Episode 22
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Debout à droite de la télé 16/9 écran géant, reliée au Net via un pc, Sandra poussa un cri strident. Ses couettes pointées à l’arrière, comme des zoreilles de louve-garou prête à bondir crocs au vent sur sa proie.
Je me redressai dans mon fauteuil, les zieufs exorbitaillés tout globuleux, striés de veinules sanguinoleuses.
Assises à côté sur le canapé, BB-lilith arrêta de siffler un Zomby Cola, et loucha sec sur l’écran. Aeryn Sun loucha sec sur l’écran, en continuant de siffler un Zomby Cola.
Quant à Enilis, je crus qu’elle allait cracher des flammes. Elle sauta de son fauteuil, un ressort sous le shorty, et se campa presque devant la télé en gueulant :
— Non mais j’hallucine ! Elles ont fait un cliiiiip ! Aaaaaargh ! Grrrrrrrr !
Sur l’écran, Sami se déhanchait au ralenti dans un mini shorty et une mini brassière en sky rose. Destroy les bottes roses à talons aiguilles !
Elle chantait d’une voix sensuelle et lascive :
— Blue… on the beach… Blue… on the beach…
Derrière elles, Misscroftlook à la lead guitar, dans une combi moulante avec des tirettes éclair, que les tirettes entre les lolos et sur les cuisses elles z’étaient ouvertes, balançant des accords langoureux d’une menotte nonchalante.
Coralie tenait la basse, un chemisier blanc avec une cravate, une jupette plissée, des loose socks, un petit air de gamine coquine.
Assise à la Batterie, un tee-shirt avec un Bisounours sur les lolos, Nayru tapait en douceur des baguettes dans une rythmique hypnotique.
LOVE BOMB BABIES était marqué sur la grosse caisse.
— Non mais, vous avez vu le shorty ? s’exclama Enilis léger vénère. Encore plus réduit que l’autre ! Plus moins, t’as le string ! Grrrrr !
— Je le crois pas, cracha Sandra, la Coralie elle m’a piquée ma tenue de schoolgirl manga. Je vais lui arracher ses couettes ! Grrrr !
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Puis Sami commença à se trémousser hystérique. Nayru entama une rythmique speed, les baguettes valdinguant costaud sur les caisses. Misscroftlook décalqua une suite d’accords trash metal, sa menotte devenant agressive dans la gestuelle. Coralie s’excita sur les cordes de sa basse, les couettes agitées féroce.
Et Sami balança dans des petits cris aux allures jouissives :
— Kiss my bikini… kiss my bikini…
— Puuutiiiin ! beugla Enilis. C’est du n’importe quoi ! Ça vole pas haut côté paroles ! Pouffes Babies, ouais ! (Elle se retourna vers moi.) Hééé y a Blue, il est en transe !
— Ben euh, que je bégayai presque, faut reconnaître qu’elles assurent quand même un peu, non ? Glurps !
— Tu rigoles ? trancha sec Sandra. Ne me dis pas que t’appelles ça de la zic ?
— Normal, gloussa glauque Enilis, c’est le mini shorty de miss pouffe, il est aux anges !
A mon avis, les filles venaient de se prendre une maxi claque dans les couettes. Le syndrome de la jalousie devant un clip d’enfer.
— Je parie ce soir, caqueta BB-lilith, Blue est sur le pc et il tape « Love Bomb Babies » dans youtube, les doigts tremblants.
Les filles rigolèrent comme une meute de chacalesses.
Aeryn Sun décapsula une autre canette de Zomby Cola, s’envoya une longue coulante dans le gosier, et blablata :
— Ben je crois qu’il va falloir revoir notre chanson.
— Quoi ? s’écria Enilis . Tu crois que c’est pas bon ?
— Je vous l’ai dit, expliqua BB-lilith, c’est trop gore. Sandra qui chante : « Je détruis les zombies à la tronçonneuse, I love zomby blood », taguée de la tête aux pieds de sang de zombies, pendant qu’on balance des bouts de zombies sur la scène, comparé à Sami et à son shorty, les mecs sauront pour qui voter.
J’ai oublié de préciser que les clips, c’était pour un concours lancé par l’Académie sur Internet. Vous saisirez peut-être mieux la haine qui flotte dans l’ozone.
— Et si on faisait du sexy blood ? proposa Sandra.
— Comment ça ? demanda BB-lilith.
— Ben euh, bafouilla Sandra en rougissant. Style Sami, quoi, mais avec du blood !
