par Babou » 12 Mar 2010, 07:17
RAMPAGE MASTER laissa retomber lourdement sa tête sur l'oreiller. Des perles de sueur suintaient sur son front. Tandis qu'il s'extirpait des bras enlaçants d'une gazelle noire, il repensait à cette chevauchée fantastique, rythmée par le bruit hypnotique des djembés en folie. Son regard fiévreux caressait la cambrure vertigineuse et la peau satinée encore frémissante de cette beauté exotique. Il se revisionnait le postérieur joliment rebondi qui se trémoussait, rythmique, sous ses assauts membrés. Alors que les antennes de la gazelle s'agitaient, cadencées, sur sa tête, elle lui murmurait d'une voix sucrée, hachée (à cause des soubresauts) : « ce que tu me fais là , me fait trop plaisir ». Un sourire béat de satisfaction irradiait le visage de Rampage Master.
Sitôt sorti du lit, il enfila vite fait un jean délavé et un tee-shirt noir avec écrit en lettres rouges, "The Killer". Puis il s’immobilisa, fronça le sourcil gauche et se posa la question existentielle, « vais-je petit déj ou ne vais-je pas petit déj ? ». Il opta de partir le ventre vide. « Je serai plus léger pour ce que j’ai à faire », souffla-t-il dans un souffle. Il se dirigea vers le seul miroir existant, dans la salle de bain, et sur lequel on pouvait lire, tracé à l'encre indélébile, tel un slogan « I AM THE BEST OF THE BEST ». Il jeta un ultime coup d’œil sur son trophée d’ébène, se mira avec admiration dans le miroir sur pied, et le traversa.
Derrière le miroir magique, un décor irréel s’offrit à ses yeux. Des arbres aux troncs luisants et aux branches caoutchouteuses se dessinaient dans le bleu du ciel. Des oiseaux de chiffon, bizarres, aux ailes de papillons multicolores, batifolaient avec des fleurs sauvages. Un caméléon tricolore lézardait sur une souche inexistante. Son œil unique spiralait à contre sens en reluquant les seins pulpeux d’une demoiselle libellule. Une chèvre à cinq pattes rigolait en regardant un petit scarabée qui rigolait lui-même devant la détresse d’une nuée de coccinelles noires à points rouges. En plein envol, chahutées par un vent turbulent, elles perdaient leurs points, qui virevoltaient et retombaient délicatement comme des pétales rouges de roses, coloriant le vert de ses espoirs dans un pointillisme finement élaboré.
A petites foulées, il suivait le chemin sinueux de ses rêves victorieux. Un Ploop, qui traversait par mégarde son champ de victoire, se retrouva aplati par une semelle écrasante, désormais incapable d’atteindre le labyrinthe piégé. Quelques enjambées plus tard, il arriva devant la cité de SEDACRA. D’une main ferme, il ouvrit le lourd portail qui grinça lugubrement. Là , sept îlots flottants, de tailles variables prenaient presque tout l’espace citadin. Rampage Master les connaissait tous par cœur. Il s’arrêta cependant et hésita. D’un revers de main appuyé il voulu ajuster sa casquette sur son crâne. Ça bloquait.
— Zut ! grogna-t-il, aurait-elle rétréci ?
— En plus, je suis bien certain d’avoir réglé la sangle au dernier cran, pas plus tard que la semaine dernière !
— Diantre ! marmonna-t-il sourdement, je dois me rendre à l’évidence, mon cerveau a encore grossit !
— Bon, on verra cela plus tard ricana-t-il, j’ai d’autres chattes à fouetter.
D’un bond laracroftien il atteignit sans encombre la plate-forme du deuxième îlot. Tout en accélérant le pas, un sourire carnassier ourlait ses lèvres. Il se frotta les mains et pénétra dans une grande salle où une multitude d’alcôves s'éparpillaient ça et là , pareilles à des abris de troglodytes. D’un pas affirmé, il marcha droit vers la trente-septième alcôve. Une chaise unique occupait la petite pièce. Il appuya sur un bouton et aussitôt un écran virtuel se projeta dans l’espace rétinien de ses pupilles dilatées en même temps qu’un clavier se dépliait à quelques centimètres au-dessus de la chaise. Go ! Il commença à pianoter fébrilement sur les touches directionnelles du clavier, ses yeux noirs vissés sur l’écran virtuel. Il se délectait en entendant les tilts sonores défiler à la vitesse du son.
— Dix-septième tableau ! Ah ! Ah ! J'ai jamais été aussi loin. Le kif, ma gazelle, le kif ! Mais putain, ce chrono ! Il reste quelques secondes. Aaaarg !
Un filet de salive coula le long de ses lèvres et glissa sur son menton.
La tension était à son comble quand flasha enfin sur l'écran :
GAME OVER
VOUS ETES LE NOUVEAU CHAMPION DE JEWEL QUEST AVEC UN SCORE RECORD DE 274657
Un sourire jouissif étira sa bouche avant de se transformer en un rire démoniaque.
— Mouahahahahahaha !
— C’est ma soixante-seizième victoire, vociféra-t-il, tandis que ses deux poings frappaient son buste cynocéphalien.
— On va fêter ça ce soir, ma gazelle.
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Si vous avez des questions, vous aurez les réponses. Je pense faire une annotation ultérieurement.
La parole se fait spontanément rythme dès que l'homme est ému, rendu à lui-même, à son authenticité. Oui, la parole se fait poème. (Léopold Ségar Senghor)