par Phantom_Blue » 12 Nov 2006, 16:38
Episode 10
Après un plongeon dans l’eau spongieuse, bebe big boss remonta à la surface, jeta un œil exorbité en l’air vers la bouche d’égout, aperçut un éclair rose et replongea.
Activant violent ses petits bras et ses petites jambes musclées, il s’éloigna le plus vite possible dans la canalisation.
Un raz-de-marée soudain le propulsa en avant, puis le souleva. Il fut projeté contre le haut de la paroi circulaire.
L’explosion de la grenade arracha des bouts de béton. Deux autres explosions suivirent.
Les morceaux coupants du quadrillage des grenades balayèrent l’intérieur de la canalisation. Se plantèrent dans sa couche-culotte rembourrée. Se perdirent dans les remous du courant.
Les quenottes crispées, il nagea sur plusieurs longueurs.
Quand l’eau redevint calme, il émergea et se hissa sur le rebord étroit.
Sa bouille joufflue se retrouva face au mufle humide et frétillant d’un ratos mutant au museau boursouflé en accordéon et aux bigleux rougeoyants.
— T’es qui, toi ? qu’il demanda, le ratos.
L’eau délicieusement chaude ricochait en milliers de gouttes sur le corps de nymphette de Sandra. Le savon aux amandes douces glissait sur sa peau nue, diluant le sang séché, qui ruisselait à ses pieds dans le bas carrelé.
Elle avait détaché ses couettes et ses cheveux roses mi-longs collaient sur ses joues et sa nuque. Elle chantonnait :
— A la claire fontaine… m’en allant promener… j’ai rencontré plein d’zombies… j’les ai tous flingués…
Machinalement elle leva les yeux vers le vasistas.
Plaquée contre la vitre, une grosse tête poilue de gorille la matait avec deux yeux oculaires striés de veinules sanguinolentes.
— Oh le cochon ! s’écria Sandra.
Elle dégaina un mini gun d’un mini holster suspendu aux robinets de la douche.
Dans l’armurerie, super vénère, Enilis passait en revue les armes. Elle soupesa un revolver à canon octogonal avec viseur DAC (Direct Au Cervox) à balles vrillées explosives. Cracha :
— Purée, les mecs, tous les mêmes, y en a pas un pour racheter les autres !
— Peut-être que Jared joue le jeu, tenta de rassurer Aeryn Sun, histoire d’endormir la méfiance d’Oz. N’oublie pas, c’est un acteur.
— Ouais, ben alors, je lui file direct un Oscar pour l’interprétation. Grrrrr ! Bon, je vais aller faire quelques cartons, ça me calmera.
Elles descendirent au sous-sol dans la salle de tir.
Aeryn Sun ajusta un casque anti bruit sur ses oreilles, dégaina un de ses guns et rafala devant elle, sur la cible à 200 m représentant un zombie.
Dans le box à côté, Enilis venait de rafaler speed un chargeur. Elle rebelota aussitôt avec un autre.
Quand Aeryn Sun appuya sur la gâchette pour envoyer la dernière rafale de son premier chargeur, Enilis en avait déjà vidé cinq.
— Wouah ! s’exclama Aeryn Sun en louchant le tableau électronique des scores. C’est pas vrai ! (Elle retira son casque.) Dis donc, là je crois que t’as défoncé la baraque total.
Enilis regarda surprise Aeryn Sun qui la dévisageait strange en lui montrant le tableau et en lui disant un truc. Elle retira son casque, découvrit le résulta. Articula :
— Ben purée ! C’est moi qui ai fait ça ? Cinq chargeurs en 4,7 secondes ? C’est pas possible !
— Faut croire. Je sais pas comment t’as fait, mais en tout cas c’est toi maintenant la number one du gun.
— Ben j’ai imaginé que je flinguais Jaja et ses pouffes. C’est peut-être pour ça.
— Quand Sandra va savoir ça, elle va halluciner.
— Euh… écoute… vu l’état dans lequel elle se trouve en ce moment, vaudrait peut-être mieux rien lui dire.
— Oui, mais c’est affiché, là .
Enilis visa le tableau. La bastos éclata l’écran.
— Plus maintenant.
— Si Charly apprend ça…
— Me parle pas de Charly. A pas intérêt à la ramener, sinon... Grrrrr !… Moins il mouftera, mieux ce sera pour sa santé. Grrrrr !... Et toi, le tir ?
— Ben très sous moyen, pas de quoi déboucher le champe.
— C’est pas ta journée, pardon, ta nuit.
L’espace d’un instant, Aeryn Sun resta songeuse. Puis elle s’écria :
— Mais oui, c’est ça !
— Quoi ? demanda Enilis, intriguée.
