Episode 12
Des centaines de ratos, les plus gros, de la taille de phacochères, creusaient speed à coups de dents nerveux, enfonçant leurs incisives démesurées comme des socs de pioche dans la terre, d’autres ratos derrière eux la dégageaient avec les pattes et la faisaient rouler hors du tunnel.
Campés pas loin dans le tunnel, Cromwell et bebe big boss suivaient les opérations.
— Mais tu es sûr que c’est dans cette direction ? demanda Cromwell.
— T’inquiète pas, répondit bebe big boss, l’Académie se trouve au nord-ouest à l’écart des villes. C’est un corbeau qui m’a filé le plan contre un lot de petites culottes.
Trois cent mètres de tunnel plus loin, bebe big boss cria :
— Stop ! C’est ici ! Maintenant creusez en pente vers le haut !
Les ratos exécutèrent l’ordre, et après une montée d’une trentaine de mètres, l’un d’eux lança :
— On vient de tomber sur une masse bizarre. Ça a un goût de citrouille. Oui, c’est de la citrouille.
— Parfait, s’enthousiasma bebe big boss, ça doit être le jardin de l’Académie. Continuez !
Cromwell louchait vers le haut, ses globes oculaires rouges visualisant déjà les gamines croustillantes bossant en petites culottes dans les mines de fromages.
— Ça y’est, on y est ! dit un ratos. On a percé.
— Alors ? demanda Cromwell.
— Y’a un farfadet, et il se trouve dans un réduit étroit.
La porte s’ouvrit énergique et quatre RE girls débarquèrent en trombe dans le hall. Britney Spears, Christina Aguilera, Beyoncé et Pink. Dans la nouvelle tenue de Charly ! Les lolos dégorgeant des brassières et les fesses débordant des petites culottes !
— Tiens, lança Britney en apercevant nos quatre héroïnes, vous pouvez dire adieu à la place number one ! On vient de nettoyer notre ville en un temps record ! Au fait, vous êtes encore en shorty ? Evidemment, il faut être bien foutue pour porter la nouvelle et merveilleuse tenue imaginée par notre génial Charly !
— Grrrr ! grigrillèrent les filles, les couettes commençant à taper le solo de batterie d’Highway to hell d’ACDC.
— Ouais, poursuivit Pink, quand les zombies ont vu ma petite culotte, ils se sont mis à genoux pour que je les flingue. J’ai enregistré un 145/minute. (En fixant Sandra
Désolée, ma vieille, mais t’es plus dans le coup !
— Grrrrrrrr ! qu’elles grigrillèrent, les doigts frôlant les crosses de leurs guns.
— C’est nous les meilleures, gloussa Christina. Normales, super sexy, super douées ! C’est sûr, à force, l’alcool et le kif, ça ralentit le cerveau et les réflexes !
— Grrrrrrrrrrrrrrrrrrr !
Un trémoussement de dance R’N’B agita le corps de Beyoncé. Ses lolos faillirent s’éjecter de sa brassière. Un regard de défi hautain et méprisant avait accompagné la chorégraphie.
— GRRRRRRRRRRRRRRRRRRR !
Tout se passa alors à une vitesse fulgurante.
Les quatre rangeos droites de BB-lilith, Enilis, Aeryn Sun et Sandra se levèrent en même temps, comme dans un ballet du French Cancan, et se logèrent costaud dans les quatre entrecuisses de Britney, Beyoncé, Pink et Christina.
— OUUIIIP ! qu’elles glapirent comme des souris, les lolos chahutés vers le haut, les zieufs révulsés.
Elles roulèrent sur le carrelage, les mains plaquées sur les berlingots en couinant.
— Ça vous va comme réflexes ? demanda Aeryn Sun.
— Ouais, continua Enilis, et z’avez de la chance, parce que dans le coup de boule on est encore plus rapides.
— Ouais, envoya BB-lilith, et ma petite sœur elle fait pipi plus vite que vous… euh… pas trop le top la réplique là …
Une fois dehors, Sandra éclata en sanglots.
— Boooouuuuuuu…
— Mais enfin, s’étonna BB-lilith, quoi qui se passe encore ? C’est à cause de ses pétasses ?
— Boouuuu… oui… booouuu…
— Mais elle frimait avec son 145/minute ! bomba Enilis. Elle arrive même pas à tenir un rouge à lèvre correct ! Laisse tomber, elles ont eu leur compte !
— Boouuu… mais nan… booouuu…
— Ben quoi alors ? demanda BB-lilith.
— Z’avez vu ?… booouuuu… toutes ensemble unies synchro, qu’on était… booouuuu… c’était trop beau… booouuuuuu…
— Mais on est unies pour toujours, qu’elle chanta, Enilis, en la prenant dans ses bras. Pourquoi, tu en doutais ? Tu vas voir, on va leur montrer de quoi on est cap.
Dans le parcours du combattant, une classe de gamines s’entraînait à franchir les obstacles en baskets, shortys et maillots imprimés d’un grand C rose.
