par Phantom_Blue » 25 Oct 2006, 19:37
Épisode 7
Assis sur un siège devant une caméra fixée sur un bras articulé, posté à trois mètres du sol, Quentin Tarentino donnait les dernières instructions avec un porte-voix :
— Moins de projo sur le sol… voilà … vous êtes prêts ?… Donc vous venez d’arriver dans la ruelle qui est en fait une impasse… vous regardez le mur… OK… Dès que je le dis, tu dégaines et tu tires… Action !… Lâchez les zombies !…
Campés sur une cage, deux assistants levèrent une grille vers le haut.
Quatre zombies sortirent en bavant des râles et se dirigèrent vers les deux acteurs avec une démarche lente et dandinante, les mains crochues tendues en avant.
— Attendez encore un peu ! commanda Tarentino… Prissou, tu tournes la tête, tu vois les zombies et tu hurles… Jared, tu dégaines juste après et tu tires… Allez-y !…
Debout à côté de Jared, resplendissant dans un grand imper noir en cuir, Priscilla, la célèbre chanteuse ado, vêtue d’une combinaison en sky rouge, les tifs violets coiffés à la gothic avec des mèches jaunes, les yeux soulignés de Kohl, tourna la tête, écarquilla les yeux et poussa un hurlement strident.
Jared se retourna, toisa les zombies, dégaina son gun, le braqua sur eux et appuya sur la détente.
Une rafale éclata une poitrine, une autre déchiqueta un bras.
Les zombies avançaient toujours. Il ne restait plus que quelques mètres. Jared rafalait mais aucun zombie ne tombait. Pris de panique, son tir manquait de précision.
— Mais descends-les ! gueula Tarentino.
Le gun s’enraya.
— Snipers ! gueula Tarentino.
Deux types armés de fusil à lunettes, postés hors champ en hauteur, tirèrent non-stop. Les balles éclatèrent des bouts de têtes, mais les zombies avançaient toujours. Il restait deux mètres. Jared et Priscilla avaient reculé contre le mur de l’impasse.
Tout semblait perdu.
Quand Enilis sur son kart déboula sur le tournage. Freina brutal tout en déclenchant le ressort du siège.
Propulsée dans les airs, elle effectua un saut en avant avec retournement, dégaina ses deux guns, rafala, les rengaina et retomba sur ses rangeos, légère comme une plume.
Ses couettes roses avaient à peine bougé.
Les cranes explosés, les zombies s’écroulèrent sur le sol, aux pieds des deux acteurs.
— Magnifique ! Merveilleux ! Sublime ! cria Tarentino en gesticulant sur son siège.
— C’est qui cette pimbêche ? crachota Priscilla en lâchant le bras de Jared halluciné par la prestation. Dégage de mon film !
Enilis fonça droit sur elle et lui décocha un coup de boule. Ses couettes roses frétillèrent légèrement.
Priscilla valdingua en arrière, ricocha contre le mur, et s’affala sur un zombie qui pissait le sang. Sous le choc, sa perruque gothic s’était envolée. Elle retomba sur un zombie décapité, à la place de la tête.
— Inouï ! s’égosilla Tarentino. Plus trash que Kill Bill ! Je vous engage ! Vous avez le premier rôle !
Mais Enilis ne l’entendait pas.
Ses yeux scintillants de RE girl super love plongés dans ceux de Jared, elle flottait avec lui dans un autre monde.
Une lumière tamisée caressait les mannequins en latex bioméchanoïdes du Giger Bar décorant l’entrée et la salle.
Pendant que le Beau Danube Bleu version dance chahutait doucement le silence en sourdine.
Sur la table oblongue, les flammes des chandelles se reflétaient dans les yeux d’Enilis, qui baignait dans une aura rose.
En face d’elle, Jared resplendissait dans un polo Hugo Boss, un collier en argent autour du cou.
— Tu ne dis rien ? demanda-t-elle dans un souffle sensuel.
— Tu m’impressionnes drôlement, répondit-il d’une voix à la fois douce et virile.
— C’est mon côté professionnel, mais dans l’intimité je suis une fille fragile, j’ai besoin d’être sécurisée.
— On ne dirait pas, vu la façon dont tu as éliminé les zombies. Tu m’as sauvé la vie. Je t’engage comme bodyguard.
— Hum… juste garder ton corps, ne me tente pas…
Un sourire merveilleusement masculin éclaira le visage divin de Jared.
Enilis adorait sa façon de s’exprimer, de sourire. D’ailleurs elle adorait tout de lui.
Des étoiles de champagne pétillaient dans les yeux de l’acteur.
Elle…
Aeryn Sun et BB-lilith débarquèrent dans le Giger Bar, un tantinet joyeuses, et se pointèrent à la table.
— Ben alors, jacta Aeryn Sun, des postillons houblonnés giclant dans l’air, je vois que tu te la coules douce.
— Ouais crachota presque hilare BB-lilith, pendant que nous on se dévoue pour flinguer les zombies. Tu ne nous présentes pas ? Hips ! Excuse !
