par Phantom_Blue » 01 Aoû 2009, 06:28
Épisode 12
La comtesse Babou de la Fricotière ricana, la babine retroussée ricanante, en louchant l'écran 19 pouces du pc Acer pentium 4 de son amie Cécile Jarnac, adepte des sciences occultes, grande prêtresse de l'ombre, cartomancienne à ses heures, et qui logeait dans un loft à Soho dans la banlieue de Londres.
— Tu as trouvé ? lui demanda Cécile, vêtue d'un kimono en soie japonais, une Chesterfield modifiée fumant entre ses longs doigts aux ongles recourbés violets.
— Oui, sur un site des Carpates qui parle du parchemin. Maintenant je comprends tout. Rien n'est fini, le monde peut encore basculer dans le chaos.
— Je croyais qu"il y était déjà , souffla Cécile en se penchant sur l'écran.
Une grimace nasale de dégoût agita les narines de la comtesse et fit frémir sa babine retroussée.
— Hééé, mais tu sens quoi là ? On dirait du sperme putréfié de bouc congolais aromatisé aux déjections vaginales de gazelle sénégalaise ?
— T'as presque juste, c'est du sperme putréfié de bouc sénégalais aromatisé aux déjections vaginales de gazelle congolaise. Une recette que j'ai trouvée dans un vieux grimoire, pour attirer les beaux démons cornus. Mais apparemment ça ne marche pas trop.
— Tu m'étonnes, ça ferait même fuir Dracula.
— Surtout ne me parle pas de mes ex. Il a été mon plus grand amour. Nous avons dansé au clair de lune sur un tapis de corps de vampiresses nues gluantes de bave d'arachnide emmêlés dans une immense orgie. J'ai connu l'orgasme ultime entre ses bras, j'en vibre encore, regarde, mon kimono s'agite sous ma taille, c'est le souffle puissant de l'amour qui roule ses flots déchaînés dans ma crypte de velours. Et ce fumier s'est barré avec mon fric et ma télé.
Elle dansa au ralenti, les bras imitant les ailes d'un cygne hermaphrodite à l'agonie, dans la grande pièce décorée de masques polynésiens et de statuettes égyptiennes.
— Ecoute ça, lança la comtesse après avoir aspiré la fumée d'une King Size modifiée. Le désir doit être exécuté durant 24h et ne pas être interrompu, faute de quoi le diable reviendra et triomphera, et le monde sombrera dans le chaos. Il suffit donc de l'interrompre et le tour est joué.
— Mais ne m'as-tu pas dit que ce libertin infernal avait jeté son dévolu sur cette Lara, t'ignorant comme la dernière fiente de pigeon ? Et tu voudrais le faire revenir ?
— Oui, je sais, mais bon, ça mettra un peu d'ambiance, et je compte bien le faire tomber follement amoureuse de moi.
— Ah ouais ? Et comment ?
La comtesse sonna en bas de l'immeuble, attendit le bourdonnement et poussa la porte.
Deux minutes plus tard, elle sortit de l'ascenseur au dixième étage et repéra le nom sur la troisième porte dans le long couloir.
Elle n'eut pas le temps de sonner, la porte s'ouvrit et un homme bedonnant en costume froissé, la tête dégarnie, des grosses lunettes, à l'allure de fonctionnaire, serra la main du grand marabout noir albinos Wagadoudou, flottant dans une djellaba éclatante de couleurs. Ce dernier lui chanta avec un accent africain :
— Ne vous en faites pas, monsieur Gonzales, votre maîtresse reviendra en pleurant, et votre femme pleurera en revenant, et elles vous redonneront les millions qu'elles vous ont pris.
L'homme s'éloigna dans le couloir, pendant que le marabout Wagadoudou levait les bras en l'air en s'écriant :
— Babouuuu ! La sorcière de la jungle ! Que viens-tu faire ici ?
— Il me faut un philtre d'amour.
Wagadoudou referma la porte derrière elle et lança d'une voix forte :
— Très facile, ovule de scorpion, utérus de lézard, et quel est l'heureux élu ?
— Le diable.
Déjà blanc dans les tifs, le marabout blanchit comme Michael Jackson. Il articula, la voix trempée par la sueur de l'angoisse :
— Le diable ?
— Viens, je vais t'expliquer.
Une fois dans le petit salon, décoré de masques et de statues africaines, des bougies allumées paradant un peu partout, la comtesse s'installa sur un canapé de cuir usé et actionna un kiwi distributeur de cigarettes sur la table basse en bois sculpté, pendant que Wagadoudou lui versait un verre de tequila blanco, accompagné de sel et d'une rondelle de citron vert.
— Je vois que tu n'as pas oublié mes goûts, dit-elle en prenant une Ivoirienne modifiée du bec du kiwi.
Elle l'alluma et aspira la fumée opiacée. Ses yeux se télescopèrent dans un télescopage agité. Puis elle lécha le sel sur sa main, mordit dans la rondelle de citron vert et avala cul sec la tequila.
