La quatrième aventure de Lara


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La quatrième aventure de Lara

Messagepar Phantom_Blue » 13 Nov 2016, 11:00


1

Tante Louise versa le thé vert dans les deux tasses en porcelaine, les yeux brillants derrière ses lunettes rondes. Elle posa la théière au milieu de la table ronde, décorée d’une nappe blanche brodée de roses, et demanda après s’être assise :
— Alors, ce concert ? J’ai lu dans Le Times ce matin, ce vol de bijou, c’est quand même incroyable ! Toi qui étais sur place, tu n’as rien vu ?
Lara prit un petit gâteau sur une assiette, mordit dedans et répondit :
— Comment aurais-je pu me douter qu’il se passerait quelque chose ? Le phantom de l’Opéra a encore frappé. Ça va faire le troisième vol en quatre mois. En plein concert, la Castafiore entonnait L’hymne à la joie, la duchesse de Chatterley a senti un souffle d’air dans son dos, elle a cru à un courant d’air. Et son collier d’émeraudes avait disparu. Il n’a laissé que sa carte de visite avec son nom, comme les autres fois. J’étais dans la loge à côté en plus.
Tante Louise but une gorgée de thé et continua, quelque peu excitée par l’affaire :
— Scotland Yard a fouillé l’Opéra, il y a peut-être des passages secrets mais ils n’ont encore rien découvert. On se croirait dans un film avec Miss Marple.
— J’ai pu avoir les plans, je n’ai rien décelé, s’il y a des passages secrets, ils ne sont pas mentionnés. Normal, puisqu’ils sont secrets.
— Ah si Sherlock Holmes était là ! s’exclama tante Louise. Il aurait vite fait de dénouer ce mystère.
— Oui, sauf qu’il n’a jamais existé.
— Comment ça ? s’indigna-t-elle presque. Sherlock Holmes n’a jamais existé ? Il habitait au 221B Baker Street voyons !
— Ah la la ! souffla Lara. Je sais que c’est une figure légendaire qui fait partie du peuple britannique, et qu’il faut nourrir sa mémoire, mais bon…
Tante Louise secoua son chignon et ses boucles d’oreilles en nacre. L’horloge dans le salon sonna 15 heures. Les notes du carillon de Big Ben tourbillonnèrent autour du piano à bougeoirs et de la machine à coudre à pédalier. Un grand baromètre au mur indiquait Variable.
Dehors le ciel se couvrait de nuages gris. Les premières feuilles jaunies se détachaient des arbres dans le parc.
— L’été est fini, soupira tante Louise, l’hiver s’annonce tôt cette année. Et mes rhumatismes ne me facilitent pas la vie. Que veux-tu, je vais quand même avoir 76 ans. Je n’ai plus 18 ans comme toi. Il faudrait un élixir de jouvence, mais comme ces choses-là n’existent que dans les romans.
— 19 ans la semaine prochaine, précisa Lara, mais j’ai un remède qui je pense te conviendra.
Elle sortit de sa poche un petit flacon rempli d’un liquide jaune et le posa sur la table.
— Tiens, justement, un élixir de jouvence. De la gelée royale d’abeilles. Je t’ai pas dit, mais Winston a installé deux ruches. Il vient de faire sa première récolte de miel.
Tante Louise s’empara du flacon et articula d’une voix teintée à la fois de scepticisme et d’espoir :
— Eh bien, si ça peut m’enlever mes rhumatismes, je lui en serai éternellement reconnaissante.
— Tu peux toujours essayer, dit Lara dans un grand sourire, tu verras bien.