—Grrrr ! gargouilla Enilis.
— Vous êtes aussi des RE girls ? demanda Jared.
— Ouais, beau gosse, répondit BB-lilith en se campant devant lui, le shorty provoquant, les lolos en contre-plongée. T’es vachement perspicace pour un mec, tu sais. Moi c’est BB-lilith, mais tu peux m’appeler BB ou Lilith. Alors comme ça t’es acteur ? T’aurais pas un petit rôle pour moi. Je connais tous les styles de kiss.
— Grrrrrrrr ! Dites, les filles, vous n’avez rien d’autre à faire ? Je suis occupée là .
Aeryn Sun s’empara de la bouteille de champagne dans le seau et descendit une longue rasade au goulot.
— Excuse, mais j’avais une de ces soifs. (Elle replaça la bouteille dans le seau.) Bon, laissons-les roucouler, viens, on va chercher la gamine. Dieu sait qu’elle connerie elle a encore faite.
— Ouais, gloussa BB-lilith, on repassera plus tard, n’oublie pas qu’on a encore du boulot.
Elle envoya un kiss volant à Jared, s’éloigna en chaloupant du shorty, se retourna, avec un sourire de lolita perverse, et sortit du bar.
— Sympa tes copines, dit Jared.
— Tu parles, cracha Enilis, une névrosée de la drague, une psychopathe de la picole, et une hystérique du zombie, crois-moi, tu perds rien.
— Une hystérique du zombie ?
— Oui, Sandra, la gamine du groupe. Je crois pas qu’elle est humaine. C’est le produit d’une expérience en laboratoire. Un croisement entre des cellules de mante religieuse irradiées au rayon gamma et une culture de globules cannibales de raptors.
— A ce point ? Intéressant !
— Dis, tu vas pas flasher sur une petite cinglée allumée des couettes ?
— Mais non, Nini, tu sais bien que j’aime que toi.
Enilis sourit. Se pencha au-dessus de la table. Tendit sa bouche en forme de cœur. Ferma ses jolis yeux pleins de cils recourbés et allongés au eye-liner.
Le kiss fut long. Interminable.
— Viens, souffla-t-elle, j’ai plus faim, allons dans un endroit tranquille.
— Je loge au palace de la plage sur la baie, proposa Jared.
Un sourire coquin illumina le visage d’Enilis.
Jared conduisait le kart plein gaz le long des routes. Enilis assise sur ses genoux. Blottie dans ses bras. Les couettes au creux de son épaule. Ses bras autour du cou. Un gun dans sa main droite.
De temps à autre elle rafalait. A l’autre bout des balles, un monstre éclatait dans une giclée de sang.
Le bonheur était enfin au rendez-vous. Parfumé par Only Men de Valerie Gentiane. Et Enilis ne se privait pas de le respirer, enivrée par les voluptueuses fragrances masculines.
L’espace d’un instant, l’image du lapin cannibale flasha dans son esprit. Une vieille connaissance de son enfance.
Elle pointa un gun imaginaire sur lui et le cribla de balles.
— Oups ! fit-elle en revenant à la réalité. Désolée, j’ai pas fait exprès.
— Qu’est-ce qui se passe ? demanda Jared.
— Rien, continue à conduire.
Le kart dépassa le kiosque de la mère Mouftard. La vieille gueula des chicots. Des balles avaient troué ses magazines. Juste après le triple canon jaillit par la fenêtre. Trois coups tonnèrent dans la nuit.
Enilis agrippa le volant, zigzagua et monta sur le trottoir. Les billes à pointes éclatèrent des bouts de murs, des vitres, l’une d’elles se logea dans la carlingue à l’arrière du kart, une autre dans le dossier du siège, une autre encore frôla sa couette gauche.
Elle regarda par-dessus l’épaule de Jared.
Cerbère cavalait derrière eux avec ses deux grosses caboches.
— Retourne chez ta mémé !
Elle remit le kart sur la route, et appuya sur le bouton super boost à côté du volant. Les deux pots d’échappement sur les côtés crachèrent des flammes.
Et le kart accéléra en ligne droite dans un nuage de fumée rose.
Evidemment.
La ville s’étendait sous un amoncellement de nuages de plus en plus monstrueux. Une mer déchaînée frappait les rochers de la falaise.
Debout sur le balcon au 8e étage du palace de la plage, baroque avec les colonnes, les fresques et tout le ramdam, Jared et Enilis s’enlacèrent tendrement. Le baiser voluptueux allait battre tous les records de durée quand une série d’explosions ébranla l’air. Des gerbes de flots s’élevèrent au large et retombèrent dans des fracas d’eau tumultueuse.
Jared sursauta. Sa bouche se détacha des lèvres d’Enilis.
Il dit d’une voix presque tremblante :
— C’est Tarentino qui a voulu tourner son film pendant cette nuit d’enfer, pour faire plus authentique. Mais même avec toutes les précautions, ça peut foirer, tu as bien vu.
— Tu me l’as déjà dit, Jaja. Tu serais pas un peu angoissé, des fois ?
