EDEN


Laissez aller votre imagination et faites-nous part de vos histoires, poèmes...

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EDEN

Messagepar Babou » 30 Déc 2011, 06:37


Nous finissions d’entasser les sacs dans le coffre de la vieille merco 190 diesel de Dorian, tandis que je vérifiais une dernière fois la liste des objets de première nécessité.
— Bon, on n’a rien oublié ? lança Dorian en nous toisant du haut de ses 1 m 93, une mèche rebelle balayant son front.
— C’est bon, répliquai-je, j’ai bien lu le dépliant informatique sur le net. Tout est fourni sur place, on prend juste l’essentiel. J’ai réussi à caser mon container de tonnelets impec, quelques bouteilles de Krug « Grande Cuvée », autant se faire plaisir, une bonne trentaine ! Plus quelques dizaines de Jack en méga-format de 3 litres. Et j’ai dégoté de l’Absinthe, je pense que douze bouteilles suffiront. Oui, parce que 9 h de route on pourra pas tenir sans se désaltérer, c’est qu’ils sont souvent assoiffés ces deux là ! Et pour mon zopi, j’ai négocié 40 boites, j’ai dit au doc que je traversais le désert à pied.
— Ça vous convient les garçons ?
— Ah oui, j’oubliais, Do, j’ai pris aussi de quoi concocter quelques cocktails de B-52 avec orgasme.
— Tu es parfaite Sweety, la meilleure des organisatrices, intima Krystos le regard irrésistible et tendre, ombré d’un léger bleu turquoise irisé.
— Quant à moi, enchaîna-t-il, je me suis occupé de tout ce qui est modifié, modifiable, remodifié, remodifiable… et de la bonne, croyez-moi, avec en prime de la graine explosive.

Dorian s’installa au volant de sa Mercedes. Krystos prit place à côté de lui et moi sur la banquette arrière.
— Tu me feras conduire, Do ? hasarda Krystos avec un sourire enjôleur.
— Oui, dans les lignes droites, répondit Dorian.
— Ben pourquoi dans les lignes droites, grogna Krystos, je sais aussi conduire quand ça tourne ! C’est juste les panneaux de signalisation que je sais pas décrypter. T’auras qu’à me les expliquer au fur et à mesure qu’on passera devant.
— Ouais, ouais, on verra, répliqua Dorian. On est à peine parti que déjà tu me pompes.
Un petit sourire glissa sur ses lèvres.
Trente minutes à peine que la vieille carcasse avalait le ruban d’asphalte en direction du village de vacances quand soudain Dorian tressauta.
— Babou ! T’as bien pris les provisions pour Pouillu ? Les noix de cajou, les ….
— T’inquiète, le coupai-je dans son élan verbal, j’ai fait un ravito de chez RAVITO : noix en tous genres, cacahuètes, graines de tournesol, pistaches, graines de moutarde, pépins de raisin, trois flacons de miel de fleurs très sauvages et des petits sachets de soupe. Tiens, j’ai même trouvé des noix de palme fraîches, elles viennent directement d’Afrique. Il adore ça, Pouillu.
— Ah, ah ! s’éclaffa Krystos, ça me fait penser au jour où Pouillu a avalé des graines explosives !
— Ouais je me souviens, dis-je dans un éclat de rire éclatant, il avait mis un de ces delbor dans l’appart ! Même que Do l’a confondu avec une grosse poussière et l’a aspiré avec l’aspi. On l’a retrouvé trois jours après en vidant le sac.
— Ça te fait pas rire, Do ? ironisa Krystos.
— Pas du tout ! Respectez mon inquiétude, j’espère qu’il va supporter ce long voyage, reprit Dorian la voix angoissée grave. Ça va être un total dépaysement pour lui, imaginez !
— Bah, pour l’instant il n’a pas l’air trauma, dis-je en rigolant, il fait des glissades sur la plage arrière. Ça le change de sa roue !
— Mais tu t’es bien renseignée, Babou ? T’es sûre qu’ils acceptent les animaux ? insista Dorian, le sourcil droit en forme de point d’interrogation.
— Mais oui, j’ai lu toutes les lignes du dépliant virtuel, c’est bien précisé, en plus ils disent que c’est le meilleur site pour des vacances réussies.