2

Séraphine exhiba une nuisette vintage des années 60 devant le nez de Claire qui riposta :
— C’est un anniversaire, je te signale. Elle déballera les cadeaux devant tout le monde, ça risque de faire désordre. Et puis ça m’étonnerait qu’elle porte ce genre de trucs.
— Ah tu crois ? Ça partait d’un bon sentiment.
— Ce qui compte, c’est pas le départ, c’est l’arrivée. Désolée de briser tes rêves de midinette.
— Hé ! s’exclama Séraphine, les couettes à l’attaque. Je suis pas une midinette, je suis une romantique.
— C’est pareil.
— Toi alors ! Les zombies t’ont refroidie le cœur.
— Des fois il vaut mieux avoir un cœur froid, ça permet de passer à travers le brasier de sentiments trop excessifs.
Séraphine secoua ses couettes et renonça à répliquer. Elle remit la nuisette sur le cintre et demanda, les poings sur les hanches :
— Bon, alors madame je sais tout, on fait quoi maintenant ? Je vois pas quel cadeau pourrait lui faire plaisir.
— On va boire un pot, proposa Claire, il faut qu’on décompresse. Et dans un lieu plus calme.
Elles prirent l’ascenseur pour le rez-de-chaussée et retrouvèrent Brompton road dominé par les sept étages du grand magasin Harrods.
L’ambiance était quand même plus calme chez Tiffany, près d’une grande fenêtre décorée de rideaux en mousseline, assises à une table ronde recouverte d’une nappe blanche aux arabesques dorées, devant un service à thé en porcelaine et des petits gâteaux sur un présentoir. Une musique douce dansait dans l’air.
— C’est crevant les courses, soupira Séraphine en dégustant un macaron à la pistache. Les anniversaires, bientôt Noël.
— Tu oublies Halloween !
Claire avait prononcé le nom de la fête avec une certaine malice dans la voix. Les yeux de Séraphine brillèrent comme des spots de discothèques dans "Saturday night fever", quand Travolta se déhanche sur la piste de danse.
— Ah ouais ! Halloween ! Ta fête fétiche ! Purée, toi et tes zombies ! Tu vis qu'avec ça, c'est pas possible, mais y a d'autres choses dans la vie. Regarde autour de toi, m'enfin !
— Et tu dis ça à moi ? C'est toi qui devrais faire plus gaffe à ce qui t'entoure. Y a un type qui nous surveille, il nous a suivies en voiture !
— Quoi ? s'exclama Séraphine, les couettes secouées par la surprise de la révélation. Où ça ?
Elle se retourna et scruta la salle éclairée par un grand lustre sous un plafond décoré de scènes champêtres.
— Toi et la discrétion ça fait deux ! Le jeune, à la table près de la statue de Vénus. Regarde mais discret.
Séraphine laissa tomber sa serviette en papier sur le sol dallé de carreaux crème, se baissa pour la ramasser et en profita pour loucher vers la statue.
— Ouais, qu'elle articula à voix basse, le jeune, on dirait un gamin. Peut-être qu'il mate Vénus…

3

Jonathan Barnaby, 23 ans, exhiba sa carte presque en tremblant devant les yeux farouches de Claire. Un chat miaula sur le rebord d'une fenêtre. Des pigeons roucoulèrent sur les pavés de la ruelle, devant des poubelles.
— C'est pas vrai ! lança Séraphine en agitant ses couettes. Vous êtes inspecteur à Scotland Yard ? Je croyais que vous étiez un lycéen ! Et pourquoi vous nous suivez ?
— J'enquête sur les vols de l'opéra, bafouilla-t-il, votre amie Lara y était, et… enfin… elle s'est illustrée avec l'escalade de Big Ben et…
— Et vous avez cru qu'elle jouait les Arsène Lupin ? coupa Claire. Et qu'on était complices ?
Jonathan afficha un visage empourpré, contrastant avec la blondeur de ses cheveux. Soudain embarrassé dans son trench coat censé lui donner une carrure d'homme.
— On m'a confié l'enquête, expliqua-t-il, c'est la première fois que j'en mène une aussi importante, il fallait bien que je commence quelque part…
— Bon, on pourrait peut-être discuter devant un verre, proposa Séraphine, qu'en pensez-vous, monsieur Sherlock Holmes ?
Ravi par la tournure des choses, Jonathan approuva immédiatement, heureux que cette situation conflictuelle se résolve de façon positive. Soudain son visage s'assombrit, il bégaya :
— Mais je suis en service, je n'ai pas le droit de boire…
— Mais enfin, envoya Claire en le prenant par le bras, vous êtes inspecteur de sa gracieuse Majesté, vous devez tout faire pour résoudre cette enquête, et nous pouvons certainement vous apporter une mine d'informations, en plus séduite par votre charisme de représentant de la loi, Séraphine risque d'avouer qu'elle est la fantômette de l'opéra, ce qui vous apportera une promotion des plus enviables.
— Quoi ? s'écria-t-elle, les couettes affolées. Mais ça va pas la tête ? Nan mais !
L'ambiance était survoltée au Sticky Fingers, on fêtait l'anniversaire de Bill Wyman, les tubes des Stones fusaient dans l'air.
Claire accapara une table à l'écart près d'une fenêtre. Séraphine avait envie d'une glace. Jonathan commanda un Schweppes.
— Alors comment ça se fait que vous êtes devenu flic ? demanda Claire en le ciblant avec des yeux revolver, après avoir bu une gorgée de sirop de fraise.
— J'ai toujours été fasciné par les énigmes, répondit-il, déjà tout petit j'avais suivi une fois le camion des éboueurs pour savoir où ils emmenaient les poubelles.
Séraphine s'esclaffa, de la glace bavant sur le menton, et chanta :
— On peut dire que vous aviez la vocation. Mais vous avez une concurrente, Lara a dit qu'elle résoudrait l'affaire. Elle est très douée pour les énigmes. Si vous saviez pour le trésor de…
Claire lui coupa la parole en lui envoyant un coup de bottine sous la table et enchaîna :
— Alors, vous en êtes où ?
Jonathan secoua la tête en reposant son verre de Schweppes et articula, la voix stressée :
— J'arrête pas de ressasser les vols, la duchesse de Chatterley et son collier d'émeraudes, la comtesse de Canterburry et son bracelet de saphirs, lady Mac Beth et sa bague de diamant… je ne vois pas comment il a pu opérer sans se faire remarquer… à croire que c'est un vrai fantôme qui traverse les murs…

