de lutte avaient cessé. Toujours couchés sur le sable, le chaman Blue et Tanalia s'embrassaient goulûment, les bouches slurpant soutenues.
— L'amour finit toujours par triompher, sourit Lara. Après tout, n'est-ce pas la seule chose valable dans l'existence ?
Lara avait pris le passage derrière le manoir, qui longeait les haies du labyrinthe. Elle déboucha sur la cour.
Qui se tenait devant le bassin, un revolver à la main ?
Pueblo !
Il gargouilla d'une voix postillonnante :
— Donne-moi le chandelier !
Lara le toisa de haut.
— Tu ne vas pas t'y mettre toi aussi ?
Soudain le vortex tourbillonna et le petit sumo de Vénus atterrit dans l'herbe, près d'eux.
Lara lui montra Pueblo et lança :
— Tu tombes à pic… lui vouloir FWUZI…
Pueblo détala, le visage horrifié, poursuivi par le petit sumo qui tirait une langue baveuse frénétique et deux bras tentacules.
Ils disparurent derrière un buisson dans le verger. Une série de cris aigus et étouffés s'échappa des branchages qui remuaient dans des secousses végétales très agitées.
— Bon, souffla Lara, j'espère que c'est fini…
Quand un rayonnement de lumière rayonna d'une lumière rayonnante.
Et une femme apparut dans une longue robe blanche décorée d'un oiseau stylisé. Ses longs cheveux blonds ondulaient dans un scintillement de reflets dorés. Elle semblait tout droit sortie d'un film d'Heroic Fantasy.
— Je suppose que vous êtes Orejona, dit Lara, fascinée par sa beauté.
Elle lui répondit avec un large sourire :
— Oui, je te félicite, tu as réussi, pas toujours dans les règles, mais l'essentiel était de faire preuve de courage et de noblesse.
— Mais tout ça, c'était quoi ? Une sorte de jeu vidéo ? Le monde était-il vraiment menacé ?
— La vie n'est-elle pas un vaste jeu vidéo ? Et le monde n'est-il pas constamment menacé ? Tout cela fait partie du grand film des déesses et des dieux ! Parfois ils s'ennuient, alors ils s'offrent un petit film avec les humains pour se distraire.
Aussitôt les sept dieux se matérialisèrent devant Lara. Leurs voix résonnèrent l'une après l'autre :
— Tu as été parfaite.
— Bravo pour ta performance.
— J'avoue que tu m'as bien eu.
— Les humaines me surprendront toujours.
— Belle paire de bongos.
— Euh… (dieu timide)
— Si un soir tu es libre, appelle-moi.
Et ils se dématérialisèrent aussi vite qu'ils étaient apparus.
Après quelques secondes, Lara qui n'en revenait pas, demanda :
— Une petite question. La première fois, quand je suis venu ici, il y avait juste le manoir, et rien d'autre. Et là , il y a le verger et le labyrinthe. Est-ce que je suis dans ma réalité ? Apparemment non, ma jambe n'est plus plâtrée, mais j'ai comme un petit doute…
— Tu n'es pas dans ta réalité, répondit Orejona, mais comme le labyrinthe devait te servir pour la suite, je l'ai placé là … Je vois ton étonnement. Oui, je peux anticiper sur le futur, ne suis-je pas une déesse ? Mais rassure-toi, en dernier recours, c'est toi qui peux choisir tes actes et ton destin. Je t'ai quand même un peu aidée en t'envoyant Fwaz avec le vortex, tu sais, ton petit admirateur amoureux. Ça m'amusait de le voir avec Pueblo. D'ailleurs ils ne doivent pas s'embêter.
Le buisson dans le verger s'agitait toujours en rythme, accompagné par des gloussements et des murmures prolongés.
Lara esquissa un petit rire et brandit le chandelier pour le lui donner.
— Tu peux le garder en souvenir. Et tu as droit à une récompense. Qu'aimerais-tu avoir ?
Lara réfléchit quelques secondes.
— J'aimerais ne plus être plâtrée en revenant. J'aime trop l'action. Je m'ennuie quand je n'ai rien à faire.
— Ah oui, le plâtre ! En fait c'était un moyen pour t'immobiliser, le temps que tu vives cette aventure. J'espère que tu ne nous en voudras pas de t'avoir fait chuter sur un obstacle. J'avais pourtant mis un bug, pour vérifier que le charme hypnotique, nécessaire au jeu, était bien efficace.
— Un bug ? s'étonna Lara. Comment ça ?
— Oui, cela ne t'a pas semblé bizarre de ne pas avoir de béquilles pour te déplacer avec une jambe plâtrée ? Même ton cher Winston n'a rien remarqué.