La radio crachait « Lucy in the Sky with Diamonds » des Beatles.
Soudain Krystos s’agita frénétique en fouillant sa banane.
— Merde, grinça-t-il les dents grinçantes, j’ai oublié ma rouleuse de joints !
— Pas grave, rétorquai-je en riant, tu feras du roulé main, ça te rappellera ta tendre jeunesse.
— Ouais, en plus ça fait longtemps qu’on n’a pas fait de soufflettes nous trois, souffla Dorian.
— D’accord les mecs mais on fera tourner cette fois-ci, vu que la soufflette se pratique à deux, précisai-je.
— Ça nous rappellera notre voyage au pays des tulipes, rajouta Krystos. Shiva ti, shiva ti pas ?
— En tout cas il est vachement pratique ton coffret de maquillage comme appuie-pied, dis-je pour le titiller.
— Déconne pas Babou, contre-attaqua-t-il en dévissant sa tête pour me regarder, il vient du Maroc, c’est du pur cuir de chameau ! Je l’ai ciré ce matin !
— Mais je blague ! Pis arrête avec cette habitude de dévisser ta tête quand tu te retournes, un coup de vent et tu verras un jour elle restera derrière !

Au bout de 9 heures de route nous arrivâmes au village de vacances, enfin, pas tout à fait, là un panneau indiquait « parking ».
Les sourcils froncés, un rictus des lèvres amorcé, Dorian gara soigneusement sa voiture sur un terrain vague de terre battue et bosselée où quelques herbes folles batifolaient gayment.
— J’espère que le reste n’est pas comme ça, me lança-t-il, les deux yeux en mode mitrailleuse.
— C’est un parking écologique, argumentai-je, c’est bien ce que vous vouliez, non ? Un retour aux sources ?
— Y a source et source, siffla Dorian.
— Ouais, ne commençons pas à nous prendre la tête. Je suis sûr que Sweety a bien fait les choses, et dépêchons-nous, j’ai hâte de m’installer et d’en rouler une tranquillement, s’impatienta Krystos.
— Prenez le minimum sur vous, leur conseillai-je, une charrette viendra chercher le reste. En plus on a sifflé quatre tonnelets, deux Jack et trois Krug, ça fera moins lourd à tirer pour les bœufs.
— Des bœufs ! laissèrent-ils échapper d’une seule voix stupéfaite.
— Oui, des bœufs, ça évite la pollution, regardez comme la couche d’ozone est transparente ici.
— Et toi, Do, charge-toi juste de la cage avec Pouillu. On a quand même 5 km à faire à pied pour arriver au village.
— Pas grave, chantèrent Krystos et Dorian à l’unisson, on s’est entraînés virtuellement.
— Je sens que les vacances vont être jouissives, lâcha Dorian dans une rigolade.
— Mouahahahahahahahahahaha, ponctua Krystos, le sourire allongé jusqu’aux oreilles.

Un étroit sentier se faufilait dans une petite brousse hirsute. Le chant des oiseaux rythmait gentiment notre cadence. Plantées tous les 300 mètres, des pancartes où était inscrit « Eden » jalonnaient la route sinueuse et nous conduisirent enfin à l’orée du village. Comme nous nous approchions du portail de bambous entouré d’un muret d’environ 2 mètres de hauteur, peint à la chaux, deux panneaux attirèrent notre attention. Les deux paires de yeux de Dorian et de Krystos s’éjectèrent de leurs orbites. Le premier panneau indiquait « Défense de fumer » et le deuxième « Seuls les chiens tenus en laisse sont acceptés ».
— LES CHIENS ! aboya Dorian en me fusillant de son regard sombre, tandis que la mine déconfite je faisais semblant de chercher quelque chose dans mon sac.
— Vous inquiétez-pas, balbutiai-je d’une voix imperceptible, les prunelles braquées sur le sol, le visage chiffonné. Pour les clopes on trouvera bien une soluce. Quant à Pouillu, on n’a qu’à dire que c’est un chien. Après tout ça existe les tout petits chiens.
— Mais même, tu n’y penses pas, tonna Dorian, Pouillu n’a jamais été tenu en laisse, il va être traumatisé à vie !
— Bah, et tu crois que c’est mieux quand il passe des heures à tourner sur sa roue ?
— Ça, c’est différent, rugit Dorian, c’est de la gymnastique rythmique.
— Pffff, tu parles d’un rythme, vociférai-je.
— Bon, allons-y, coupa Krystos, Sweety a fait de son mieux.
— Ben oui, dis-je la voix pleine de sanglots.
— T’as qu’à mettre Pouillu dans ta poche, hoquetai-je, la moue penaude.
— Ok, bonne idée, me lança Dorian, le sourire réconciliant.

