par Phantom_Blue » 09 Sep 2008, 09:36
Chronique 12
J’ouvre les yeux. Le lit flotte sur les vagues. Autour, l’océan roule nonchalant sous un ciel bleu saphir chargé de cumulo-nimbus blancs.
Et allongée à côté de moi, une sirène avec deux coquilles Saint Jacques sur les lolos et une queue de poisson en écailles luisantes.
— Angie Cyclone ! que je m’exclame. Vous, ici ?
— Nous sommes en dehors de la zone contrôlée par l’OPG.
— Vous êtes revenue.
— Je n’ai toujours pas défini qui vous êtes vraiment.
— Moi-même j’ai du mal parfois.
— Ne plaisantez pas, c’est sérieux.
— Mais c’est toujours sérieux.
— Votre mère a raison, vous êtes encore un gamin.
— Maman ? Vous connaissez maman ?
— Bon, il faut que j’y aille.
— Vous partez déjà ?
— Il le faut, mais nous nous reverrons.
Je n’ai pas le temps de prononcer les mots qui consument mon cœur. Angie Cyclone disparaît dans les vagues.
Je scrute la surface dans l’espoir de la voir réapparaître.
Soudain la gueule ouverte pleine de dents pointues d’un squale émerge près du lit, pointée menaçante vers moi.
Je recule, apeuré. Comme elle insiste, je lui assène un coup d’oreiller. Le squale le mord d’un claquement de dents claquantes.
Et je me réveille, l’oreiller éventré à la main, des plumes éparpillées sur le lit et le parquet.
Je note les nouvelles informations dans mon calepin. Il existe une zone non contrôlée par l’OPG. Angie Cyclone connaît maman. Mais le squale ? Mon raisonnement m’incite à penser qu’il s’agit d’un espion travaillant pour l’OPG, mais j’apprendrai plus tard qu’il est amoureux d’Angie Cyclone en sirène, et qu’une jalousie compréhensible l’a poussé à m’attaquer, mais ne brûlons pas les étapes.
Je téléphone à l’agence PubliStar de maman, où la secrétaire m’informe qu’elle est partie à Londres hier pour un défilé et qu’elle ne sera de retour que cet après-midi vers 15h.
Le reste de la matinée se passe dans un zapping sans grand intérêt, toutes mes pensées étant focalisées sur Angie Cyclone.
L’après-midi à 13h12, je prends le tram pour aller voir maman et lui demander des renseignements sur Angie Cyclone. Une affichette encadrée dans la rame attire mon attention.
« Doucement les basses ! Par respect et pour le confort de tous, merci de baisser le niveau sonore de votre lecteur mp3 ou de votre téléphone. L’usage d’appareils ou d’instruments sonores dans les véhicules est passible d’une amende de 4e classe, d’un montant de 144 euros. Décret n° 730 du 22 mars 1942. » (Affichette authentique.)
En 1942, les lecteurs mp3 et les téléphones portables n’existaient pas encore. Il s’agit donc de nouveau d’un coup de l’OPG pour créer le trouble dans les esprits et déstabiliser les consciences.
A la sortie du tram, centre ville, une horloge murale au coin de la rue de la mésange et des grandes arcades indique 13h53 alors qu’à ma montre, réglée sur le temps universel à un milliardième de seconde, il est 13h59. L’OPG cherche à freiner le temps dans le but de ralentir nos réflexes et nous plonger dans une semi-léthargie. Pour lutter contre la sensation d’engourdissement qui commence à envahir mes talons et mes mollets, je bois trois cafés serrés colombiens à la terrasse de l’Europ Snack, tout en essayant de recomposer le schéma d’ensemble des réalités.
Je prends comme base la Relativité d’Einstein, à laquelle j’ajoute les lois de symétrie et d’opposition et le principe des phènes du docteur Francis Lefébure, que je complète avec les états transpersonnels du neuropsychiatre John Lilly, inventeur du caisson d’isolation sensorielle, et je finalise avec le programme de synchronisation des deux hémisphères cérébraux de l’Institut Robert Monroe en Virginie. Bien évidemment, je supprime le mur de Planck qui n’a aucune raison d’être, les seuls murs étant ceux que l’on se construit dans la tête.