Les filles se regardèrent, interloquées.
— Attends, répliqua BB-lilith, tu crois tout de même pas que je vais m’exhiber comme elle ? Faudrait peut-être mieux l’écraser au niveau instruments, en jouant comme des déesses.
— Hein ? dit Enilis, en pensant à ses accords loupés pendant la dernière répète.
— T’en penses quoi, Blue ? qu’elle me demanda, Sandra.
— Glurps !
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Pour résumer et situer, on se trouvait chez Sandra, dans son salon aux murs couverts de dessins manga. Principalement Kisshu, sur certains dessins torse nu, la jean déboutonné, la tirette éclair baissée d’un quart. Des trucs de manga, quoi !
Les filles discutaient depuis dix minutes de la tenue pour le clip, quelle forme aurait le shorty, cherchant le juste milieu entre le modèle fesses à l’air, trop provoc nympho, et le modèle grand-mère, trop rétro frigide.
Un bloc de feuilles A4 sur les genoux, Sandra exécutait des croquis recto verso de shortys, les versos étant particulièrement apprécié.
— Wouah ! s’exclama BB-lilith. Tu dessines vachement bien les fesses !
— Hein ? souffla Sandra, une rougeur sur le visage. Euh… stroumpf…
— Et si on demandait à Karl ? proposa soudain Enilis.
— Comment ça ? gloussota Aeryn Sun, une canette de Coca Tequila dans les doigts.
Enilis dégaina son mini portable extra plat rosy flashy, composa un numéro, le plaqua sur sa zoreille gauche, attendit 5,3 secondes et roucoula :
— Kaaarl ?… coucou, c’est moi, Nini… comment tu vas ?… oui… on a un petit problème, on doit tourner un clip, et on est pas décidées pour la tenue, notamment au niveau shorty… oui… voilà … c’est ça… c’est le 284PZ… tu es un amour… biiiisous…
Elle coupa le portable, le refourgua dans sa poche et nous chanta :
— C’est bon, il arrive. (Puis devant nos airs ahuris : ) Ben quoi ?
On se regarda tous étonnés par la surprise de l’étonnement surprenant. Enilis se coltinait Karl Lagerfeld dans ses relations.
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Que Karl soit, et Karl fut !
Il se matérialisa dans le salon avec ses sunglasses, sa little queue de poulain, et son éventail à la main.
Folle de bonheur, Enilis de précipita dans ses bras. Il la serra contre sa chemise blanche à haut col en soie de Chine.
— Ach, meine kleine Poupchen !
— Kaaarl, soupira Enilis.
Ben dis donc ! On en croyait pas nos miros.
Enfin Enilis se décolla dans un ploup scroutcheux de bande velcro qui se détache en scroutchillant et nous présenta.
Karl nous jeta un zoeil puis mata les dessins aux murs, demanda qui avait fait ça. Sandra leva le doigt comme à l’école.
— Ach, wunderbar, aber le jeans plus ouvert, es ist nicht assez sensuel, mädchen !
— Euh, fit Sandra en rougissant.
Enilis s’empara de son bloc et montra les croquis de shortys à Karl, qui feuilleta en commentant :
— Ach, ya, gut, nein, nicht so, ya, ya, nein.
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Karl demanda à chaque fille de se lever et de tourner sur elle-même. Il scanna les formes rebondies en zoomant soutenu les shortys, les mesures exactes s’inscrivant en chiffres électroniques en vert sur le noir brillant des verres de ses sunglasses, comme dans le générique de Matrix.
Puis il sortit de ses manches un tissu turquoise scintillant, ses doigts se transformèrent en ciseaux, ses ongles s’allongèrent en aiguilles.
Il tailla en l’air devant nous les tissus, façon Edward aux mains d’argent, tira un long fil argenté de sa queue de cheval de poulain, et cousu un premier shorty, qu’il donna à Enilis.
— Meeeerveilleeeuuuuux, Kaaaarl ! qu’elle s’extasia, dévorant le célèbre couturier avec des mirettes pleines d’étoiles pulsantes.
Il rebelota avec les trois autres avec la même dextérité.
Les filles flottaient en apesanteur au paradis, louchant les chefs-d’œuvre réalisés en quelques secondes.
— Et pour le haut ? demanda Enilis.
— Langsam, Poupchen, es kommt ! qu’il blablata, Karl.