4

Il n'était pas loin de midi quand Lara déboula au ralenti dans la cuisine en training, les cheveux ébouriffés, les pantoufles encore ensommeillés.
Winston lisait Le Times, assis devant un verre de Old Scotch. A côté de la bouteille, un transistor diffusait Mr Sandman des Chordettes.
Lara s'empara d'une pomme dans la jatte en cristal sur le buffet, mordit dedans et envoya, la voix pâteuse :
— Quelle nuit ! Pour une fois que Claire et Séraphine étaient à l'opéra, elles qui n'aiment pas trop, elles ont été conquises par Anastasia. Le symbole même de l'héroïne tourmentée, une princesse déchue de son rang et de ses richesses. Jo avait les larmes aux yeux, plutôt sensible pour un inspecteur de Yard. Aucun vol n'a eu lieu, il sera quitte pour revenir. Je crois que Séraphine en pince pour lui. Et vous, mon cher Wiwi, quel est votre avis sur la question ?
— Je pense que le phantom est un magicien, lança le majordome en posant le journal sur la table, il n'y a qu'un prestidigitateur qui peut réussir à subtiliser un collier de cette façon.
— Mouais, possible, le gars est certainement très fort, ou la femme, c'est peut-être une Catwoman qui se balade sur les toits en collant noir. Tiens, une idée ! Et si je me déguisais et me baladais sur les toits de l'opéra, qu'on me voit, pour lui faire concurrence. Un deuxième phantom, plutôt une fantômette, ça le ou la ferait sortir de l'ombre.
— Vous n'y pensez pas ? s'affola Winston. Déjà la tour de Big Ben, si lord Croft était là il vous…
— Il serait fier de moi, je vois encore sa déception quand j'ai refusé de jouer les singes sur son parcours, aujourd'hui il serait aux anges.
Le majordome vida son verre d'un seul trait, secoua sa tête aux cheveux argentés et articula :
— Décidément, vous êtes bien une Croft, mais soyez quand même prudente, si cet énergumène de phantom se sent menacé, il risque d'employer la violence.
— Mmm, je sais pas, c'est un artiste dans son genre, je le vois mal user de violence, tout au plus ligoter et bâillonner. Ou disparaître sous nos yeux dans un nuage de fumée. En tout cas l'affaire m'intéresse au plus haut point, d'autant plus que je dois la résoudre avant notre cher inspecteur. Question de fierté Croftienne !