A 15h10, je débarque à PubliStar, où maman, resplendissante dans une robe en lamé or de Balanciaga, prépare la nouvelle campagne publicitaire pour la boisson gazeuse à la menthe Fresh Up. Deux assistants essaient d’attraper le ouistiti qui s’est perché sur une lampe sous le plafond, et qui doit jouer le rôle du ouistiti assoiffé dans la pub.
Et c’est parmi les grandes photos des top-models féminins affichées sur un mur, et qui ont posés pour l’agence, que je reconnais le cœur battant Angie Cyclone. Elle a été l’égérie des lingeries Lise Charmel. L’affiche me fait tressaillir de désir. Le blue turquoise flashy du soutif à balconnets et de la petite culotte échancrée contraste merveilleusement avec le satiné orange de sa peau d’une délicate douceur infinie.
Toujours prompte à résoudre toutes les situations les plus inextricables, maman agite la photo de la pub pour Rocky, une pub pour une marque de vêtements branchés djeunes, ou une véritable banane trône sur la tête d’un punky-rapeur. Aussitôt le ouistiti descend de sa lampe, attiré par l’illusion photographique du fruit, et se voit saisi par les doigts saisissants des deux assistants, ce qui n’est pas au goût du ouistiti, conscient d’avoir été dupé. Il le fait savoir en poussant des petits cris très stridulants.
— Maman, que je demande, tu connais Angie Cyclone ?
— Qui ça ? balance maman en gratouillant affectueusement l’espace inter-sourciller du ouistiti avec un index et un majeur vibromasseurs, toujours maintenus par les doigts d’un seul assistant, l’autre ayant jugé que son intervention n’était plus nécessaire, ce qui a l’air de plaire au ouistiti, puisqu’il n’émet plus aucun son dissonant.
— La fille de la pub Lise Charmel.
Je lui montre l’affiche sur le mur.
— Aaaah ! Elle ! Alicia Castavenia !
Durant une seconde qui s’éternise, je reste figé. Ainsi elle ne s’appellerait pas Angie Cyclone ? Remarque, à force de se déguiser, elle doit avoir plusieurs noms.
— Pourquoi, tu es amoureux ?
La question a fusé de la bouche de maman comme une claque de Bruce Lee.
— Euh, non, je voulais juste savoir.
— Ah bon ! Sinon je t’aurais donné ses cordonnées, mais comme tu n’es pas amoureux.
— Euh, ben…
Maman lâche un petit rire amusé.
— Ouiii ?
— Disons que…
Je n’aime pas ses situations relationnelles où je me retrouve en position dépendante et infériorisée, surtout face à maman.
— Euh, ben…
— Mais encooore ?
— Bon, ça va, que je m’énerve, c’est bon, ça va.
Maman tend l’oreille avec un lob où est clipé une boucle d’oreille en diamant scintillant.
Le ouistiti tend une oreille velue. L’assistant qui tient le ouistiti tend une oreille tendue. L’assistant qui ne tient rien tend une oreille avec trois anneaux. La secrétaire derrière son bureau dans le hall d’entrée de l’agence tend une oreille de secrétaire. Toute la ville s’est immobilisée et tend une oreille urbaine géante composée par les milliers d’oreilles tendues de tous les citoyens. La Terre s’est arrêtée de tourner et tend une oreille planétaire…
Une goutte de transpiration frontale s’attarde à tomber sur ma tempe droite. J’articule d’une voix presque inaudible :
— Je… l… ’... a... i... … … … m… … … … … e
Maman sourit et me souffle dans un souffle de maman qui sourit :
— Elle habite au 103 rue des acacias, dans le 12e…
Un courant d’air supersonique fait tourbillonner maman comme une toupie. Moi filant plus rapide que Speedy Gonzales au 103 rue des acacias dans le 12e.
Je traverse la ville en black cab conduit par un rasta dont les dreadlocks virevoltent à cause d’une tête agitée sur le dernier tube de Lorie qui passe à la radio. Enfin je débarque devant le 103 de la rue des acacias dans le 12e.
Horreur, stupeur et désolation en découvrant un immeuble abandonné aux volets fermés et à la porte condamnée par des planches clouées. Deux pigeons copulent frénétiques sur le rebord d’une fenêtre au premier étage.