Il scanna les quatre paires de lolos, des chiffres défilèrent de nouveau en verre sur ses sunglasses, et il cousu en un temps record quatre brassières avec un décolleté en V arrondi du plus bel effet.
Dans la foulée, il zooma sur les petons des filles, et après un nouveau tour de passe-passe, il présenta quatre paires de bottines fines et flexibles à mini talons, dans la même couleur.
Les filles baignaient dans un nirvana de filles indescriptible. Enilis se jeta dans ses bras en soupirant dans un cri, ou en s’écriant dans un soupir :
— Oh Kaaarl, du bist mer-vei-lleux !
Elle finit quand même par se détacher.
Karl se tourna alors vers moi, me zooma de la tête aux pieds, et demanda avec son accent teutonique :
— Et pour le jeune homme ? Auch eine kleine shorty ?
— Euh, que je blablatai, nein danke, aber pas de shorty. Ich bin nur le photographe.
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Après le départ de Karl dans une tornade holographique tourbillonnante, les filles décidèrent de tourner leur clip, histoire de contrecarrer les LOVE BOMB BABIES.
Pendant qu’elles se changeaient, je vérifiai les trois caméras disposées en cercle dans la salle d’enregistrement insonorisée de l’Académie.
J’étais curieux de les entendre. Si Sandra chantait comme elle rafale du zombie, pareil pour les autres, faudra même une boule Quies dans le derche.
Enfin elles déboulèrent dans la salle. Je ne pus retenir un cri d’admiration. Décidément, Karl avec le zoeil pour tailler du shorty et de la brassière. Faut dire que c’était taillé au millimètre près, juste à la frontière entre le sexy et le super sexy. Je ne donnerai aucune précision sur le super sexy, ne voulant pas provoquer d’arrêt cardiaque parmi les lecteurs un peu trop sensibles côté fesses et lolos légèrement dénudés.
— Mate pas trop ! envoya sec Enilis.
— Ouais ! crapouillota Sandra.
— Ben quoi ? que je soufflai. Faut bien que je regarde pour filmer, non ? M’enfin !
Aeryn Sun fila s’asseoir à la batterie, Enilis et BB-lilith s’emparèrent de leurs guitares, Sandra se campa au milieu de la salle.
Je réglai l’éclairage sur un pc portable. Equilibrai les curseurs des 24 pistes sonores. Plaçai les caméras en mode attente.
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— Action ! que j’envoyai. Enilis taquina les cordes de la basse. Dix secondes après, BB-lilith balança une série d’accords langoureux. Aeryn Sun suivit en marquant soft le rythme.
Sandra se tortilla au ralenti en chantant :
— Goumi boy… du bist mein toy… je joue avec toi… tu joues avec moi… ta peau latex sous mes doigts spontex… côté doux pour les bisous… côté gratouille pour les chatouilles…
Purée ! Pour une fan de Pikachu et des Bisounours qui font tralala, y avait eu comme qui dirait un changement net dans le style.
On était loin des cours de maintien pour jeunes filles au pensionnat catholique. Et la chorégraphie relevait plus d’une danse de peep-show que d’un exercice de gymnastique sportive.
Bon, les filles se défendaient, z’auraient peut-être été sélectionnées à La nouvelle star, trois oui avec une hésitation de Marianne Jones, et un non catégorique de Manu Katché.
J’avais quand même un petit faible pour les LOVE BOMB BABIES et le shorty turbo aérodynamique de Sami.
Euh, oui, bon, glurps, ne le répétez pas, euh, gasp…
SSSSBBBBLLLLLOOOOOIIIIINNNNNKKKKKK
— Putin ! qu’elle gueula, BB-lilith.
Sa corde mi aigu venait de lâcher au moment où Sandra soufflait d’une voix sensuelle de gamine qui slurpe sa Danette au chocolat :
— Kisshu… Kiss… Kiiiissss…. Kiiiiiiiissssssss… Hein ?… Quoi ?… Grrrrrrr…
— Ben quoi qui se passe ? s’étonna Aeryn Sun en arrêtant de taper sur ses caisses.
Enilis gratouilla une dernière corde et loucha tout le monde, un rien étonnée.
Sandra attrapa ses couettes à pleines mains et se secoua la tête dans tous les sens. Visiblement pas très jouasse à en juger à son rictus de meurtre sur son gloss scintillant.
Je crois que là on venait de rencontrer un bug fatal.
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Sandra se roula sur le sol en trépignant des bottines, les poings serrés, le visage super crispé comme la bouille d’une zombinette qu’aurait reçu une bastos dans le ciboulot.