Madame Irma Strobowitch, la prof de sport, une ancienne gardienne de goulags, boostée aux anabolisants, les bras tatoués de motifs dead punk, rythmait strident les exercices avec un sifflet en si double dièse (en ré bémol, quoi, mais ça fait moins aigu).
Une autre classe se baladait en jupettes plissées dans l’immense labyrinthe, le but étant d’éviter des gremlins voraces dressés à dévorer les petites culottes (cet exercice demandant des réflexes particulièrement rapides, a été inventé par Charly pour donner du ressort aux gambettes des futures RE girls).
Les filles se talèrent sur leurs karts, et après une marche arrière vrombissante, franchirent plein gaz les grilles qui s’étaient ouvertes.
Et elles quittèrent l’Académie, Sandra en tête, suivie d’Enilis et BB-lilith, Aeryn Sun fermant le groupe.
Sans faire attention aux cinq chiens qui casse-dallaient les pizzas sur le bord de la route.
Cerbère leva sa tête droite, pendant que la gauche s’empiffrait, loucha les karts qui disparurent au bout de la rue. Balança à son autre tête :
— Je crois qu’elle vient de sortir.
— M’en fous, qu’elle répondit entre deux bouchées, sa tête de gauche, c’est pas moi qui suis amoureux d’elle.
— Grraaoouurrr ! grogna méchant la tête de droite.
Et sous les yeux et le sphincter étonnés des quatre clébardes, Cerbère se livra à un dialogue soutenu, ses deux têtes s’aboyant féroces au ras des museaux.
BB-lilith : Hé, les filles, vous avez vu, elles n’avaient pas de guns ?
Sandra : Ah ouais ! J’avais même pas fait gaffe !
Enilis : Normal, avec les jupettes, ça n’irait pas.
Sandra : Ben alors, comment elles font ?
BB-lilith : Aucune idée. Ça doit être dans le mode d’emploi de la nouvelle tenue.
Sandra : Peut-être que c’est des mini guns, planqués je sais pas où.
Enilis : Nan, mais, le Charly, c’est quand même un obsédé de la petite culotte.
Sandra : Ouais, à donf. Z’avez vu la secrétaire ? Pendant qu’on se casse le soutif à nettoyer les villes, il se paye du bon temps dans son fauteuil à crac-crac.
BB-lilityh : Faudrait arriver à savoir où il se cache, et débarquer par surprise.
Sandra : Ouais, on lui secouerait les puces. Saperlipopette ! Mais comment faire pour le trouver ?
BB-lilith : Hé, Sunny, tu dis rien ?
Aeryn Sun : Gloups… euh… j’avais une petite soif… purée !… Mais oui !…
Sandra : Quoi ?
Aeryn Sun : Je crois que je l’ai déjà vu.
Sandra : Hein ?
Enilis : T’as déjà vu Charly ?
Aeryn Sun : Oui.
BB-lilith : Tu déconnes, là ?
Aeryn Sun : Ben non.
Enilis : Et c’est seulement maintenant que tu nous le dis ?
Aeryn Sun : Ben je viens juste de m’en rappeler.
Sandra : Purée, c’est pas vrai, j’hallucine. Saperlipopette !
Enilis : C’est le mec des toilettes ?
Aeryn Sun : Non.
Sandra : Quel mec des toilettes ? T’étais dans les toilettes des mecs ? Où ?
Aeryn Sun : Ah oui, c’est vrai, t’es pas au courant. Ben voilà … bla bla bla… et bla bla bla…
Sandra : Saperlipopette !
Enilis : Ouais, OK, vive l’amour, mais pour Charly ? Putin, raconte !
BB-lilith : Ouais, crache l’ovule !
Aeryn Sun : Ben c’est un prof auxiliaire.
Sandra : Un prof auxiliaire ?
Enilis : Comment tu sais ça ?
Aeryn : Une fois j’étais assise sur les marches du grand escalier à l’Académie, j’avais un peu picolé. Quand y a un gars qui descend l’escalier et passe à côté de moi. Au même moment, y a la mère Gwendo qui se pointe et lui dit qu’il a une classe à 23 heures, la prof d’allemand avait la crève.
Sandra : Ouais, et alors ?
Enilis : Comment tu sais que c’était Charly ?
Aeryn Sun : A l’ongle droit de son pouce, quand il est passé, j’ai vu sa main. Il a une forme spéciale. Je l’avais remarqué une fois sur l’écran pendant une communication. J’ai bossé comme manucure à un moment, je sais de quoi je parle.
Sandra : T’as bossé comme manucure ? Tu nous avais pas dit ? Tu peux me conseiller pour un vernis à ongle sexy qui plairait à Kisshu ?
Enilis : Purée, Sandy, on parle de Charly, là ! Et il ressemblait à quoi ?
Aeryn Sun : Ben je l’ai vu de dos, il est plutôt grand, et d’après la conversation, c’est un prof remplaçant.