Tremblant, je dégaine mon mobile et appelle maman pendant que le rasta pianote avec ses longs doigts jaunes nicotineux et kifés sur le volant.
Au bout du fil, maman rigole et envoie :
— Tu es parti tellement vite. Tu ne m’as pas laissé le temps de te préciser que c’était à Tokyo mais comme elle voyage beaucoup, du fait de son métier de top model, elle n’est pas souvent chez elle. Elle a un numéro où on peut la joindre, attends…
Et la batterie de mon mobile tombe à plat.
Super gasp et caranougats ripous !
Je m’engouffre dans le black cab qui fonce à PubliStar.
Le rasta me demande ce qui se passe. Je préfère rester discret, au cas où il ferait partie de l’OPG.
— C’est pour une femme ?
Ses yeux jamaïcains me scrutent dans le rétroviseur intérieur où pendouille une petite poupée de Betty Boop. Il rajoute avec une rangée de dents dans le désordre :
— C’est toujours pour une femme. Elles nous rendent complètement marteau dingo du ciboulot, mon frère. Avec elles t’auras jamais le dernier mot, crois-moi. Regarde ma troisième femme… blablabla…
Je m’éjecte du black cab devant PubliStar après avoir banqué un biffeton de 20 pour la course et fait cadeau de la monnaie.
— OK, mon frère, si t’as besoin d’aide, n’hésite pas, je suis Jimi Colibri, le mec qui laisse pas tomber les amis ! Je crèche de temps à autre Au Perroquet Vert, chez la grosse Irma, ma cinquième femme. Allez, à plus mon frère !
Je fonce dans l’agence. Maman n’est plus là . La secrétaire m’informe qu’elle est partie à Berlin pour un séminaire sur la communication.
Je m’empare du téléphone, compose le numéro de maman, tombe sur son répondeur. Inutile de laisser un message avec maman. Elle ne répond jamais aux messages, surtout aux miens. Elle estime que je suis assez grand pour prendre ma vie en main et me sortir tout seul des situations les plus inextricables. Je la rappellerai. Le téléphone raccroché, après quelques secondes de flottement dans un no man’s land mental, je cible la secrétaire, une petite brunette aux yeux hyper maquillés.
— Vous n’auriez pas par hasard le numéro de téléphone où on peut joindre Alicia Castavenia ?
De retour chez moi, après avoir discuté sur le palier avec la voisine sur la hausse des prix et la réduction des remboursements de la sécurité sociale, en zappant je tombe sur la pub du gel douche Fame. Non, je ne rêve pas, c’est bien Angie Cyclone, avec une longue chevelure rousse, les lolos enduits de mousse onctueuse. Une voix dit : « Faites comme Amandine Cartland, utilisez Faaaame ». Encore un nouveau nom !
Je retrouve et récupère la vidéo sur Dailymotion. Surfe sur le Net. Découvre une autre vidéo, une pub pour le parfum « Essence de Sens » de Loulou Désir, où Angie Cyclone, les cheveux mi-longs et noirs, humecte de plusieurs gouttes odorantes avec une grâce irréellement féminine son cou d’une perfection divine. Je ne vois aucun nouveau nom. Après un surf intense, et trois autres vidéos récupérées, dont un nouveau nom : Anaïs Chesterine, les zoeils commençant à clignoter, hanté par ce nouveau mystère, je me recouche.
Deux minutes à peine recroquevillé dans les draps, je me redresse dans le lit.
Le numéro de téléphone ! J’avais complètement oublié. C’est la conversation avec la voisine, ça m’est sorti de la tête. Est-ce que la secrétaire me l’a donné ? Euh… Je me précipite sur les poches de mon blouson. Trouve le post-it rose avec le numéro de téléphone. Mais oui, elle me l’a donné. Je me précipite sur le téléphone. Toute notre vie est faite de précipitations.
Longue sonnerie. Personne ne décroche. Je rappellerai à intervalles réguliers.
Et je me recouche.