Mais en franchissant le portail, nos yeux hallucinèrent, nous allions de surprises en surprises. Il n’y avait rien, pas de construction, juste des espaces de terre et de végétation. Tout se trouvait en pleine nature. Des matelas en paille recouverts d’une simple toile de jute étaient posés à même le sol par groupe de deux, trois ou quatre. Je sentais les regards de Dorian et de Krystos sur mes épaules pesants.
— Y a même pas de bengalas, euh … de bungalows ! s’exclama Krystos.
— Ben non, souviens-toi, balança Dorian, le ton un tantinet sarcastique, c’est un retour aux sources !
Mais soudain le visage de Krystos s’éclaira d’une mine réjouie.
— Purée, s’écria-t-il, les dents en avant, y a un lit caveau !
— C’est super génital ! Mouahahahahahahahahahaha !
— Génial, Krys, on dit génial, pas génital, dis-je le sourire amusé.
Dorian laissa échapper un rire puissant et répliqua :
— Nous sommes venus pour nous aérer, tu ne vas pas dormir dans un caveau !
— Et puis Babou a réservé un emplacement.
— Ben je peux dormir le couvercle ouvert, pas obligé de le rabattre, mouahahahahahahahaahahaha ! continua-t-il dans une excitation surexcitée.
— On est venu à trois, on couche à trois, le taquai-je droit dans les yeux.

Soudain une voix cristalline s’égrena derrière nous :
— « Hola y bienvenidos en el pueblo de las tremendisimas vacaciones : EDEN, entre cielo y tierra ».
(Bonjour et bienvenue dans le village des vacances réussies : EDEN, entre ciel et terre)
Nous nous retournâmes dans une parfaite chorégraphie.
— Je suis Tony, lança-t-il le visage éclairé d’un gay sourire, X pour les intimes. Je suis le chef de ce village.
— Salut, moi c’est Babou et voici Dorian et Krystos, mes compagnons de voyage, dis-je avec un petit sourire prometteur.
— Le voyage s’est bien passé ? reprit Tony, pas trop long ?
— Un peu longuet, rétorqua Krystos, on vient quand même de Montebourg……

Un visage presque trop parfait nous dévisageait. Des cheveux bruns tombaient en cascade sur ses épaules. Mais c’est son regard sombre parsemé d’éclats noisette et souligné d’un trait de crayon subtil qui lui donnait ce charme dévastateur. Un jean extra moulant blanc laissait deviner une forme phallique appréciable. Ce détail n’avait pas échappé à mes deux compères.
— Je vous ai installés sur le meilleur lopin, vous verrez c’est très …… (Il venait d’apercevoir la cage vide de Pouillu)
— Qu’est-ce que c’est ? C’est pour quoi faire ? sifflota-t-il.
— C’est …. Euh … c’est une cage décorative, que je répondis du tac au tac. Do est toqué, euh .. enfin … il a un toc, il ne se déplace jamais sans sa cage, c’est parce que tout petit il a subi un traumatisme, c’était un jour où …..
— C’est bon, abrégea Dorian en me larguant des éclairs fulgurants.
Un sourire amusé traversa le regard sombre de Tony. Il me regarda et dit :
— Babou ? Ça sonne bien exotique !
C’est à ce moment là que Pouillu, qui se languissait dans la poche de Dorian, se mit à émettre des petits couinements.
— Qu’est-ce que j’entends ? fredonna Tony de sa voix musicale.
— Euh … c’est rien, dis-je l’air désinvolte (c’est toujours moi qui sauve la situation), Dorian a des gargouillis dans les intestins, il a mal digéré sa mousse de canard.
Il devenait urgent de se concerter mentalement (oui, on avait pas mal pratiqué la transmission de pensée en s’exerçant avec les épisodes du « Mentalist »).
Dorian : Faudrait quand même lui dire pour Pouillu, mais comment faire ? Ton histoire de petit chien ne tient pas la route, Babou, ce Tony a l’air érudit !
Babou : Ben, attends, je réfléchis. Simple. On n’a qu’à lui dire qu’il est croisé avec un caniche nain. T’as des caniches pas trop frisés non plus.
Krystos : Oui mais le problème de laisse va se poser.
Babou : J’ai apporté ma mini trousse de couture, un bout de laine devrait suffire.
Krystos : Bon, ce problème étant résolu, pensons à la fumette !
Dorian : On verra ça plus tard, une chose à la fois !
Krystos : T’es marrant toi, faudrait penser aux autres aussi, déjà que j’ai raté mon caveau !
Babou : Ben toute façon c’était pas précisé sur le site.
Dorian : En faisant un peu de charme à Tony, peut-être qu’il t’octroiera le droit d’y passer une nuit.
Babou : Ouais ! Suis sûre qu’avec un peu de tactile t’arriveras à l’amadouer.