— Mais je ne comprends pas… et le médecin, l'hôpital, j'avais des béquilles…
— Tu as eu le souvenir du médecin et de l'hôpital, mais on l'a rajouté à ta mémoire et à celle de Winston, en fait toute cette aventure avec ta chute sur l'obstacle n'a duré qu'une demi-journée, le temps d'une après-midi.
Décidément, Lara allait de surprise en surprise.
Orejona enchaîna dans un grand sourire :
— Pour ta peine, et pour te remercier de ta participation à cette petite fantaisie distractive, qui nous a tous enchantés, tu es désormais invincible, plus rien ne pourra t'arriver.
Lara exulta de joie puis se ressaisit aussitôt.
— Euh… oui, l'invincibilité, c'est bien beau, mais en définitive, ce qui donne du piment à l'aventure, c'est le danger et le risque qu'on court. Je préférerais autre chose.
— Quoi donc ? Parle et je t'exaucerai !
— Ben voilà , je voudrais un peu moins de… seins, oui je trouve qu'ils sont trop… imposants et…
— Je veux bien te les réduire, mais n'as-tu pas peur de décevoir tes admirateurs ? Ce sont tes seins qui ont fait ta légende, en quelque sorte.
Un doute s'empara de Lara. Elle ne savait plus quoi décider.
— C'est bien simple, enchaîna Orejona, ce vœu sera comme un joker, que tu pourras utiliser à un moment ou à un autre. Ça te va ?
— C'est parfait, répondit Lara, j'aurai ainsi tout le temps de méditer sur la question.
Et c'est là que les trois hommes du "Puerta del Sol" se pointèrent, les armes aux poings.
— Donne-moi le chandelier ! ordonna l'un d'eux, la voix menaçante.
Orejona adressa un dernier sourire à Lara.
— Bon, je te laisse avec eux, amuse-toi bien !
Et elle disparut dans un rayonnement.
— Alors, ce chandelier, il vient ? insista l'homme.
Lara constata qu'elle était la seule à avoir vu la déesse. Et que le chandelier ne vibrait plus. Il était redevenu un simple objet.
— Si vous y tenez, chanta Lara en le posant devant elle dans l'herbe.
Deux pirouettes plus loin, suivies d'un grand écart, d'un saut périlleux avant, et de trois coups de rangeos bien placés dans les parties du corps les plus vulnérables, les trois hommes gisaient dans l'herbe.
Elle reprit le chandelier.
— Désolée, messieurs, mais c'est un cadeau. Je vous souhaite une bonne journée.
Il devait être 19 heures, le carillon retentit dans le hall du manoir.
Winston se dirigea d'une paire de semailles traînantes vers la porte. Et écarquilla les yeux de surprise, après l'avoir ouverte.
Une jeune femme, avec de cheveux roses, vêtue d'une mini robe en cuir rose très courte, de cuissardes tout aussi roses, affichant un décolleté généreux, se tenait sur le seuil.
Le maquillage, extravagant à son goût, donnait au visage un air de lolita délurée. Pourtant il se dégageait d'elle une véritable beauté semblable aux filles des magazines de charmes, à faire pâlir d'envie n'importe quel célibataire endurci.
— Oui, bafouilla Winston, que puis-je pour vous ?
— Lady Croft est-elle là ? demanda la jeune femme d'une voix de midinette.
— Vous avez rendez-vous ? demanda le majordome, ne pouvant s'empêcher de loucher sur son décolleté impressionnant.
— Non, mais je lui ai téléphoné avant, et elle a accepté de me recevoir.
— Ah bon ? s'étonna Winston. Lady Croft est certainement dans le verger. Attendez, je vais vous accompagner.
Ils traversèrent la cour, la jeune femme marchant à côté de lui en roulant des hanches. Un parfum envoûtant se dégageait d'elle.
La chaise longue était vide.
Winston articula d'une voix posée :
— Lady Croft a dû rentrer au manoir.
Et la jeune femme éclata de rire.
— Je crois que mon test est concluant, mon cher Winston. Vous ne m'avez pas reconnue.
Winston la dévisagea et écarquilla soudain les yeux, un effroi de surprise déformant son visage.
— Miss lady Croft ? Mais est-ce possible ?… Et votre jambe ?… Vous n'êtes plus plâtrée ?…
— Je vous raconterai. J'ai été récompensée par les forces célestes pour ma bravoure et ma noblesse d'âme. Est-ce que je fais assez danseuse de music-hall ?
— Eh bien, articula le majordome, si elles étaient toutes comme vous, le music-hall serait ouvert en permanence.
Lara éclata de rire.
— Allez, changez-vous vite, nous allons faire baver d'envie les membres de votre club !
FIN