5

Trois jours plus tard, Claire s'affairait dans son loft sous les toits, les gants Mapa et la bombe anti-tartre sur les toilettes. La chaîne Hi-fi diffusait "Everobody loves somebody" chanté par la voix en velours de Dean Martin.
Quand la sonnette de la porte d'entrée sonna hystérique une série de coups répétés. Et Séraphine déboula dans le loft, les couettes au comble de l'excitation la plus extrême. Elle exhiba Le Times.
— Tu le croiras jamais !
Claira s'empara du journal et lut le titre en première page :
— Un nouveau vol de bijoux à l'opéra… Une jeune lady se fait dérober un pendentif en or… Lara Croft… durant la représentation de "Cosi Fan Tutte" de Mozart… le phantom a encore signé son forfait avec une carte…
— Dingue non ? s'exclama Séraphine. Lara qui se fait voler ! Elle qui voulait arrêter le phantom !
— Ouais, c'est dingue, tu l'as dit. Décidément.
— Hé mais t'écoutes Dean Martin, et une chanson d'amour en plus ? Qu'est-ce qui se passe ? Toi qui ne prônes que le hard rock et le metal sur fond de zombies rafalés. T'es amoureuse ?
— Ça me détend, j'ai bien le droit de décompresser de temps à autre, non ? Et Lara, elle en dit quoi ?
— Impossible de la joindre, elle ne décroche pas. J'arrête pas de l'appeler et d'envoyer des sms.
— Mouais, bon. On file au manoir.
C'est un Winston toujours aussi stylée qui ouvrit la porte et les invita à entrer. Il écouta le flot de paroles des deux jeunes filles et répondit d'une voix calme et posée :
— Lady Lara est partie enquêter, je pense qu'elle vous contactera dès qu'elle le jugera nécessaire.
— Mais racontez ! insista Séraphine, les couettes super excitées. Elle vous a dit quoi ? Comment elle a pu se faire dérober son pendentif ?
— Elle était dans sa loge habituelle et regardait le ballet, quand elle a senti un souffle d'air, sur le moment elle n'a pas réalisé, la musique de Mozart accaparait toute son attention, ce n'est que quelques secondes plus tard qu'elle a pensé au phantom, et constaté la disparition de son pendentif.
— Mais elle n'a pas cherché à le poursuivre ? demanda Claire.
— Lady Lara est aussitôt sortie de sa loge pour arpenter les couloirs, mais elle n'a rien trouvé.
— Ça alors ! s'exclama Séraphine. C'est quand même dingue ! Mais elle est où ? Elle enquête où ? Elle ne vous a rien dit ?
— Je n'en sais pas plus que vous. Elle n'a même pas pris de breakfast, elle est partie comme une flèche sur sa moto.
Claire agrippa le volant de sa Buggy pendant que Séraphine s'installait à côté d'elle.
— A mon avis, elle doit être à l'opéra.
— Mais c'est fermé ! s'étonna Séraphine. Ah ouais ! Avec Lara, la question ne se pose même pas. On peut toujours aller faire un tour là-bas.
— Et c'est parti mon kiki.
La Buggy démarra dans un ronflement de moteur endiablé, les pneus décalquant sauvage les graviers de l'allée.
6

Winston avait décoré le salon avec des ballons multicolores, placés un peu partout en hauteur. Un concerto de Vivaldi virevoltait en sourdine dans l'air. La grande table était dressée avec les couverts. Six au total. Lara avait préféré fêter dans l'intimité.
Le gâteau trônait au milieu de la table avec ses dix-neuf bougies. Une bouteille de champagne attendait dans un sceau à glaces.
Tante Louise lui avait offert un pendentif datant de l'ère victorienne. Le bracelet-montre multifonctions conçu par la NASA pour l'espace, offert par Claire et Séraphine, l'avait enchanté.
— C'est sûr, j'irai forcément sur la lune un de ces quatre, commenta Lara, je me connais trop bien.
Ce qui fit rire tout le monde. Enfin elle ouvrit le cadeau de Winston et sortit une nuisette de l'emballage.
— Purée ! souffla Séraphine en filant un coup de coude à Claire. Ben tu vois qu'on aurait pu !
— Mon cher Wiwi, chantonna Lara, vous avez du goût en matière de tenues nocturnes !
Le majordome écarquilla les yeux et bégaya avec une voix stylée et horriblement gênée :
— Il y a une erreur, ce n'est pas pour vous, chez Harrods j'avais deux paquets emballés de la même façon et… j'ai confondu les cadeaux… attendez, je vais chercher le vôtre…
Claire fila un coup de coude à Séraphine et souffla :
— Ah tu vois ! C'est une erreur. Je me demande pour qui est cette nuisette. Vu le modèle, ce n'est pas pour une vieille rombière.
Winston se ramena avec un paquet qui ressemblait au premier. Lara le prit et demanda :
— Peut-on savoir pour qui est ce charmant déshabillé ?
— Permettez-moi de garder le secret, répondit le majordome toujours aussi gêné, il y va de l'honneur d'une jeune femme.
Lara n'insista pas et déballa le paquet pendant que le majordome éclipsait discrètement la nuisette dans son paquet, qu'il posa derrière un guéridon.
Le gilet sans manches avec ses poches, conçu pour l'aventure, et doté d'un GPS et d'une connexion Internet, enchanta Lara. Elle scotcha deux bises sur les joues du majordome.
Une fois installée à table, tante Louise remercia Winston pour son remède qui lui avait enlevé ses rhumatismes.
— Vous êtes un magicien, je ne savais pas que la gelée royale avait de telles vertus. C'est ce qui explique sans doute votre dynamisme, à croire que vous avez de nouveau vingt ans.
— Il n'y a pas que la gelée, sourit le majordome, je ne fais aucun excès, c'est ce qui me donne cette vitalité.
Séraphine retint un rire en pensant au whisky ingurgité et souffla à Claire :
— On est cinq, le sixième couvert est pour qui ?
— Aucune idée, répondit-elle à voix basse, peut-être le phantom. Lara est capable de tout.
Le carillon de la porte d'entrée sonna.
— Laissez, dit Lara en se levant, je vais ouvrir.
Une minute plus tard elle revint en tenant un bouquet de roses rouges à la main, accompagné par Jonathan, en jean et polo.
— Vous savez Jo, fit-elle remarquer en lui jetant un regard malicieux, on offre des roses rouges pour déclarer son amour.
— Euh, bafouilla-t-il, je savais pas, j'ai pourtant dit à la fleuriste que c'était pour un anniversaire…
Claire remarqua le visage soudain assombri de Séraphine. Elle lui murmura à l'oreille :
— Peut-être qu'il en pince pour Lara ? Et ça te rend jalouse, hein ?
— Ça va pas la tête ? s'écria presque Séraphine. T'es folle, je suis pas amoureuse de…
Elle s'arrêta en réalisant qu'on pouvait l'entendre.