Hum… hum…, gazouilla Tony, nous ramenant brusquement à la réalité.
— Oui, je disais que « Babou » faisait bien exotique...
— Babou a parcouru presque tout le continent africain, déversa Krystos fièrement.
— Oh, n’exagérons rien, confiai-je, juste quelques pays comme la Mauritanie, l’Ethiopie, le Sénégal, le …
— Mouahahahahahahahahahaha ! le Sénégal ? s’époumona Krystos.
— Ben oui, mais t’es malade ! Qu’est-ce qui te prend de crier comme ça ?
— Euh… comment dire… Est-il vrai que les Sénégalais sont... euh… enfin…, bafouilla Krystos.
— Bien membrés tu veux dire ?
— Oui, largua-t-il avec un sourire soulagé.
— Alors je te le confirme. Rocco à côté c’est de la mignonnette.
Krystos imaginait le sexe. Noir, luisant et cylindrique. Des petites étoiles se dessinaient sur ses pupilles.
Un filet de salive dégoulinait de la commissure des lèvres de Tony tandis qu’une bosse apparut dans son entre-jambe.
Quant à Dorian, pris d’une crampe subite, il eut une envie de suçoter un esquimau au chocolat.
L’approche d’un homme, tout de noir vêtu fit diversion.
— Ah tenez, je vous présente mon associé : Rampage, roucoula Tony, c’est mon homme de confiance. Il va vous conduire sur votre lopin de terre, je vous ai mis au n° 96.
— Vous verrez, vous serez très bien et il est insonorisé par quelques branchages.
— Bééééé, suivez-moi, bêla Rampage dans un silence silencieux. Son regard perçant nous dardait tels des pics.
Il marchait devant nous, écartant quelques broussailles épineuses et des plantes aux longues tiges terminées par des bouches rouges et voraces.
— Bééééé, ne vous formalisez-pas, dit-il en devinant notre inquiétude, elles ne mangent que de tous petits animaux, genre rats et seulement à la tombée de la nuit.
Dorian devint blanc, puis rouge, puis vert, contenant à peine une rage meurtrière. Krystos et moi marchions comme des automates, les yeux scotchés au sol.
Quinze minutes plus tard…
— Bééééé, c’est ici, voici votre lopin « trois couches », chevrota-t-il dans un silence de plomb.
Son regard dardant nous perçait tels des pics.
— Bééééé, je vous laisse vous installer, la charrette arrivera dans la soirée, bégueta-t-il sans piper mot tout en broutant son herbe.
Puis il s’éloigna. Son regard piquant nous perçait tels des dards.
— Excusez son langage, musiqua Tony dans une envolée de gammes, Rampage a été élevé dès son plus jeune âge avec les chèvres et comme il est doué pour les langues, il a appris le dialecte caprin. Parfois il rumine, mais bon, qui n’a pas ses petits défauts !

Au milieu du lopin se dressait un mât de bambou vert.
— Je me demande bien à quoi ça sert, songea Krystos.
— C’est ptète pour danser autour, plaisantai-je, l’air faussement innocent.
Krystos envoya un rire Mouahahahahahahahahahaharesque.
Nous jetâmes un œil discret sur Dorian qui, du vert devint rouge, puis blanc.
L’ambiance était quelque peu plombée. Je balançai un coup de coude à Krystos pour qu’il réagisse.
— Bon, si on allait se dégourdir les jambes, visiter les espaces, dit Krystos en avalant une rasade de Jack à même le goulot.
— Pis faudrait se renseigner pour les repas. L’estomac commence à me tirailler sec.
Se dégourdir les jambes alors qu’on venait de se taper plus de cinq bornes, me dis-je à l’intérieur de moi. Mais je ne bronchai pas, il fallait sortir Dorian de son marasme.
— Allez Do, déprime pas comme ça, dis-je d’une petite voix qui se voulait réconfortante.
— J’ai bien vu les bouches des plantes, elles sont pas si grandes et Pouillu est bien plus gros qu’un rat, enfin presque.
— Au retour je te préparerai un bon B-52 avec orgasme, lui susurrai-je, une coquinerie se dessinant au bord de mes lèvres.
Dorian décrocha enfin un sourire.

Tandis que nous reprenions le chemin inverse, un bruit de galopade attira notre attention. Un jeune homme surgit d’un fourré.
— Salut ! nous envoya-t-il la mine enjouée, vous êtes nouveaux ?
— Je suis James, James Falkan et voici Fripounet, mon phaco qui me suit dans toutes mes aventures.
— Il est génital ! s'extasia Krystos.
— Génial Krys, on dit génial ! dis-je le sourire appuyé.
Une fois les présentations faites, Dorian prit la parole.
— Mais dis-moi, James, on ne t’a rien dit pour ton phaco ? Normalement seuls les chiens sont acceptés ?
— Ah oui, bien sûr, on m’a fait la remarque, le patron lui-même d’ailleurs, Tony. Bah, j’ai raconté qu’il était croisé avec un Boxer et s’est passé comme une lettre à la poste !
— Tu vois Do, finalement mes idées sont bonnes, dis-je en le taquinant.
— Et pour la laisse ? continua Dorian, je constate qu’il n’en a pas.
— Ben en fait c’est toléré, sauf dans le verger et le potager.
— Le verger et le potager ? s’interrogea Krystos la mine suspicieusement interrogative.