Chronique 13
Emma Peel, moulée dans une combinaison moulante en sky noir brillante, garnie de tirettes éclairs, devant du cou au nombril, sur les avant-bras et le long des jambes, du talon au genou, furète d’un œil malicieux, le nez fripon, dans les coins et les recoins de la chambre de la reine d’Angleterre à Buckingham Palace, avec une grâce et une légèreté merveilleusement féminines.
Tandis que John Steed, son éternel chapeau melon posé sur un brushing impeccable, cintré dans un costume gris clair aux mensurations idéales de lord, ouvre les tiroirs d’une commode Henri VIII, et exhibe sur le bout de la pointe de son parapluie Chamberlain une guêpière rouge taille 58 des plus osées, garnies d’une série de jarretières terminées par des petits rubans fantaisie.
— Je ne savais pas que la reine donnait dans la frivolité populaire.
— Sa majesté est une femme comme les autres, répond Emma Peel en écartant une mèche de cheveux de sa joue droite, qui avait glissé quand elle s’était penchée pour voir sous le lit à baldaquin.
John Steed repose la guêpière dans le tiroir, un petit sourire dansant sur ses lèvres aristocratiques.
— Bon, miss Peel, je crois que nous avons fait le tour. Nous n’apprendrons rien de plus.
— Détrompez-vous, rétorque Emma Peel en examinant le rebord de la fenêtre.
Elle passe son index fin et arqué sur la boiserie, puis près de ses délicieuses narines, et chante d’une voix triomphale :
— Essence de Sens de Loulou Désir. Notre voleur de culotte est très certainement une voleuse.
— Et comment en arrivez-vous à cette déduction, miss Peel ?
— Tout simplement parce que j’ai aussi repéré ce parfum sur la poignée du tiroir de la commode dans lequel se trouvait la culotte.
— Mais ne serait-ce pas le parfum de sa très gracieuse majesté ?
— Elle se parfume exclusivement avec Rose Impériale de Saphira Duncan.
— Mais il pourrait s’agir du parfum de la femme de ménage ? Ou d’une servante ?
— Il est interdit au personnel de se parfumer.
— Je le savais, bien entendu, miss Peel, mais je voulais vous prendre en défaut.
Emma Peel lui adresse un petit sourire adorablement carnassier.
— Et je parie que vous allez donner l’âge de la voleuse ? rajoute John Steed, un rien ironique mais avec beaucoup de diplomatie gentlemaniaque.
— Mon cher Steed , Essence de Sens est un parfum utilisé en grande majorité par des femmes entre 25 et 27 ans, les adolescentes préférant les essences de framboise vanille, les vieilles rombières s’aspergeant d’eau de Cologne anti-bactériennes. Mais j’opterai pour une fille entre 17 et 19 ans qui veut brouiller les pistes.
— Miss Peel, votre science du raisonnement me déroutera toujours.
— Avouez que vous ne me croyez pas !
— Miss Peel, je me fie entièrement à votre intuition féminine, lance John Steed d’une voix chaleureuse, et vous préconisez quoi, maintenant ?
— Allons prendre une tasse de thé, nous aviserons ensuite.
— Très bonne idée, miss Peel, avec un verre de champagne.
— Cela va de soit, mon cher Steed.
Pendant que Milou copule frénétique avec Lassie et Benji, Rintintin n’ayant pas pu se libérer pour le tournage, filmé par Jean-Luc Godard, qui compte bien affirmer aux yeux du monde cinématographique les concepts de la nouvelle vague, à savoir la liberté d’improvisation sur un anti-scénario, Tintin feuillète les dernières nouvelles du Petit Marseillais et tombe sur un article dans les faits divers internationaux relatant la nuit dernière le vol de la culotte en latex de la chancelière
— Capitaine, nous sommes en présence d’une affaire des plus étranges.
Le capitaine Haddock, en pyjama décoré de Rackham le Rouge, sirote une tasse en porcelaine de whisky Jack Daniels sous le parasol arc-en-ciel à la table ronde sur la grande terrasse au rez-de-chaussée attenant au salon du château de Moulinsart, la barbe pâteuse, l’esprit encore embrumé par les vapeurs d’une nuit d’alcoolisation particulièrement intense.
— A l’abordaaaage !
— Doucement, capitaine, articule Tintin d’une voix jeune, claire et dans un excellent français de terminale L. Echafaudons d’abord un plan. Dans un premier temps, rendons-nous chez notre grande amie la Castafiore !