Et elle lui résuma la situation.
— Il va falloir des ingrédients plus puissants, articula Wagadoudou. Ovule d'hippopotame, utérus de rhinocéros…
— Je te laisse faire, l'essentiel que le prince des ténèbres tombe follement amoureux de moi et m'offre le monde.
— Dis, tu penseras à moi, j'aimerais bien régner sur l'Afrique.
— C'est comme si c'était fait, siffla la comtesse en désignant la bouteille de tequila.
La comtesse stoppa sa Ducati 996 rouge à une vingtaine de mètres de l'entrée du manoir, retira son casque intégral et marcha vers les grilles, ondulant des hanches dans une combinaison moulante de moto en cuir jaune rayée de bandes noires.
Des cumulonimbus se baladaient relaxes dans un ciel bleu d'après-midi tranquille.
Un passe-partout et la dextérité de ses doigts agiles ouvrirent sans effort les grilles fermées. Une fois à l'intérieur, elle fila derrière des buissons, passa par le verger en longeant le mur, et trouva la fenêtre du salon entrouverte.
On entendait les voix de Lara et Winston.
Elle risqua un œil, puis deux, et n'en crut pas ses yeux en découvrant Lara en tablier, les fesses à l'air, en train de passer le plumeau sur les bibelots, et Winston confortablement assis sur le canapé, dégustant un Johnnie Walker et fumant une H&B.
— J'ai hâte que cela finisse, dit Lara. Vous imaginez si quelqu'un me voyait comme ça ? Même plusieurs personnes ? Je ne sais pas si je tiendrais le coup. Déjà avec vous j'ai le plus grand mal.
— Croyez lady Croft que je comprends, répondit Winston de sa voix posée, et soyez assurée que mon regard est purement artistique. Votre plastique est irréprochable.
— Oui, bon, ça va, Winston, je vous remercie pour votre sollicitude mais n'en rajoutez pas.
Le majordome tira sur sa cigarette et souffla un petit nuage de fumée bleutée.
— Intéressant, murmura la comtesse, je commence à comprendre. Ainsi le fameux désir, c'était ça.
Elle regarda sa Rolex sertie de mini diamants.
15h30, cela me laisse tout le temps pour organiser mon plan et le mettre à exécution.
Elle se dirigea vers la sortie quand ses narines humèrent des volutes caractéristiques.
— Tiens, on dirait bien des odeurs de Jingling, Benson & Hedges, Mild Seven, Peter Jackson, Winfield, Reynolds, et même une effluve triviale de Gauloises vertes goût américain…
Elle leva les yeux et aperçut le nuage de fumée flottant au-dessus du labyrinthe.
— Quelque chose me dit que le marquis n'est pas loin, souffla-t-elle à voix basse en filant vers les hautes haies verdoyantes.
Après avoir déambulé dans le labyrinthe en se repérant à la fumée, elle tomba sans difficulté sur la cachette secrète et le marquis allongé dans le fauteuil électrique en cuir Olympia.
Un sourire béatifique étirait ses lèvres imprégnées d'alcool et de tabac.
— Oui, murmura-t-il, donne-moi un baiser brûlant…
La comtesse le secoua pour le réveiller.
Le marquis ouvrit les yeux encore embués de visions oniriques torrides et balbutia :
— Mais que se passe-t-il ? Toi ?
La comtesse le laissa émerger et passa en revue les étagères, se versa un verre de For Roses additionné de Wild Turkey et de Old Virginia, et se rabattit sur le seul paquet de cigarettes qui restait.
Elle aspira une bouffée de Gauloise Verte et la jeta sur le sol, la babine retroussée grimaçante.
Le marquis bailla, s'étira et se redressa pour se lever.
Un vertige tourbillonna autour de lui dans un tourbillon vertigineux.
— Je crois que j'ai un peu abusé.
— Pas qu'un peu, à en juger à la bouteille vide et aux mégots.
Elle essaya de les compter mais préféra s'arrêter après une vingtaine, estimant à première vue qu'ils dépassaient la centaine.
Et c'est un marquis encore chancelant qu'elle aida à ressortir du labyrinthe.
Etonné, il demanda en la dévisageant, ses yeux flottant comme deux balles de ping-pong dans l'espace oculaire :
— Comment as-tu retrouvé la sortie ?
— Avec mon spray parfum ambiance "voyage marquise" au magnolia, un petit coup dans chaque allée sur une haie pour me repérer.
— Tu es merveilleuse, souffla le marquis, les prunelles pétillantes d'étoiles.
— Oui, plus tard les compliments, j'ai un super plan, je t'expliquerai.
La comtesse fit rugir les 134 chevaux de la Ducati, pendant que le marquis s'accrochait dans son dos, les mains passées autour de sa taille de guêpe.
Et ils filèrent plein gaz, les cheveux fouettés par un vent farouche.