Subitement la queue de Fripounet branla exalté. C’est alors que Pouillu jaillit de la poche de Dorian, fit un vol plané digne d’un record des « Hamster Volants », s’étala comme une crêpe avant de rebondir sur ses petites pattes juste devant Fripounet. Pouillu se dandinait devant lui, le regard aussi pétillant que celui de la veuve Clito. Fripounet n’était pas insensible au charme de cette petite boule frémissante et frétillante. Bientôt ils s’éclipsèrent dans un fourré où un dialogue fripon annonçait les préliminaires à ce coup de cœur.

Soudain un martèlement de lourds sabots se fit entendre et une charrette apparue au détour du sentier. Arrivés à notre hauteur, les bœufs freinèrent dans un crissement de sabot, soulevant une poussière grise. Les deux conducteurs, un homme et une femme, sautèrent de la charrette.
— Bonjour, je suis Nicole et voici mon amoureux Medievil, nous sommes les gardiens de EDEN. Nous faisons un peu de tout, nous veillons à l’entretien et la propreté du village ainsi qu’aux transports des bagages, comme vous pouvez le constater. Là nous nous rendons au lopin 96. Si vous voulez, on peut vous déposer sur la place au retour ?
— Volontiers, m’empressai-je de répondre, d’ailleurs ce sont nos bagages que vous avez là.
— Ah ! beugla Medievil, ben c’est la première fois qu’on voit un tel chargement, n’est-ce pas ma mie ?
— Exact mon Titi, mais bon, chacun ses habitudes...
Trois sourires se décrochèrent de nos mâchoires.
Un peu plus tard, nous embarquions dans la charrette en direction de la place du village, prêts à démarrer, quand Fripounet et Pouillu émergèrent du fourré, le poil en bataille.
— Zut, on allait les oublier, grogna James !
Fripounet sauta dans la charrette, Pouillu accroché à sa crinière, ses deux petites pattes arrière calées sur ses verrues, les yeux brillants comme des grenats, les incisives joyeuses.
— Oh, s’étonna Nicole, c’est quoi ce petit animal, mais on dirait bien un hamster, non ?
— Pas tout à fait, se hâta de dire Dorian, en fait il est croisé avec un caniche nain, je sais ça se voit pas trop, ajouta-t-il en me faisant un clin d’œil.

La charrette s’ébranla dans un soulèvement de poussière grise.
— Au fait, jeta Krystos, à quoi sert ce mât en bambou au milieu des lopins ?
— C’est un parasol écologique fait de papeaux, exposa James dans un langage « sciencé ». Quand il pleut ou que la température frise les 40 °, il se déplie et se replie sous l’effet du changement climatique. Tony a dû faire appel à un ingénieur polonais, le professeur Romejko. D'ailleurs son invention a été homologuée au concours Lépine. C’est ça le vrai progrès, adapter la technologie au mode écologique.