— Euh… on peut rien te cacher. Oui…
Sa voix se troubla. Il commença à trembler. Des larmes glissèrent sur ses joues.
— C’est quand j’étais petit, j’avais un nounours blanc, il s’appelait Garfield, eh ben… snif… Malinette me l’a assassiné… snif… snif… et resnif…
— Malinette ?
— Une caniche particulièrement sadique, le chien-chien à sa maman, et comme maman… snif… elle l’aimait plus que moi… elle l’a pas punie… snif… enfin tu vois… Et toi, tu feras pas comme maman, dis ?…
— Meuh non, qu’elle le rassura, viens, je vais te faire oublier ta vilaine moooman.
Aeryn Sun et BB-lilith irruptèrent dans la chambre.
— C’est pas vrai ! s’exclama Enilis, en soutif et petite culotte allongée sur le lit dans les bras de Jared en caleçon Calvin Klein. J’hallucine là ! Comment vous m’avez retrouvée ?
— Ben avec la puce du kart, répondit Aeryn Sun.
— Impossible, je l’ai désactivée.
— Faut croire que non, on avait ton signal.
— Ben dis donc, claqueta des dents BB-lilith, tu t’embêtes pas.
— Oui, ben les filles, si je pouvais avoir un peu d’intimité, ce serait bien, si vous voyez ce que je veux dire !
— On aimerait bien, mais y a le magicien d’Oz qui en a après toi. On l’a rencontré en sortant d’un bar.
— Ouais, poursuivit BB-lilith, un mec en armure, comme le docteur Fatalis. Il nous a dits de te dire qu’il t’a à l’œil. On l’a canardé mais les balles ont ricoché sur lui. Il a rigolé et il s’est envolé avec un réacteur dans le dos comme Pocket Man.
— Rocket Man, rectifia Aeryn Sun. En plus faut récupérer Sandra. Dans une heure c’est minuit. Et tu sais ce qui se passe à minuit. Ça va être la grande déferlante.
Enilis se leva, pas jouassive, enfila son shorty, son tee-shirt, laça ses rangeos, assise sur le bord du lit. Sous le regard déconfit de Jared.
— On t’attend dehors, dit Aeryn Sun.
Elle attrapa BB-lilith, qui louchait fasciné le torse musclé de l’acteur, et l’entraîna dans le couloir.
— Ben voilà , murmura Enilis en se penchant vers le man de sa life, faut que j’y aille. Le devoir m’appelle. Mais on se reverra, t’inquiète.
— Euh, c’est quoi, la grande déferlante ? qu’il demanda inquiet.
— Le point culminant des invasions, à minuit, mais t’inquiète pas, on va les calmer.
Elle scotcha sa bouche sur celle de Jared. Savoura le kiss. Puis se détacha. Une larme perla sur sa joue. Elle l’essuya vite.
— Je reviendrai, mon Jaja chéri.
Et après un petit sourire plein d’amour, elle sprinta hors de la chambre.
En sortant de l’ascenseur, dans le hall, Aeryn Sun s’exclama :
— Tes guns ! Nini ! T’as pas tes guns !
— Ah ouais, constata Enilis, je les ai oubliés dans la piaule. Attendez-moi, je reviens.
Elle reprit l’ascenseur.
BB-lilith se laissa tomber dans un fauteuil, palpa le cuir vert, chanta :
— S’emmerdent pas les acteurs, je crois que je vais changer de métier.
— Encore ? Si je devais faire une liste de tous les métiers que t’as voulu faire, le plus dingue c’est quand même quand tu voulais être éleveuse de Raviolis.
— Ben ça c’est quand j’étais petite. C’était trop marrant, les Raviolis, ça me faisait penser à Bob l’éponge, mais en plus rouge. Sauf que dans Bob, y avait des trous. Alors avec la fourchette, je faisais aussi des trous dans les Raviolis. Et je leur donnais un nom. Ragou, c’était le chef des Raviolis, à cause du bon ragoût que ma mère faisait. Aussi à cause de Garou, le chanteur, il me faisait trop penser à un Ravioli. Puis y avait Jambine, sa copine, une petite Ravioli super sexy avec ses trous en dentelles. A cause du jambon rose. Parce que le rose c’est typiquement féminin.
Aeryn Sun souffla, prise d’un vertige, et se tala elle aussi dans un fauteuil, en se tenant le ventre.
— Ça va pas ? demanda BB-lilith.
— Je crois que j’ai trop abusé de la bibine. Et avec tes histoires de Raviolis…
— C’est vrai que t’es blanche tout à coup.
Soudain elle se leva d’un bond et sprinta vers les toilettes. Avant de franchir la porte, elle largua une flaque de gerbe sur le sol.
— Ah la la ! Comme Sandra, in-sor-ta-ble la miss ! Tout compte fait, y a que moi qui donne une image de marque au groupe. BB, t’es la meilleure.
Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent et Enilis jaillit dehors, le ceinturon autour de la taille, plutôt affolée.
— Alerte les filles ! qu’elle brailla. Le magicien d’Oz vient d’enlever Jaja !