Bon allez reprenons, cette fois ce sera un peu plus long
:
Dans un éclair aveuglant de lucidité, je compris enfin les évènements de cette soirée.
— C’est vous, n’est-ce pas ? C’est vous qui avez fait entrer ces hommes, vous qui avez organisé l’embuscade au train !
Je ne m’étais pas sentie aussi stupide depuis le jour où Urdmann m’avait utilisé pour introduire un cheval de Troie. C’était pourtant si simple…
Encore une fois je m’étais faite piéger bêtement. Il était si judicieux de prendre la place d’un domestique afin d’espionner et glaner des informations sur place. Moi même il m’était arrivé plusieurs fois d’avoir recours à ce procédé. Sur ce coup, j’ai vraiment été aveugle ! Et quelle idiote ! Dire que quelques heures auparavant j’avais surpris Charles à côté du portrait ! Y’a pas à dire, il m’avait joliment bernée.
Cependant, bien que son rôle expliqua de nombreux faits, notamment comment les mercenaires étaient parvenus à s’introduire dans la salle d’arme, il restait encore plusieurs points obscurs.
— Vous êtes chez moi depuis trois semaines mais comment saviez-vous que l’appel concernait la relique, et que Steve l’avait enfin ? Il ne s’est pas présenté. Vous aviez perdu sa trace à Edimbourg, alors comment avez vous su qu’il arrivait à la gare au train de 22h45 ?
Pour toute réponse, Charles m’adressa son sourire le plus mystérieux et du canon de son magnum, il me montra ma ceinture où étaient attachés mes holsters.
— Ahhh ! m’exclamai-je tout en faisant tomber au sol la ceinture de cuir. J’y suis : le nettoyage de mon bureau ! Très judicieux, il y a un autre combiné dans mon bureau, vous avez pu écouter la conversation en toute tranquillité. Ca fait longtemps que vous m’épiez ?
Son sourire s’élargit. Les yeux rivés sur sa tempe ensanglantée, je poursuivis en déambulant.
— Mais la blessure, d’où vient elle ? Vous n’êtes tout de même pas suffisamment bête pour avoir reçu une étagère sur la tête, et vos complices ne vous ont pas assommé. A moins que… ce soit…
Mes yeux s’agrandirent de surprise tandis que je regardai la plaie, comme si la vérité y était inscrite.
— Oui Mademoiselle Croft, intervint Charles d’une vois sucrée. C’est votre fidèle Winston qui m’a infligé ce mauvais coup alors que je le poursuivais. Je n’aurai jamais imaginé autant de clairvoyance et de force en ce vieil homme. Une erreur regrettable…
— Que lui vouliez vous ?
— Il a fini par voir clair dans mon jeu et allait vous prévenir, dit-il à mes seins. Il devenait gênant et j’avais besoin de lui pour vous coincer. Je n’aurai jamais pensé que malgré son état il puisse galoper dans tout le manoir pour se terrer derrière cette porte.
— Son état… je vois, vous deviez vous infiltrer, et vous vous êtes arrangé pour qu’il soit hors-course. Mais pour le médecin…
— Un bon acteur ! s’exclama t-il d’une voix joyeuse, les yeux toujours figés sur ma poitrine. Impossible de soudoyer un véritable médecin, pour rien au monde ces imbéciles briseraient le serment Hippocrate. Et maintenant si vous le voulez bien, ajouta t-il en redressant son arme, laissons ce pauvre Winston dans son trou et occupons-nous de vous.
— Qu’est-ce que vous me voulez ? demandai-je, le ton aussi sec qu’un piège à souris. Vous avez Steve et la relique !
— Le carnet, mademoiselle Croft, le carnet, répondit Charles aimablement.
— Quel carnet ?
— Allons, ne faites pas la sotte, je sais que vous l’avez puisque lui même ne l’avait pas.
Je haussai un sourcil.
— Lara, ma chère, soupira t-il d’un ton théâtrale, vous me compliquez les choses ! N’oubliez pas que je suis armé. Contrairement à
vous.
Je le regardai un instant et éclatai d’un rire franc et sonore, faisant par la même occasion évanouir le sourire satisfait de Charles. Je repris d’une voix méprisante et glaciale :
— Voyez-vous ça ? Mais enfin Charles !
Moi, contrairement à
vous, je regarde si mon flingue est
chargé avant de dire que je suis
armée.
Charles baissa aussitôt les yeux sur son magnum et j’en profitai pour lui asséner un uppercut du gauche. D’une clé au bras, je le plaquai au mur et lui retirai le magnum des mains.
— Moi aussi je suis bonne actrice, lui soufflai-je au visage avant de l’assommer pour de bon.
Je ramassai ma ceinture au sol et la remis rapidement. La porte blindée était toujours verrouillée mais plutôt que de tenter de l’enfoncer, je plaquai l’oreille contre le panneau.
— Winston, c’est Lara. Ouvrez-moi ! ai-je crié. Vous n’avez plus rien à craindre, m’empressai-je d’ajouter tout en ignorant les appels retentissants au rez-de-chaussée.
J’entendis quelque chose se traîner derrière la porte puis les claquements secs des verrous que l’on retire résonnèrent. La porte s’ouvrit dans un grincement sinistre et Winston s’affala à mes pieds, son shotgun glissant sur le parquet verni de la salle de tir.
— Oh mon dieu ! Winston ! Tenez bon je vais vous sortir de là. Je vous emmène à l’hôpital.
Jeeves avait reçu une balle dans la cuisse droite. La blessure n’était pas bien grave mais il se trouvait dans l’incapacité de se déplacer.
— Mais comment êtes vous parvenu jusqu’ici avec ça à la cuisse ? demandai-je sincèrement étonnée, en passant son bras autour de mes épaules.
— C’est quand je refermais la porte, un mercenaire m’a eu, grogna t-il faiblement.
Dans un effort colossal, je parvins à le hisser sur ses pieds et le traîner en direction de la bibliothèque, ployant légèrement sous son poids. Comment Winston pouvait-il peser aussi lourd ?
Avant de sortir de la salle d’arme, je changeai les chevrotines de mon shotgun pour des balles explosives. Je prévoyais notre sortie comme étant rapide et fracassante.