par Babou » 22 Jan 2006, 19:36
Raphaël Matta
Je me souviens
De ces nuits presqu'irréelles
Qu'enjolivaient rêveuses
Ces belles nébuleuses
Scintillantes nacelles
Dans ce dôme serein
Au pied des moustiquaires
La lampe diffusait
Dans une aura parfaite
Sa flamme presque abstraite
Qui dans le noir dansait
C'était peut-être hier
Je me souviens
Des marches interminables
Sous d'immenses branchages
Peuplée de bêtes sauvages
La flore impénétrable
Reflétait l'incertain
Les clairières lumineuses
D'un paradis vert tendre
Où les cobs de buffon
Portent altiers sur le front
Comme pour mieux se défendre
Ces ramures majestueuses
J'entends encore parfois
Le rugissement du lion
Quand au petit matin
Les restes d'un festin
Sur le sol nous trouvions
Avec ses empreintes de roi
Et vous pachydermes adorés
Plus nobles et plus sublimes
Dans vos combats glorieux
Que tout hôte en ces lieux
Si fiers et magnanimes
Ô Colosses idolâtrés
Je salue votre race
Et vous comble de louanges
Vous qui tourmentés
Par la cruelle festivité
Des chasses tels des anges
Tombèrent en masse
Du fond de ma mémoire
Et de ma joie d'enfant
Ces souvenirs engloutis
Ressurgissent dans ma vie
M'offrant ces rêves d'antan
Enrubannés d'ivoire
Je revois sous le soleil ardent
Ces longues randonnées
Où il fallait courir
Où il fallait bondir
Pour suivre dans ses enjambées
Les pas de ce géant
Cet homme au coeur pur
Un jour venu de France
Foulant le sol d'Afrique
Berceau de l'authentique
Lutta pour la défense
De notre mère nature
Guetté par les farouches Lobis
Lors d'un ultime combat
Il a versé son sang
Pour que vivent les éléphants
Dans sa réserve de Bouna
Il a donné sa vie
Il est parti ce solitaire
Il a quitté notre maison
Il n'est plus revenu
Dans la forêt disparu
Il est parti ce compagnon
Lui qui était mon père
La parole se fait spontanément rythme dès que l'homme est ému, rendu à lui-même, à son authenticité. Oui, la parole se fait poème. (Léopold Ségar Senghor)