— Une voix m’a dit bonne journée dans les toilettes, pendant que je dégobillais. Une voix de mec. Alors qu’on est en pleine nuit. Pourquoi il m’a dit : bonne journée ? Bizarre, non ? Cela cacherait-il quelque chose de particulier que j’ignore ?
— Vu la nuit de folie, tout est particulier est bizarre.
BB-lilith avançait dans une prairie verdoyante parsemée de coquelicots, de tulipes, de marguerites et autres fleurs odorantes. Des papillons aux ailes éclatantes de couleurs virevoltaient en copulant frénétiques dans un ballet nuptial aérien. Des cumulo-nimbus aux formes de fesses et de lolos flottaient dans un ciel bleu saphir.
Sa robe en mousseline irisée, légère comme un souffle de zéphyr, flottait sur son corps. Ses pieds nus, aux ongles peints de tons pastels, glissaient sur l’herbe douce. Une couronne de lotus et de lys ornait ses cheveux s’épanchant en boucles sur ses épaules nues.
Un rossignol perché sur la branche d’un cerisier chantait d’une petite voix enfantine comme dans les cartoons :
— Qu’il est doux le temps de l’amour… cui cui cui… où les baisers sont en velours de roses parfumées… cui cui cui… et les caresses infiniment troublantes, ô ma belle au bois dormante… cui cui cui…
Soudain un jeune éphèbe d’allure princière, vêtu d’un justaucorps moulant, un blason brodé sur la poitrine, apparut fièrement au sortir d’un bois, à califourchon sur le dos d’une majestueuse licorne blanche.
Il stoppa sa monture près de BB-lilith, fascinée et troublée par ce beau cavalier, et lança d’une voix virile et enjouée :
— Ô belle jouvencelle au doux minois de pêche, à votre vue mon âme s’enflamme de mille désirs, puis-je espérer une place dans le jardin secret de votre cœur ?
— Espérez, répondit BB-lilith aux anges, ô beau chevalier à l’allure si noble, la porte de mon jardin vous est grande ouverte, et les trésors qu’il contient vous sont offerts.
— Ah ma mie, je tremble de joie et mon âme s’exalte au firmament de vos yeux étoilés. Venez, partons à l’aventure au pays des merveilles !
Il lui tendit la main, la souleva sans effort de terre, et la plaça derrière lui.
BB-lilith passa ses bras autour de sa taille, croisa ses doigts mutins sur son ventre, appuya sa tête fleurie contre son dos, ferma les yeux.
La licorne se cabra, lâcha une caisse pétaradante, et bondit dans l’herbe, les sabots claquant sur son fessier imposant, sa longue queue scintillante fouettant l’air, envoyant morfler quelques papillons soudés par une copulation intense.
Secouée dans tous les sens par la cavalcade, BB-lilith se cramponnait… à l’appui-tête du divan.
— Ben alors, tu te réveilles ? jacta Enilis. Y’a Sandra qui vient de se faire enlever par Jojo.
— Quoi ? Purée ! T’es dingue ou quoi ?… Et je sais même pas son nom.
— De quoi tu parles ?
— C’est pas vrai. On peut pas avoir cinq minutes de tranquillité ? (Elle s’assit sur le bord du divan, frotta ses yeux.) Peut-être que je le reverrai jamais. Mon doux prince, où es-tu ? Bouuuuuu !
Enilis la regarda, les mains sur les hanches.
— Dis, c’est pas le moment de délirer. Faut récupérer Sandra.
— Encore la gamine ? J’te jure, elle va tous nous rendre complètement cinglée.
Aeryn Sun irrupta dans la bibliothèque.
— Il est perché sur le toit du donjon avec elle. Il dit qu’il veut l’épouser.
— Attendez, interrompit BB-lilith, si j’ai bien capté : Jojo, le petit Jojo, a enlevé Sandra et il est perché sur le toit du donjon avec elle ?
— Oui, répondit Aeryn Sun, sauf que là il mesure pas loin de trois mètres de haut. Il a dû muter.
— Purée, s’écria BB-lilith en se levant d’un bond, je veux pas rater ça.
Jojo se tenait sur le toit du donjon, la maxi petite culotte sur sa tête de gorilla, Sandra logée dans sa main droite, juste vêtue d’une serviette éponge.
— Au secours, les filles ! qu’elle brailla. Sauvez-moi !
Attroupés en bas, les élèves et les profs contemplaient le spectacle.
— Super trop de la balle ! s’exclama BB-lilith en déboulant sur la pelouse.
— On le rafale au bazooka ? demanda Aeryn Sun.
— Laissez-moi faire, dit Enilis après deux secondes où son regard fixa le vide. Je crois que je viens d’avoir… euh… une idée…
Elle allait sprinter, quand une main agrippa son tee-shirt et une voix lança :
— Mademoiselle Enilis, vous avez un entretien à passer avec moi.