7

Il était une heure du matin, une petite brise douce soufflait sur le manoir. La lune brillait dans un ciel étoilé.
Installée au volant de la Buggy, Claire ne démarra pas tout de suite. Elle lança une conversation qui étonna Séraphine puis la sidéra :
— Il y a quelque chose qui cloche. Tu te rappelles, à un moment tante Louise a demandé à voir les deux ruches, Winston a répondu qu'elles étaient sur le toit et qu'il lui montrerait une autre fois.
— Ben oui, fit Séraphine, y a des ruches sur les toits des fois.
— Sauf que je suis allée voir en douce, quand j'ai prétexté les toilettes, il y a pas de ruches.
— Comment ça ? Je comprends pas.
— Tu as noté ce que Winston a dit : "Il y va de l'honneur d'une jeune femme." Et le modèle très moderne et jeune de la nuisette ?
— Oui et ? Il a bien le droit d'avoir une copine.
— Bien sûr, je te parie que sa copine a dans les 30 ans, pour un homme de 70 ans, étonnant, il doit aussi prendre cette fameuse gelée royale. Et je te parie encore qu'il n'y a pas de gelée royale.
— Mais enfin ? Je comprends de moins en moins.
— Rennes-le-Château, le trésor, l'abbé Saunières l'avait trouvé, mais il y avait aussi le secret de l'alchimie, et donc le secret de l'éternelle jeunesse avec l'élixir de jouvence. Tu commences à saisir ?
Séraphine secoua ses couettes, réfléchit quelques secondes, fixa Claire et écarquilla les yeux :
— Quoi ? Tu ne veux pas dire que Lara aurait trouvé le secret, et elle nous a rien dit ? Mais c'est dingue ! Pourtant on est ses amies, on a aussi droit à l'éternelle jouvence, non ?
— On a encore le temps, je te signale qu'on a 18 ans, bon pas loin de 19 bientôt, mais ça laisse une marge avec le futur. Je pense qu'elle nous en parlera le moment venu.
— Ah parce qu'on va rien lui dire ?
Claire tourna la clé de contact. Le moteur ronfla. Elle ajouta :
— Vaut mieux garder le silence pour le moment, il faut encore que j'éclaircisse certains points. Après on avisera.
Seule debout devant une fenêtre du premier étage, Lara regarda la Buggy s'éloigner, un sourire sur les lèvres.

8

A peine une semaine passée, la sonnette du loft de Claire tringla hystérique vers 8 heures du matin. C'était Séraphine, les couettes hallucinées, qui brandit le Times en criant :
— Tu vas pas le croire ?
Claire saisit le journal et jeta un œil sur la première page.

