par Phantom_Blue » 09 Juil 2010, 09:46
Épisode 1
Lara se prélassait dans une chaise longue sous les cerisiers. Des oiseaux gazouillaient sur les branches. Une délicieuse brise douce et parfumée circulait dans l'air. Un soleil des plus agréables brillait dans un ciel d'un bleu très anglais.
Elle lisait la revue "Mysteria", consacrée au paranormal et aux mystères du monde. Le numéro de juin parlait des civilisations disparues d'Amérique du Sud.
Un article relatait l'histoire du Chandelier des Andes et des tracés de Nazca, et exposait les différentes théories à leurs sujets. Notamment celles où des dieux extraterrestres auraient débarqué autrefois au Pérou au temps des Mayas.
Lara sourit en voyant le dessin qui illustrait l'article. Des extraterrestres Petits Gris se baladaient au milieu des tracés de Nazca devant de grandes soucoupes volantes posées sur des pieds télescopiques. Comme cliché, on ne pouvait pas faire mieux.
Winston, le vieux majordome, amena un jus d'abricot sur un plateau et posa le verre sur une petite table à côté de Lara. Il y avait un mobile, au cas où quelqu'un l'appellerait.
Lara baissa sa revue. Contempla sa jambe gauche enrobée d'un plâtre tagué de signatures, dont celle de Claire Redfield et Séraphine Natla, ses deux meilleures amies.
— Comment vous sentez-vous ? demanda Winston, qui avait aussi apposé sa signature.
— Stupide, répondit Lara. Je me demande encore comment j'ai pu louper cet obstacle. Et dire que j'ai traversé tout le temple de Xian sans une égratignure ou presque, sans compter le monument Saint Francis. Et à cause d'un faux pas, me voilà immobilisée pour trois semaines.
— Vous pourrez goûter un peu de repos. Je vous trouvais surmenée ces derniers temps. Peut-être votre inconscient a tiré la sonnette d'alarme en vous immobilisant provisoirement, afin que vous repreniez des forces.
— Je ne vous savais pas ce talent de psychologue, s'étonna Lara.
— Il m'arrive de lire des revues sur le sujet.
— Eh bien, à l'occasion j'écouterai vos précieux conseils. Oui, je l'ai bien mérité après toutes ces aventures, n'est-ce pas ? Mais je m'attendais à un repos moins astreignant.
Elle s'empara du verre, but une gorgée de jus d'abricot frais, le reposa et lança d'une voix amusée, en guettant la réaction du majordome :
— Dites, Winston, il y a un mystère que j'aimerais bien résoudre. La disparition et la réapparition d'une de mes petites culottes. Le manoir serait-il hanté ? Des fantômes s'intéresseraient-ils à ma lingerie ?
Une rougeur empourpra le visage de Winston. Lara enchaîna aussitôt :
— Pourquoi aviez-vous besoin d'une de mes petites culottes ?
— Lady Croft, commença-t-il, je suis horriblement confus. Je pensais que vous ne remarqueriez rien. Il s'agissait d'un emprunt.
Les mots s'étranglèrent dans sa gorge. L'émotion le submergeait.
— Seriez-vous fétichiste ? demanda-t-elle en souriant.
— Absolument pas, s'écria-t-il presque. Voilà , vous le savez, je suis membre du club des majordomes de Chelsea. Nous discutions dernièrement sur la femme, enfin en tout bien tout honneur, je le précise. Et puis le majordome de la duchesse de York a lancé un pari des plus aberrants. Ramener une petite culotte de femme. J'avais bu, je me suis lancé dans ce défi sans réfléchir.
— Mais vous auriez pu en acheter une ?
— Vous me voyez entrer dans une boutique de lingerie féminine pour acheter un de ces accessoires féminins ?
Un rire agita les belles dents nacrées de Lara.
— Évidemment, la situation aurait paru quelque peu insolite.
— Je ne vous le fais pas dire. Et puis aussi, tous mes amis sont mariés ou ont une amie, je vis seul. Ils n'arrêtent pas de me houspiller à ce sujet. Je ne voulais pas passer pour le dernier des solitaires. Je prierai donc lady Croft d'accepter ma démission.
Il baissa les yeux et adopta un visage torturé par la culpabilité.