Quelques sabots plus tard, nous arrivâmes sur la place où Tony nous attendait. Il avait changé son jean moulant contre un tutu rose accompagné d’un T-Shirt Pokemon jaune. Une brise légère s’engouffrait sous le tulle léger, semant le trouble sur la fleur de notre peau.
— Alors, vous êtes contents, tout se passe bien ? fredonna Tony en exécutant un savant ballotté.
— Impec, répondîmes-nous tous en chœur.
— Bon, très bien, je vais vous montrer le verger et le potager, vous devez avoir faim ?
Il aperçut Pouillu.
— Oh, mais c’est un...
— Un chien, commenta James en quelques mots, nous sauvant ainsi d’une énième explication bancale.
— Dis, Tony, je pourrai dormir une nuit dans le caveau ? balbutia Krystos, une prière dans les yeux.
— Ah non, ce n’est pas possible, dit Tony, il est réservé à Maat, la princesse des ténèbres, les cimetières sont très encombrés en ce moment vous savez, donc elle a trouvé sa place ici. Elle vient tous les premiers vendredis de chaque mois pour se ressourcer et prendre des énergies noires. D’ailleurs son caveau est fermé à clé. De plus elle y laisse des objets personnels, des fioles diverses, quelques bémols incrustés dans le bois d’ébène, des bracelets cloutés, des poupées de chiffon avec les yeux crevés, enfin des bricoles dont elle seule connaît la manipulation et leurs pouvoirs.
— Par contre, si tu deviens Membre Actif, je peux t’en fabriquer un sur mesure, nasilla-t-il gayment.
Krystos n’eut pas le temps de riposter. Je venais d’apercevoir quelque chose qui m’intriguait.
— Dis-moi, Tony, ces nuages me turlupinent. Vois comme ils se déplacent et se déforment avec le vent, cependant il y en a un qui ne bouge pas et j’entrevois un point bleu !
— Ah oui, babilla-t-il, il ne bouge pas car c’est un nuage artificiel. Il est loué toute l’année par un client : le fantôme bleu.
— Vous n’aurez pas l’occasion de le voir malheureusement car il descend une fois par an, ajouta Tony en chantonnant.
— Le fantôme bleu ? Mais... Comment fait-il pour descendre ? repris-je l’air interloqué.
— Il descend de son nuage de la même façon qu’il y monte, en lévitant.
Ma réflexion suscita l’intérêt général.
— Et pour se nourrir ? poursuivit Krystos estomaqué.
— Il ne se nourrit pas, enfin, pas dans le sens que vous vous l’imaginez, il se nourrit spirituellement.
— Ça doit pas peser lourd dans l’estomac, ricana Krystos, tout en imaginant une belle viande sanguinolente dans son assiette.
— Est-il palpable ? s’interrogea Dorian dubitatif. Enfin, vous voyez ce que je veux dire.
— Il l’est, comme vous et moi, bon, sauf qu’il ne marche pas comme nous.
— Ah bon !!!! Mais comment ça ? s’étonna Dorian.
— Non, en fait quand il marche il frôle le sol, il ne le touche pas, se moqua gentiment Tony.
— Mais que fait-il là-haut ? demanda Krystos.
— Il guide les âmes errantes afin de les remettre dans le droit chemin.
— Et en bas ? s’acharna Krystos un peu désemparé.
— En bas, il vient prendre l’énergie nécessaire au niveau de ses racines.
— Bon, c’est pas tout, bafouilla Krystos quelque peu dépassé par les événements, j’ai comme qui dirait un grand creux dans l’estomac !
— Ah oui, alors je vous explique. Pour les repas donc, il y a le potager, là vous trouverez tout ce dont vous avez besoin, des racines, des tubercules, des feuilles en tout genre, des glands etc. Et dans le verger tous les fruits même les plus rares, des...
— Et la viande ? hurla Krystos. Y'a pas de VIANDE !!!!
— Ah non, s’indigna presque Tony, c’était bien noté sur le site…

Tandis que le village d’Eden s’est endormi une nuit de pleine lune, trois ombres chinoises se chevauchèrent inlassablement jusqu’aux premières lueurs d’une aube pâle.

Je voyais un bourdonnement dans mes oreilles.
Je sentais des chuchotis venus de loin.
J’entendais des ombres traverser mon champ de vision.
— Babou, Babou, hey Babou … BABOU !!
— Quoi ? sursautai-je encore endormie, les yeux embrouillés.
— Mais dépêche toi, on est en retard, t’as oublié qu’on partait pour Eden ?
— Eden ?
— EDEN !!!!!
— Non, non, nooonnn !

Je regardais tour à tour Krystos et Dorian.
Dites, un voyage à New York, ça vous tente ?


Cette fic est partie d’un rêve que j’ai fait. Dans ce rêve il n’y avait que le décor, ou en tout cas les personnages, à mon réveil, étaient confus, mais je ne sais pas pourquoi il m’a inspiré.
Ensuite c’est en discutant avec un des membres du forum (qui ignore tout de mon projet et qui se reconnaîtra) et l’arrivée tonitruante (l’adjectif s’y prête !) d’un nouveau membre : Tony, que m’est venue l’idée d’écrire cette fic, sans prétention.
Je remercie Tony (il était dans le secret) pour sa traduction.
Cette fic est aussi un hommage à Pouillu.
J’ai eu beaucoup de mal à trouver des synonymes pour les verbes signifiant « répondre », « dire ».
La parole se fait spontanément rythme dès que l'homme est ému, rendu à lui-même, à son authenticité. Oui, la parole se fait poème. (Léopold Ségar Senghor)
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Re: EDEN

Messagepar Laraider » 30 Déc 2011, 13:24


Looool, j'ai bien ris mais bien contente de n'avoir pas fait parti du "voyage", hahaha.

Ta fic est restée relativement soft, donc c'est impec :)
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Re: EDEN

Messagepar Krystos » 30 Déc 2011, 14:00


Babou a écrit:Attention : j’avise les lecteurs que cette fiction est à tendance « homo ».