LE PHANTOM DE L'OPÉRA ARRÊTÉ

Qui aurait cru que le plus jeune inspecteur de Scotland Yard, Jonathan Barnaby, 23 ans, mettrait fin aux agissements du célèbre voleur qui a défrayé la chronique pendant plus de quatre mois. Dans son cas on peut vraiment parler d'une intuition extraordinaire, le flair comme on dit, ce sixième sens qui permet d'anticiper. Alors qu'il assistait à la représentation du "Phantom de l'opéra" la comédie musicale d'Andrew Lloyd Webber, inspirée du roman de Gaston Leroux, soirée prédestinée, vers 21h45 Jonathan Barnaby eut l'intuition que quelque chose allait se passer. Il quitta sa loge et arpenta les couloirs, guidé par une force irrésistible. Faut-il préciser qu'il avait quelques minutes plus tôt, dans un moment de fantaisie imaginative, fait appel à Sherlock Holmes ? Et c'est au détour d'un couloir qu'il vit le célèbre voleur qui s'apprêtait à entrer dans une loge, celle de la duchesse de Westwood. Son allure ne laissait aucun doute quant à son identité, d'autant plus qu'il portait un masque noir. Aussitôt l'inspecteur dégaina son arme, bloquant le voleur fantomatique dans son élan de fuite. Le temps de lui passer les menottes et le tour était joué. Charles Langston, 63 ans, célèbre acteur des années 50 et 60, notamment dans les films "Fantomas", oublié par la suite, n'avait pas trouvé mieux pour remonter sur les planches que d'enfiler le rôle du Phantom de l'Opéra. Il devra répondre devant la justice de ses méfaits, procès qui sera certainement médiatisé, étant donné le suspense que cette affaire a occasionné dans l'esprit populaire. Les bijoux volés n'ont pas été retrouvés.

— Mouais, gargouilla Claire, ce cher Jo a des dons cachés. C'est Lara qui doit se mordre les doigts, il a été plus rapide.
— Comme quoi, chanta Séraphine, il faut jamais juger sur les apparences. Moi qui le prenais pour un gamin candide sans expérience.
— Je sais pas, y a quand même quelque chose qui cloche dans tout ça.
— Comment ça ?
— Justement, je sais pas, mais en cherchant bien, je finirai bien par trouver.
— Arrête ! lança Séraphine. Tu vois des mystères partout. OK, y a le trésor de Rennes-le-Château, mais là, je vois pas ce qui pourrait clocher.
Claire jeta le journal sur la table basse et se dirigea vers le coin cuisine sous le toit.
— Allez, un bon petit dej !

9

Winston se versa un petit verre de Jack Daniels et l'avala en deux gorgées. Puis il reprit le plumeau vert, symbole de la majordomie, et continua à taquiner la poussière sur les étagères de la grande bibliothèque.
Au centre de la pièce, installée à une table en chêne aux pieds sculptés, Lara pianotait sur son Mac.

J'ai dû m'avouer battue mais je ne pouvais pas faire autrement, au risque de révéler des choses qui doivent rester cachées. L'inspecteur Jonathan Barnaby pavoisait, Claire et Séraphine en remettaient une couche, je me contentais de sourire et de féliciter une nouvelle fois. Ce cher Jo avait oublié de préciser un point important, mais il avait juré de garder le secret. L'arrestation du phantom n'était pas due au hasard, c'est Charles Langton lui-même qui avait appelé l'inspecteur pour se faire prendre ce soir-là. Ce que l'acteur ne lui avait pas dit, c'est qu'il n'avait jamais rien volé de sa vie, à part dans son rôle de Fantomas au cinéma. Il n'y avait pas de phantom. C'est la duchesse de Chatterley qui avait eu l'idée, sa fortune ayant périclité au fil des années, elle avait besoin d'argent, elle a donc imaginé le phantom et le vol de son collier d'émeraudes. Il était assuré, la suite est facile à comprendre. Elle a passé le mot à ses deux amies, la comtesse de Canterburry et lady Mac Beth, elles aussi en mal d'argent. Il suffisait de laisser ensuite une carte de visite imprimée au nom du phantom. Il ne m'a pas fallu longtemps pour comprendre en allant faire le guêt dans le parc du manoir de la duchesse, le lendemain du faux vol de mon pendentif, que j'avais prémédité. Ce qui a alerté et inquiété la comtesse, d'où la réunion le matin suivant dans son manoir avec les deux autres. Et l'entrée en scène de Charles Langton, un ami de la duchesse, en mal de gloire, et prêt à tout pour refaire la Une des journaux. L'inspecteur avait promis à l'acteur de ne rien révéler sur son coup de fil pour l'arrêter, et de faire passer l'arrestation sur le compte de son flair. Ce qui a ajouté à sa valeur d'enquêteur. Tout le monde était content. Sauf les assurances, mais bon, peut-on reprocher à une certaine monarchie de ne pas arriver à joindre les deux bouts ?
Pour la copine de Winston, je l'ai suivi un soir, par curiosité, Samantha a 25 ans et elle est gogo girl dans une revue au "London cabaret club". Décidément, cet élixir a des vertus incroyables.