Elle se retourna, regarda la jeune femme cheveux blonds relevés sur la tête, lunettes en écailles, tailleur gris perle avec veste décolletée en V laissant deviner une paire de lolos pulpeux, jupe légèrement au-dessus des genoux, bas ou collant couleur chair (là on peut pas trop dire), chaussures à talons hauts. La vraie blonde glamour style secrétaire du privé dans les polars en noir & blanc de série B.
— Je suis Nancy Kidman, votre nouvelle psy.
— Pas le temps, répondit sec Enilis en essayant de se dégager.
— Sachez ma petite demoiselle, envoya Nancy, les sourcils froncés, quand je tiens quelque chose, je ne le lâche pas.
Le coup de boule fusa dans un éclair de couette roses.
— Et moi quand quelque chose me tient, répliqua sec Enilis, ça lâche toujours. Nan mais.
Miss Nancy Kidman valdingua sur la pelouse, les jambes en l’air (oui, elle porte des bas avec porte-jarretelles couleur fraise des bois, la petite culotte assortie), les lunettes de traviole, une chaussure en balade sur le gazon.
A peine trois minutes plus tard, la musique de la pub « Y’a bon Banania » tonna dans les haut-parleurs.
Jojo dressa sa grosse caboche gorillesque, poussa un beuglement plein de dents pointues, lâcha Sandra sur les tuiles, descendit le long du donjon en s’agrippant au tuyau de la gouttière, son popotin poilu chahutant la java bleue au bal musette, passa comme une flèche devant tout le monde figé sur place, enjamba la grille du parc et se barra dans la nuit.
Sidérés par la scène, les élèves et les profs regagnèrent le bâtiment en s’interrogeant sur l’événement.
— Ben et moi ? gueula Sandra du haut du toit, enroulée dans sa petite serviette éponge.
Nancy s’était relevée, plutôt sonnée, et tentait de comprendre ce qui lui était arrivée.
Complètement dépassée, BB-lilith demanda à Enilis, qui revenait relaxe, le sourire aux lèvres :
— C’était toi la zic ? Ben dis donc ! Mais comment t’as su ? Et comment tu l’as trouvée ? Et comment tu savais que ça allait se passer comme ça ?
— Si je te dis que j’ai eu un flash.
— Euh… je comprends pas, là …
Aeryn Sun se tint le ventre et fila gerber dans un buisson.
— Ouais, expliqua Enilis, en fait ça avait l’air d’un rêve. J’ai vu la scène, le CD de la zic dans le rayon sono de la biblio, Banania, l’île natale de Jojo, et Bibine, sa copine, qu’il avait oubliée, suite à un trauma causé par l’inhalation d’un virus réducteur de corps, la zic lui a rendu la mémoire. Voilà !
— Purée, souffla BB-lilith, je le crois pas.
— Mademoiselle Enilis, articula Nancy en s’approchant, les lunettes de traviole sur le nez, l’index menaçant, je vais vous…
Un autre coup de boule l’envoya valdinguer sur le gazon.
— Qui a parlé de bibine ? demanda Aeryn Sun en revenant.
— On a une extra-lucide, expliqua BB-lilith, Nini a des visions. Et t’as rêvé quoi d’autres ?
— Ben juste ça. Je dois devenir une super mutante, ou un truc dans le genre, je sais pas, déjà avec le tir avant…
— Quoi avec le tir ? demanda BB-lilith intriguée.
— Oups ! fit Enilis. Euh…
Sandra gesticulait toujours sur le toit.
A un moment, à force d’agiter les bras, sa serviette se dénoua.
Des pigeons, campés sur une tourelle voisine, qui avaient assisté d’un œil placide au spectacle avec Jojo, étirèrent leurs cous, les zieufs convulsionnés.
— Bande de cochons ! qu’elle leur gueula.
Manque de pot, la serviette avait glissé vers la gouttière. Impossible de la rattraper.
Notre jeune RE girls poussa un grrrr plus féroce que celui de Jojo, s’accroupit en boule sur le toit et jura qu’elle flinguerait tout le monde, y compris le président de la république, le pape, et les Martiens, vu que ça devait tous êtres des zombies de chez zomby land.
En bas, BB-lilith s’exclama :
— Merde ! Et Sandra ? On l’a complètement oubliée !
Elles levèrent leurs couettes vers le toit et la virent, toujours accroupie sur les tuiles, faisant des grands gestes pour éloigner la meute de pigeons amoureux qui tournoyait autour d’elle en poussant des roucoulades mélodiques frénétiques.
— Euh… gloussa Aeryn Sun, faudrait peut-être la récupérer, elle va prendre froid comme ça.
— Ben dis donc, souffla BB-lilith, vraiment in-sor-ta-ble, la gamine !
Devant les grilles de l’Académie, Cerbère, ses quatre yeux larmoyants, miaulait à deux voix en tentant d’entrer.