On s'en rend effectivement compte :11:

Babou a écrit:— on prend juste l’essentiel [...] mon container de tonnelets impec, quelques bouteilles de Krug « Grande Cuvée »[...] une bonne trentaine ! Plus quelques dizaines de Jack en méga-format de 3 Litres.[...]de l’Absinthe, je pense que douze bouteilles suffiront. Oui, parce que 9 h de route on pourra pas tenir sans se désaltérer, c’est qu’ils sont souvent assoiffés ces deux là ! Et pour mon zopi j’ai négocié 40 boites, j’ai dit au doc que je traversais le désert à pied.


Mon dieu !!!! C'est sûr qu'avec tout ça on est paré :05: :03:

Babou a écrit:— Tu es parfaite Sweety, la meilleure des organisatrices, intima Krystos le regard irrésistible et tendre, ombré d’un léger bleu turquoise irisé.


Je comprends mieux certaines question que tu me posais ^^

Babou a écrit:— Ouais, ouais, on verra, répliqua Dorian. On est à peine parti que déjà tu me pompes. Un petit sourire glissa sur ses lèvres.


Oooooh :13: le jeux de mot :14:

Babou a écrit:— Merde, grinça-t-il les dents grinçantes, j’ai oublié ma rouleuse de joints !


Rien ne remplace la dextérité digitale et le subtil et irremplaçable coup de langue :03: :14:

Babou a écrit:« Défense de fumer »


Aaaaaaaaaaaarghhhhhhhh !!!! Ce ne sont pas des vacances dans les jardin d'Eden mais plutôt sur les bord du Styx, quoique l'Enfer c'est peut-être le seul endroit ou on peut encore fumer en France :14: :07:

Babou a écrit:— C’est super génital ! Mouahahahahahahahahahaha !


Ma parole, je suis vraiment obsédé ! :D :D

Babou a écrit:Un visage presque trop parfait nous dévisageait. Des cheveux bruns tombaient en cascade sur ses épaules. Mais c’est son regard sombre parsemé d’éclats noisette et souligné d’un trait de crayon subtil qui lui donnait ce charme dévastateur. Un jean extra moulant blanc laissait deviner une forme phallique appréciable. Ce détail n’avait pas échappé à mes deux compères.


Tu m'étonnes que ce genre détails ne nous échappe pas ! Surtout avec l'un de nous qui est complétement obsédé et lubrique à souhait ( moi en l’occurrence ) :08: :13: :14:

Babou a écrit:Krystos imaginait le sexe. Noir, luisant et cylindrique. Des petites étoiles se dessinaient sur ses pupilles.
Un filet de salive dégoulinait de la commissure des lèvres de Tony tandis qu’une bosse apparu dans son entre-jambe.


C'est porno-chic :13: :02:

Babou a écrit:Quant à Dorian, pris d’une crampe subite, il eut une envie de suçoter un esquimau au chocolat.


Je suis explosé de rire en imaginant la scène dans sa globalité :hihi: :oui:


Babou a écrit:Je regardais tour à tour Krystos et Dorian.
Dites, un voyage à New York, ça vous tente ?


Tu m'étonnes....Jamais nous ne pourrions tenir dans cette enfer écologique :14:

C'est une belle surprise que cette Fic, je l'ai savouré du début à la fin :03: Des jeux de mots bien placé, pas mal de référence qui nous sont propre ( en tout cas pour ma part je me suis bien reconnu ^^ )
Bravo sweety pour ce délice que tu nous apportes :love: :love:
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Re: EDEN

Messagepar AgentFalkan » 30 Déc 2011, 16:14


:bravo2: , c'est magnifique, Babou! J'aime beaucoup les descriptions des lieux et les jeux de mots :mrgreen: c'est bien agréable à lire. :P
Lol, Fripounet et Poillu! :p
Babou a écrit:on avait pas mal pratiqué la transmission de pensée en s’exerçant avec les épisodes du « Mentalist »

Loool :04:
Babou a écrit:— Il ne se nourrit pas, enfin, pas dans le sens que vous vous l’imaginez, il se nourrit spirituellement.
— Ça doit pas peser lourd dans l’estomac, ricana Krystos tout en imaginant une belle viande sanguinolente dans son assiette.
— Est-il palpable ? S’interrogea Dorian dubitatif. Enfin, vous voyez ce que je veux dire.
— Il l’est, comme vous et moi, bon, sauf qu’il ne marche pas comme nous.
— Ah bon !!!! Mais comment ça ? S’étonna Dorian.
— Non, en fait quand il marche il frôle le sol, il ne le touche pas, se moqua gentiment Tony.
— Mais que fait-il là-haut ? Demanda Krystos.
— Il guide les âmes errantes afin de les remettre dans le droit chemin.
— Et en bas ? S’acharna Krystos un peu désemparé.
— En bas il vient prendre l’énergie nécessaire au niveau de ses racines.