— Par les dents du grand requin blanc, pas chez cette vieille péronnelle de basse-cour !
— Justement, capitaine, je ne serais pas surpris qu’une de ses culottes ait disparu.
— Par les tentacules gluantes de la pieuvre géante qui a failli entraîner le Nautilus dans les abysses insondables ! Qu’est-ce qui vous fait penser ça ?
— Toutes les personnalités féminines d’un certain âge, qui occupent la scène internationale, ont une de leur culotte volée. Et la Castafiore me semble être une cible toute désignée.
— Mais quel malade voudrait s’emparer d’une culotte de la Castafiore ? Un collectionneur fétichiste masochiste ?
— Ou une collectionneuse.
— Une femme, dites-vous ?
— Ou une fille.
— Une fille ? Mais comment diable parvenez-vous à cette déduction ?
— Mon instinct infaillible de jeune reporter audacieux et intrépide qui n’écarte aucune possibilité. Et je peux même vous dire son âge.
— Par les burnes poilues de Barbe-Noire !
— Je dirai entre 17 et 19 ans.
— Expliquez-vous ! crache sidéré le capitaine Haddock, ses deux gros globes oculaires sombres de marin au long cours braqués sur le visage poupin et enjoué de son jeune ami à la houppe rousse.
— Cette nuit, pendant que vous festoyiez avec deux femmes de petites vertus, l’une étant un travesti…
— Un travesti ? s’exclame le capitaine Haddock, au comble de la suffocation.
— Exactement, capitaine, il y a des signes qui ne trompent pas, et qu’un œil averti sait déceler.
— C’est impossible ! Je m’en serais aperçu !
Le capitaine Haddock abat avec rage son poing sur la table ronde. Sa tasse en porcelaine, avec la larme de whisky qui stagnait au fond, valdingue sur les dalles de la terrasse et éclate en morceaux.
— Soyez beau joueur, capitaine, on ne peut pas gagner à tous les coups. Donc je reprends. Cette nuit j’ai calculé le thème astral de la reine d’Angleterre, l’inclinaison de l’axe de la Terre, et en me basant sur les quatrains de Nostradamus, les manuscrit de la mer Morte, le Popol Vuh et la Bhagavad Gita, il en est ressorti qu’un ange ayant tout juste quitté les désagréments de l’acné juvénile sèmera un vent de panique et le plus grand désarroi dans les royaumes du monde. On le reconnaîtra à des événements mystérieux se passant sous le nombril des anciennes génitrices trônant dans le ciel des hommes.
Il fallut au capitaine Haddock deux minutes quarante neuf secondes et une série de tapes accentuées dans son dos pour arrêter la toux belliqueuse qui venait de s’emparer de son gosier.
A cent mètres, dans le parc, près de la fontaine déversant une cascade d’eau trépidante, Jean-Luc Godard, la caméra à l’épaule, zoomant Milou entre Lassie et Benji (Rintintin ayant dû décliner le rôle, je l’ai déjà dit plus haut, mais je rajoute cette précision capitale pour la compréhension de cette histoire hautement thrillesque : à cause d’une chaude-pisse attrapée en urinant la patte levée sur des orties), balance avec une sérénité fébrile de metteur en scène innovateur :
— Plus frénétique, la copulation !
Pendant que Napoléon Solo roule une pelle à Illya Kullyakin au Sticky Fingers Bar de Bill Wyman bourré derrière son comptoir et rêvant à la bouche rose nacrée de Mandy Smith. Et que mister Bean repousse avec un rictus de gêne crispée sur les mâchoires les assauts répétés des Totally Spies dans un sauna thaïlandais de Carnaby Street.
Cette histoire au départ hautement intellectuelle risquant de déraper dans les marais glauques des pulsions préhistoriques génitales du cerveau reptilien, la volonté pourtant farouche de l’auteur ne pouvant pas toujours contrôler les débordements immatures des personnages, nous enchaînerons sur les vertus moralisantes du théorème de Pythagore, et ceci au risque de décevoir certains esprits portés sur la bacchanale joviale et les impertinences d’un libertinage dénué de toutes les règles de la droiture républicaine.