Enilis : Ah ouais, purée, il joue les profs aussi. Sûrement un autre de ses fantasmes.
BB-lilith : Et c’est maintenant que tu nous dit ça ?
Aeryn Sun : Ben j’avais jamais fait le rapprochement avec l’ongle, et puis j’avais oublié. Et là tout m’est revenu.
BB-lilith : Ben arrête de picoler, un jour tu vas plus te rappeler comment mettre ta petite culotte.
Aeryn Sun : Euh… ça m’est déjà arrivé.
Enilis : Bon, on retourne à l’Académie et on le coince.
Sandra : Ah nooon ! Pas tout de suite ! On nettoie d’abord notre ville ! Après on revient ! De toute façon il s’envolera pas ! Y aura qu’à consulter la liste des profs remplaçants ! Hééé ! Au fait, t’as son nom ?
Aeryn Sun : La mère Gwendo l’a appelé monsieur Richard !
Enilis : Purée, mais t’es sûre, Sunny ?
Aeryn Sun : Un peu, oui, là c’est clair comme de l’eau de roche.
BB-lilith : Parle pas d’eau, ça fait bizarre dans ta voix.
Les filles rigolèrent à pleines dents.
Enilis : Hep ! Mais oui ! Monsieur Richard, Charly ! Puuutiiiiin !
Sandra : Wouah, Nini, t’assures trop dans tous les sens là !
BB-lilith ! Monsieur Richard alias Charly, ça va chauffer pour votre matricule !
Sandra : Et pas que votre matri !
Les filles rigolèrent tellement que des agrafes de soutifs lâchèrent.
Une fois le pont suspendu passé, et quelques rafales envoyées pour dégager des mouettes carnivores aux becs garnis de crocs, nos RE girls filèrent vers le centre ville.
Quand les mémés de la mort surgirent de toute part dans leurs fauteuils roulants à turbo réaction, avec leurs chignons grisonnants bardés d’aiguilles à tricoter, leurs mentons en galoches poilus, et leurs cannes foudroyantes à 100 000 volts.
BB-lilith : Alerte, y a tatie Tranxene et son gang de pétroleuses ! Elles nous encerclent !
Sandra : Enfin de l’action ! Elles vont gerber leurs biscottes !
Les quatre filles freinèrent brutal, vu que le gang leur bloquait toute issue.
Hyper speed, Enilis dégaina trois secondes avant les autres, plaça en même temps son kart sur le mode tournoyant, et pendant qu’il tournait sur lui-même comme une toupie (normal, c’est le mode tournoyant), elle rafala à 360° sous les yeux hallucinés de Sandra et de BB-lilith, et les yeux léger brouillardeux d’Aeryn Sun.
La quinzaine de mémés éclata sous les bastos, les chignons arrachés, les nichons désiliconés, les gaines culottes criblées, des bras disloqués, des pantoufles avec des bouts de pieds valdinguant dans l’air.
Il ne resta bientôt plus que quinze fauteuils roulants, couverts de goulache et de blood, certains propulsés en arrière par la puissance du feu, d’autres renversés sur la route.
Plusieurs dentiers retombèrent sur la route avec des clacs sonores.
Tandis que tatieTranxene, en retrait, pas folle la guêpe, se barrait plein gaz en gueulant :
— Bande de sales petites vipères, je vous aurai la prochaine fois !
Sandra : Wouah, Nini ! Ben dis donc !
BB-lilith : Purée, là je suis sciée !
Aeryn Sun : Ben comme au tir avant, t’es devenue la plus rapide !
Sandra : Comment ça, au tir avant ?
Aeryn Sun : Hein ? Euh… ben… gasp…
Debout dans son kiosque au volet baissé avec la pancarte CLOSED dessus, la mère Mouftard enfila un grand slibard en acier flexible doublé de polypropylène pour bouclier anti-émeutes sur son fessier de gorilla.
Puis elle plaqua deux maxi bonnets coniques en fer sur sa paire de mamelles proéminentes et agrafa le soutif dans son dos avec cinq attaches de tenders pour vélo.
Elle déroula deux bas résilles en fil de fer de clôture et les clipa avec quatre jarretières modèle pinces à Gégène.
Le temps de s’asseoir, elle plongea ses 52 dans deux bottes plombées à semelles renforcées de pare-chocs brise-burnes.
La robe métal style Paco Rabanne en plaquettes de titane fut enfilée dans un ramdam de ferraille.
Elle ajusta un casque romain à houppette rouge et à visière national socialiste sur le ciboulot.
Empoigna un FM à quadruple canons de 2 m et quadruple chargeurs (garnis de bastos longues comme des suppos d’éléphants), terminé par une crosse usée par les têtes de zombies écrabouillées, l’arme pesant pas loin de 27 kilos, et aboya, les molaires dressées dans le goulot :
— Ça va chauffer ! D’abord la petite pouffe, puis Cerbère !