J'ai beaucoup aimé ce passage. :P :)

C'est très intéressant qu'un rêve t'a donné de l'inspiration pour écrire cette fic. :12: J'ai parfois des rêves qui me laissent avec beaucoup d'inspiration quand je me réveille; mais je ne me souviens pas de leur contenu...
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Re: EDEN

Messagepar Rampage_Master » 30 Déc 2011, 18:47


Ce rôle de chèvre ne me correspond pas. J'aime bien sinon.
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Re: EDEN

Messagepar Babou » 30 Déc 2011, 20:44


Je crois bien te connaître.
Je me suis basée sur quatre aspects.
Pourquoi la chèvre ? Parce que ton ancien pseudo était « tueur de chèvres ».
Pourquoi l’accent sur les silences ? Parce que tes posts sont toujours anorexiques. La preuve en est avec ton message.
Ton regard « perçant » c’est ce qui frappe le plus chez toi, c’est quelque chose qui m’avait impressionnée quand t’avais mis ta photo sur le trombi.
Et enfin pour l’allusion au langage caprin, c’est parce que tu es trilingue et doué pour les langues, c’est plutôt valorisant.
C'est une caricature, rien de méchant ! :15:

Je posterai ultérieurement pour les jeux de mots dont parle Agent et autre ...
La parole se fait spontanément rythme dès que l'homme est ému, rendu à lui-même, à son authenticité. Oui, la parole se fait poème. (Léopold Ségar Senghor)
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Re: EDEN

Messagepar Rampage_Master » 30 Déc 2011, 23:55


Pas faux. :08:
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Re: EDEN

Messagepar Nicole » 30 Déc 2011, 23:58


Babou a écrit:
Soudain un martèlement de lourds sabots se fit entendre et une charrette apparue au détour du sentier. Arrivés à notre hauteur, les bœufs freinèrent dans un crissement de sabot, soulevant une poussière grise. Les deux conducteurs, un homme et une femme, sautèrent de la charrette.
— Bonjour, je suis Nicole et voici mon amoureux Medievil, nous sommes les gardiens de EDEN. Nous faisons un peu de tout, nous veillons à l’entretien et la propreté du village ainsi qu’aux transports des bagages, comme vous pouvez le constater. Là nous nous rendons au lopin 96. Si vous voulez on peut vous déposer sur la place au retour ?
— Volontiers, m’empressais-je de répondre, d’ailleurs ce sont nos bagages que vous avez là.
— Ah ! beugla Medievil, ben c’est la première fois qu’on voit un tel chargement, n’est-ce pas ma mie ?
— Exact mon Titi, mais bon, chacun ses habitudes ….
Trois sourires se décrochèrent de nos mâchoires.
Un peu plus tard nous embarquions dans la charrette en direction de la place du village, prêts à démarrer quand Fripounet et Pouillu émergèrent du fourré, le poil en bataille.
— Zut, on allait les oublier, grogna James !
Fripounet sauta dans la charrette, Pouillu accroché à sa crinière, ses deux petites pattes arrière calées sur ses verrues, les yeux brillants comme des grenats, les incisives joyeuses.
— Oh, s’étonna Nicole, c’est quoi ce petit animal, mais on dirait bien un hamster, non ?
— Pas tout à fait, se hâta de dire Dorian, en fait il est croisé avec un caniche nain, je sais ça se voit pas trop, ajouta-t-il en me faisant un clin d’œil.



Bravo Babou, je me suis bien amusée pendant quelques minutes.
Je suis stupéfaite par la quantité de carburant qu'il vous faut personnellement pour seulement quelques heures de route. Vous consommez beaucoup plus que votre voiture.
Mon Titi et moi sommes efficaces n'est ce pas, surtout avec une charrette à boeufs, nous sommes bien plus habitués aux chevaux sous le capot.

J'ai adoré Tony dans son beau petit tutu rose, il doit être tout mimi là-dedans.

C'est une chouette fic.
Un sourire ne coûte rien et produit beaucoup.
Il enrichit ceux qui le reçoivent, sans appauvrir ceux qui le donnent.
Il ne dure qu'un instant mais son souvenir est parfois éternel.
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Re: EDEN

Messagepar Rampage_Master » 31 Déc 2011, 00:58


Tu as le sens de l'observation et de la caricature c'est sûr!
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Re: EDEN

Messagepar Drakan » 31 Déc 2011, 08:47


Excellent, tu as un certain don pour l'écriture.

C'est bien fait, sympa, et la chute est excellente :lol2: bravo!
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