— Mais ça ne va pas ? s'exclama Lara. Winston, voyons, pour une petite culotte ! Je suis flattée que vous ayez pensé à l'une des miennes. Une Lise Charmel en plus, et des plus sexy. Je suppose que vous avez dû en faire baver quelques-uns.
— Vous auriez vu les autres culottes, un vrai désastre. Aucune ne pouvait égaler la vôtre.
Il se rendit compte de l'audace de sa phrase et bafouilla une suite d'excuses emmêlées dans son dentier.
Lara éclata de rire.
— Allez, ne vous en faites pas pour ça. Je comprends très bien. Mais on a dû vous poser des questions sur sa provenance ?
— Je leur ai répondu que je fréquentais une danseuse de music-hall, qui tenait à garder son anonymat.
— Et ils vous ont cru ?
— Pas vraiment. Les avis sont partagés. Je voulais sauver la face, comme on dit. Encore une fois, lady Croft, je comprendrais que vous vouliez vous priver de mes services à la suite de cet incident…
— Ça va, coupa Lara, pour une fois qu'il se passe quelque chose. Je commençais à m'ennuyer sérieusement, surtout avec ce maudit plâtre. Eh bien, mon cher Winston, on s'amuse dans votre club !
— Certains soirs sont sinistres, à lire le Times, boire et fumer.
— Mon pauvre Winston, je compatis à votre détresse.
Winston s'inclina.
— Lady Croft est trop bonne avec moi.
— Mais je vous adore, mon cher Winston, comment pourrais-je me passer de vous ? Allez, ne vous en faites plus pour cette petite culotte. Et si vous avez encore besoin d'un accessoire de lingerie, n'hésitez pas !
Lara regarda avec tendresse le vieux majordome s'éloigner dans son costume à queue-de-pie. Il faut dire que la vie ne l'avait pas gâté. Après un séjour dans l'armée de sa Majesté aux Indes, blessé au combat à la hanche, il avait connu les hôpitaux avant de se tourner vers la profession de majordome. Il avait gardé un léger boitement qu'il dissimulait tant bien que mal en traînant les pieds.
Elle but une autre gorgée de jus d'abricot et reprit la lecture de la revue.
Un autre article parlait d'Orejona, la déesse descendue des étoiles, qui aurait enfanté la race humaine. Sur la photo montage, Orejona ressemblait étrangement à Trinity dans Matrix, ce qui fit sourire une nouvelle fois Lara.
Enfin, fatiguée, elle posa la revue sur la table, ferma les yeux et se laissa emporter avec douceur dans le sommeil.
La petite sonnerie venait de très loin et se rapprochait.
Lara savait qu'elle s'était réveillée et que le mobile sur la table sonnait. Mais elle gardait les yeux fermés pour conserver le plus longtemps possible cette sensation de bien-être. Elle étendit la main sur la table, prit le mobile et le porta à son oreille.
— Oui ?
— Miss Lara Croft ? dit une voix de femme plutôt jeune.
— C'est moi.
— J'ai besoin d'aide. Le monde est en danger. Ils sont de retour.
Lara ouvrit les yeux, comme pour mieux entendre. Des nuages sombres flottaient dans le ciel.
— C'est une blague ?
— Non, c'est sérieux, vous seule pouvez m'aider.
— Qui êtes-vous ?
— Je m'appelle Tanalia, je suis une prêtresse de Pisco. Aidez-moi, je vous en supplie.
La voix de la femme avait l'air sincère. Mais son discours était des plus incroyables.
— Je voudrais bien vous aider, mais là je ne peux pas bouger.
— Si, vous le pouvez. Suivez le feu du ciel. Je vous attends près de l'arbre sacré. Faites vite.
Un bip indiqua que la communication avait été coupée.
Intriguée, Lara reposa le mobile sur la petite table et écarquilla les yeux.
Elle se trouvait avec sa chaise longue au milieu d’une immense plaine aride. Le manoir était toujours là , posé à côté. Tout ce qu'il y avait autour, le verger, les cerisiers, le labyrinthe qu'elle pouvait voir en temps ordinaire, avait disparu.
Et deuxième surprise des plus étonnantes. Sa jambe gauche n'était plus plâtrée.
Elle se leva et fixa l'horizon.
Des éclairs venaient de s'abattre au loin dans un roulement brûlant de foudre.