par Phantom_Blue » 01 Déc 2009, 10:03
KRYSTOS reluqua la fille sur l'affiche de l'abribus. Une pub pour OPIUM d'Yves Saint Laurent. C'était la perfection de l'idéale beauté incarnée dans toute son ineffable incarnation. Rousse platinée des grands rêves Hollywoodiens aux lèvres d'un rouge pulpeux dont les baisers d'une volupté insoutenable devaient ramener les trépassés de l'au-delà .
Il retira avec précaution du bout des doigts l'affiche de la vitre éclatée, remonta dans son corbillard, posa le précieux trésor enroulé sur le siège avant et effectua une marche arrière. Les pneus crissèrent sur les débris de verre éparpillés sur le trottoir.
— Je ne comprends pas, qu'il pensa, j'ai vu deux abribus, dans ce cas-là on passe entre, mais comme je me suis dit : attention, Krikri, dans la vie réelle tu n'as jamais deux abribus au milieu d'une route, j'ai voulu les contourner en passant sur le trottoir…
Un goût de pakistanaise picota le bout de sa langue. Il l'inonda dans un jet de salive, elle aussi fortement pakistanisée.
La voix de Jef LeNoir gargouilla joyeuse sur Radio Gothika :
— Salut les freaks, il est 5h00, le jour se lève, les vampires vont se coucher, la populace des zombies se réveille pour aller au taf, et voici le dernier tube de Jessica Burn pour vous greffer les yeux dans les orbites, "I love love", pour les lobotomisés qui ne la connaîtraient pas, elle pose en ce moment pour OPIUM…
Un frisson pré-extatique parcourut son dos et glissa subrepticement dans son slip Jean-Paul Gaultier édition limitée dédicacé par l'auteur. Suivi par un incontrôlable désir de possession.
En quelques secondes le plan s'échafauda dans les landes désertiques de son mental parcourues par les cyclones de l'érotisme total ultime.
Deux kilomètres plus loin, Krystos gara le corbillard devant le caveau-bar "Nosferatu" dans une petite ruelle sombre.
A peine dehors, la portière claquée, l'affiche enroulée dans la main, il s'exclama :
— Mais c'est quoi cette bagnole ?
Un sursaut le fit sursauter. Il venait de découvrir à travers la vitre teintée un cercueil, plus exactement il réalisait que l'objet derrière lui pendant qu'il conduisait n'était pas un élément aérodynamique décoratif prolongeant l'arrière de la carlingue.
Le couvercle soulevé dans un suspense Hitchcockien révéla la présence d'un moribond inconnu en costume de marié au visage cireux.
Romuald le dealer des Carpates campait dans un box devant un café et le journal. Krystos se tala en face de lui, déroula l'affiche et articula d'une voix luciférienne :
— Il me la faut à tout prix, je la veux.
Puis il petit déjeuna, un croissant trempé dans un verre de vodka, pendant que Romuald passait des coups de fil sur son mobile en reluquant ses initiales sur sa bague en or.
La nuit même, vêtu en ninja, Krystos escalada avec souplesse le mur de la villa, se coula derrière les palmiers, s'envola d'un bond sur le balcon du premier étage et pénétra dans la chambre.
Jessica Burn dormait dans la pénombre claire, nymphe échouée sur la plage des draps de satin rose, sa divine nudité à peine recouverte par une nuisette transparente.
Il distinguait chaque détail de son corps, comme illuminé par la lumière vive du soleil, et dans cet instant de bonheur indicible il remercia maître Pong, un vieux Japonais lubrique collectionneur d'av idols topless, de l'avoir initié à l'art du Ninja et au développement de ses capacités physiques et psychiques, et notamment à l'art secret de la vue dans le noir.
Le lendemain, l'inspecteur Columbo arpentait la chambre dans son imper râpé devant une Jessica Burn étonnée, en mini peignoir de bain, une serviette enturbannée sur ses cheveux.
Il loucha dans les tiroirs vides de la commode, loucha Jessica Burn, un sourire étiré jusqu'aux tympans.
— Et vous dites que toute votre lingerie a disparu ?
— Oui monsieur le commissaire, répondit Jessica, la bouche en cœur, ses grands yeux saphir écarquillés dans un étonnement de cils étonnés.
Quelque part au deuxième étage dans un entrepôt abandonné de la ville, maquillé à la geisha, vêtu en Alucarde d'Hellsing, Krystos prenait la pose entre une vingtaine de mannequins hommes et femmes affublés de petites culottes et de soutifs.
"I love love" embrasait le silence des murs de briques et des hautes fenêtres aux carreaux éclatés.
Melissa vérifia l'appareil photo Nikon reflex numérique D3S sur le trépied, cadra Krystos sur le petit écran et balança :
— Quand même, tu exagères, tout ce cirque pour faire la photo de profil de ton blog !