— Bon, euh, c’est pas grave, que je tentai de rassurer, on refait une nouvelle prise, et puis voilà .
— Et si on gardait la corde qui saute ? proposa Aeryn Sun, à la main une canette pêchée derrière la grosse caisse. Y a aucun groupe qui a ça dans un clip.
— Ben ouais, euh, approuva Enilis, c’est vrai, c’est original après tout.
— Ah ouais ? demanda Sandra, en arrêtant d’hystériser, les couettes à l’écoute.
— La corde qui lâche, speecha BB-lilith, c’est le symbole de la love story qui lâche à un moment, si tu veux.
Sandra se redressa et envoya :
— Quoi ? Tu veux dire que moi et Kisshu, c’est râpé ?
— Hein ? Meeeuuuh non ! répliqua BB-lilith. C’est dans la chanson que ça lâche.
— Comment ça, dans la chanson ? questionna soutenu Sandra. C’est la chanson qu’est pas bonne ?
— Mais si ! claqua sec des dents BB-lilith. Putin, c’est pas évident à expliquer ! Blue, dis que’qu’chose !
Sandra tourna sa bouille vers moi, les zoeils en mode attente.
— Euh, que je bafouillai, ben, la corde, si tu veux, c’est le symbole tendu de l’harmonie de l’amour, mais des fois l’harmonie elle est mise à rude épreuve, alors elle saute, mais après tu la retends, et c’est de nouveau le bonheur…
— Ah ouais ? s’exclama joyeuse Sandra. Je voyais pas ça comme ça.
Aeryn Sun vida la moitié du bas de la canete, vu qu’entre-temps elle avait déjà vidé la moitié du haut, et braillota d’une voix léger grumeleuse :
— Ouais, c’est bien beau, n’empêche, en y réfléchissant bien, ça fout quand même le clip en l’air !
Sandra repiqua une crise sur le sol.
Purée, le jour où elle se coincera la langue dans le goulot, la Sunny, j’te jure !
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Sami balança un coup de rangeo dans la tronche du zombie, la jambe levée façon french-cancan.
Il valdingua contre le mur. Elle dégaina ses deux guns et le rafala soutenu. Les bastos lui tricotèrent la poitrine. Il s’affala sur les genoux. Une autre rafale lui découpa le cou. Sa tête roula sur le macadam du trottoir.
— Punaise ! s’exclama Coralie. T’as la rage, ou quoi ?
— Je m’entraîne quand je revois l’autre pétasse, qu’elle répondit. Si elle croit avoir le monopole sur Blue, elle va vite déchanter.
Elle tira une rafale dans la tête, qui gicla dans une bouillie sanglante.
Pendant ce temps, Nayru décochait des coups de rangeos dans les côtes d’un zombie étalé sur le sol.
— Molo, lui dit Misscroftlook. C’est bon. Il est cuit. Il a son compte.
— C’est pour le prochain mec qui voudra abuser de mon petit cœur fragile de fille romantique, qu’elle lui chanta, la Nayru, les dents hargneuses.
Vu la grimace sadique sur le minois, elle risquait pas de faire la couverture de Vogue pour la pub l’Oréal.
Par contre, pour un scoop dans Paris Match : « La jeune serial killeuse collectionnait les sexes masculins dans son frigo. »
C’est bien connu, les filles sont très sentimentales. Il faut toujours qu’elles conservent des trucs qui leur rappellent le grand amour : la carte bleue du prince charmant arrivant en tête de liste. Sauf quand le compte en banque est vide et le découvert épuisé.
— Bon, ça suffit ! cracha Sami, les lolos vénères. On va tourner un autre clip.
— Quoi ? demanda Misscroftlook surprise. Mais celui-là , il est pas bien ? On est à la première place. Tout le monde vote pour nous.
— Oui, mais je veux les écraser, vociféra Sami. Je vais créer le shorty incontrôlable.
— Comment ça, le shorty incontrôlable ? qu’elle s’étonna, Nayru, arrêtant de latter le zombie.
Les jolies mirettes de Sami flamboyèrent. Elle articula d’une voix chaude et voluptueuse, l’esprit perdu dans une transe extatique :
— Oui, ce sera un shorty qui rétrécit quand les hormones elles s’excitent. Je l’appellerai le Blou-Blou.
— Gasp ! gerbula Coralie, une maxi goutte glissant sur son front de lolita.
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