Lara ferma le fichier protégé par un mot de passe. Elle regarda Winston qui se servait un autre verre. Elle esquissa un petit rire en revoyant Winston et tante Louise danser le twist sur "Rock around the clock" de Bill Haley.
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Re: La quatrième aventure de Lara

Messagepar Babou » 03 Déc 2016, 18:53


Krys, c’est du ficelé !
Voici une nouvelle énigme rondement imaginée. Un voleur digne des plus grands : le phantom de l’opéra. L’auteur joue avec les mots, un clin d’œil à lui-même. Ce voleur tient davantage d’un magicien sur fond d’opéra. En plus Lara se fait elle-même dérober son pendentif, elle la chercheuse d’énigmes ! J’imagine très bien le petit détective tout juste sorti du moule, blond, timide et rougissant (tout ce que j’aime) à la moindre alerte émotionnelle. Surtout si c’est déclenché par une demoiselle. Il va falloir te maitriser, mon pote ! Etudier la thèse de Vincent Derkaoui. :mrgreen:

Le Phantom de l’opéra qui subtilise les bijoux comme un vrai fantôme, dans un décor rouge d’opéra chantant la Castafiore. Un vrai décor pour une vraie énigme. ;)

La scène de l’anniversaire est crevante, j’ai rit. J’imagine bien cette scène dans une pièce de théâtre. Jo avec son bouquet, qui ne connaît rien aux usages, Winston très gêné avec sa nuisette sexy, les mimiques des deux copines, la superbe aventurière. Bonne imagination pour le gilet avec GPS incorporé et connexion Internet. C’est le futur proche !


— J’ai pu avoir les plans, je n’ai rien décelé, s’il y a des passages secrets, ils ne sont pas mentionnés. Normal, puisqu’ils sont secrets.
Oui, jusque là, normal. :02:

— Toi et la discrétion ça fait deux ! Le jeune, à la table près de la statue de Vénus. Regarde mais discret.
Séraphine laissa tomber sa serviette en papier sur le sol dallé de carreaux crème, se baissa pour la ramasser et en profita pour loucher vers la statue.
— Ouais, qu'elle articula à voix basse, le jeune, on dirait un gamin. Peut-être qu'il mate Vénus…

Oui, il a peut-être des aptitudes pour l’astronomie cet homme. :hihi: En Côte d’Ivoire il y a un mont qui s’appelle le mont Tonkoui. Ça peut aller avec le mont Vénus car il est placé juste au-dessus. XD Parce que koui c’est comme cui, et cui c’est cui sans « i », enfin, vous avez comprit.

Excusez-moi Missié. A ce propos le mont Tonkoui culmine à 1 189 m et se situe dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire. Tonkoui signifie « Grande montagne » en yacouba. Dans tous les cas il y a toujours un dominant qui domine. Mon dieu s’exclama Bertin !
:23:

Le mont Tonkoui

MONT-IC.jpg


Il n'était pas loin de midi quand Lara déboula au ralenti dans la cuisine en training, les cheveux ébouriffés, les pantoufles encore ensommeillés.
:02:

Qui aurait cru que le plus jeune inspecteur de Scotland Yard, Jonathan Barnaby, 23 ans, mettrait fin aux agissements du célèbre voleur qui a défrayé la chronique pendant plus de quatre mois. Dans son cas on peut vraiment parler d'une intuition extraordinaire, le flair comme on dit, ce sixième sens qui permet d'anticiper. Alors qu'il assistait à la représentation du "Phantom de l'opéra" la comédie musicale d'Andrew Lloyd Webber, inspirée du roman de Gaston Leroux, soirée prédestinée, vers 21h45 Jonathan Barnaby eut l'intuition que quelque chose allait se passer. Il quitta sa loge et arpenta les couloirs, guidé par une force irrésistible. Faut-il préciser qu'il avait quelques minutes plus tôt, dans un moment de fantaisie imaginative, fait appel à Sherlock Holmes ? Et c'est au détour d'un couloir qu'il vit le célèbre voleur qui s'apprêtait à entrer dans une loge, celle de la duchesse de Westwood. Son allure ne laissait aucun doute quant à son identité, d'autant plus qu'il portait un masque noir. Aussitôt l'inspecteur dégaina son arme, bloquant le voleur fantomatique dans son élan de fuite. Le temps de lui passer les menottes et le tour était joué. Charles Langston, 63 ans, célèbre acteur des années 50 et 60, notamment dans les films "Fantomas", oublié par la suite, n'avait pas trouvé mieux pour remonter sur les planches que d'enfiler le rôle du Phantom de l'Opéra. Il devra répondre devant la justice de ses méfaits, procès qui sera certainement médiatisé, étant donné le suspense que cette affaire a occasionné dans l'esprit populaire. Les bijoux volés n'ont pas été retrouvés.
Pour un coup de théâtre, c’est un coup de théâtre ! Une belle imagination et un bon recoupement basés sur des personnages réels. En confrontant le réel et l’imaginaire (film), fruit d’une belle créativité d’esprit (pour éviter une répétition, lol). :lool:

J'ai dû m'avouer battue mais je ne pouvais pas faire autrement, au risque de révéler des choses qui doivent rester cachées. L'inspecteur Jonathan Barnaby pavoisait, Claire et Séraphine en remettaient une couche, je me contentais de sourire et de féliciter une nouvelle fois. Ce cher Jo avait oublié de préciser un point important, mais il avait juré de garder le secret. L'arrestation du phantom n'était pas due au hasard, c'est Charles Langton lui-même qui avait appelé l'inspecteur pour se faire prendre ce soir-là. Ce que l'acteur ne lui avait pas dit, c'est qu'il n'avait jamais rien volé de sa vie, à part dans son rôle de Fantomas au cinéma. Il n'y avait pas de phantom. C'est la duchesse de Chatterley qui avait eu l'idée, sa fortune ayant périclité au fil des années, elle avait besoin d'argent, elle a donc imaginé le phantom et le vol de son collier d'émeraudes. Il était assuré, la suite est facile à comprendre. Elle a passé le mot à ses deux amies, la comtesse de Canterburry et lady Mac Beth, elles aussi en mal d'argent. Il suffisait de laisser ensuite une carte de visite imprimée au nom du phantom. Il ne m'a pas fallu longtemps pour comprendre en allant faire le gué dans le parc du manoir de la duchesse, le lendemain du faux vol de mon pendentif, que j'avais prémédité. Ce qui a alerté et inquiété la comtesse, d'où la réunion le matin suivant dans son manoir avec les deux autres. Et l'entrée en scène de Charles Langton, un ami de la duchesse, en mal de gloire, et prêt à tout pour refaire la Une des journaux. L'inspecteur avait promis à l'acteur de ne rien révéler sur son coup de fil pour l'arrêter, et de faire passer l'arrestation sur le compte de son flair. Ce qui a ajouté à sa valeur d'enquêteur. Tout le monde était content. Sauf les assurances, mais bon, peut-on reprocher à une certaine monarchie de ne pas arriver à joindre les deux bouts ?
Et non, les bijoux n’ont pas été retrouvés. On sait pourquoi maintenant. Et re-coup de théâtre et épilogue bien ficelé ! Lara est très fine sous la plume de l’auteur. L’honneur de Jonathan est sauf mais en ce qui concerne les ladies, ce n’est pas un exemple à suivre. Lol. Enfin c’est pour la bonne cause, celle de savourer une bonne histoire à suspense. :jaune41:

Pour l’élixir de jeunesse, il ne fonctionne pas à 100% sur Winston, cela a juste stimuler son hormone testostérone. Bon, ce n’est pas non plus Priape. L’appât rance, elle, ne change pas. Bon... lol.
:jaune115:
La parole se fait spontanément rythme dès que l'homme est ému, rendu à lui-même, à son authenticité. Oui, la parole se fait poème. (Léopold Ségar Senghor)
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Re: La quatrième aventure de Lara

Messagepar Krystos » 14 Déc 2016, 20:56


Une suite Dantesque, Bravo :) Les jeux de mots sont toujours aussi jouissifs, le style dynamique pour ne pas dire survolté :)
Que dire des énigmes ingénieuses :) c'est toujours aussi bon a lire.

Babou tu m'as tué avec ton mon Toukoui XD CUI CUI :mrgreen:

Je me demande quelles folles péripéties nous attendent :)
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