par Krystos » 01 Sep 2011, 00:10
Episode 6
L’astre solaire, rougeoyant, teinte d’un rose délicat des groupes de nuages distordus en disparaissant doucement derrière la cime des arbres d’une zone boisée de la ville de Boston. Une étoile fait déjà de l’œil à la carrosserie chic d’une Corvette Rouge métallisée.
Adossés contre cet engin motorisé, Sam Fox et Steve patientent tranquillement en attendant Laraider qui se démène à l’intérieur de la voiture. Dix minutes plus tard et la voilà qui sort enfin. Steve ne peut s’empêcher de lâcher un rire éclatant, Sam Fox se contentant, lui, de sourire.
— C’est malin Steve ! Tu crois que ça m’amuse de porter cet accoutrement ?! s’énerve Laraider.
— En fait…
— C’est une question de rhétorique ! affirme Sam Fox.
La tenue de Laraider, pourtant, ne peut que donner envie de rire. Vêtue d’une petite robe au motif cerise, des petites chaussures de cuir noir laqué, rehaussées de mi-bas de coton blanc à ses pieds et sa tête ornée de deux petites couettes surmontées de nœuds roses, Laraider a tout du look d’une fillette de dix ans.
— Je ne vois toujours pas l’intérêt de me déguiser ainsi !
— J’ai déjà vu le film dont cette Meïan a tiré cette créature. Ce clown, si on peut l’appeler ainsi se nourrissait surtout d’enfants. Quoi de mieux pour l’attirer qu’une aussi mignonne petite fille ? ! D’ailleurs, avant que j’oublie... Voilà ta sucette spirale !
— Ma quoi ?
— Ça fera plus crédible !
— Si tu le dis ! Bon, ne perdons pas de temps ! Il faudrait pas louper la dernière représentation du cirque.
Nos trois compagnons pénètrent un à un dans les ténèbres des égouts. Steve est le dernier à descendre et ne manque pas de trébucher sur le cadavre d’un chien en état de décomposition avancée.
— Il a fallu que ça tombe sur moi ! Et merde !
— Logique, nous sommes dans des égouts, rétorque amusée Laraider par esprit de vengeance.
— Vous n’avez pas fini de vous chamailler ? On dirait un vieux couple septuagénaire.
— Sam Fox a raison mon petit stevouné tout crotté ! Bon, j’avance devant. Toi, Sam Fox, tu surveilles le radar d’ondes thermiques. Dès que quelque chose d’étrange se pointe, vous vous repliez à couvert et soyez prêts à intervenir.
— Fait attention à toi ! s'inquiète Steve.
— Ne t'en fais pas, je ne suis pas une débutante…Et vous non plus.
Sam Fox ne tarde pas à repérer un signal sur son radar. Aussitôt, lui et Steve se replient vers l’arrière, laissant Laraider avancer seule, droit devant, en direction du signal.
Avec difficulté, elle aperçoit une forme humaine s’avancer doucement vers elle. Au fur et à mesure qu’elle avance, le forme humaine se précise. C’est le clown en personne. Laraider s’arrête à une dizaine de mètres de la créature. Prenant un ton de voix naïf, elle s’adresse au Clown :
— Bonzour monsieur clown. Ze peux Zouer avec toi, hi hi hi !
— Charmante petite fille ! Est-ce que tu veux un ballon ? Demande Grip’sous en se rapprochant.
Les deux personnages se trouvent maintenant à cinquante centimètres à peine l’un de l’autre.
— Nan ! Ze veux n’autre chose. Ze vais te le dire dans ton n’oreille zentil clown.
— Approche donc, charmante petite, dis-moi ce que tu désires, répond Gripsous dont le timbre de voix se fait de plus en plus grognant.
Délicatement, Laraider lui souffle à l’oreille :
— Je veux t’envoyer en enfer, ordure !
Les yeux du clown s’agrandissent soudain de stupeur, à l’écoute de ces mots. Mais il n’a pas le temps de répliquer, le poing de Laraider l’envoie valser deux mètres plus loin. Ses mains posées sur ses hanches, Laraider lui dit amusée :
— Eh bien ! Pas très solide pour un monstre de ta réputation !
Le visage du clown dévoile enfin sa vraie nature. Ses yeux émettent alors une lueur blanche très intense. Ses dents longues et acérées suintent d’une bave épaisse et sanguinolente. Les traits de son visage expriment rage et confusion.
— Petite impudente. Tu n’as aucune idée de qui je suis. Je suis le pire cauchemar que tu aies fait, le pire de tes rêves devenu réalité. Je suis tout ce dont tu as toujours eu le plus peur.
— Et bla bla bla ! On connaît la chanson par cœur ! Change de disque !
— Pauvre folle innocente ! Je suis le dévoreur des Mondes et des petits enfants… Et toi, tu es la prochaine !
Sur ces mots, Grip’sous se jette sur Laraider, qui d’une roulade, esquive l’attaque en hurlant :
— Steve ! Sam Fox ! A vous !
Steve et Sam Fox débouchent alors de chaque côté du clown, qui à peine relevé se prend deux décharges de Taser modifié par Sam Fox. Un choc de plus de 5000 Volts à chaque décharge paralyse instantanément la créature. Laraider enfile alors des gants spéciaux pour s’isoler du courant électrique, empoigne la chevelure rouge du clown, et aidé d’un grand couteau à cran d’arrêt qu’elle camouflait derrière son dos, elle lui tranche la gorge jusqu’au cervicales !
— Voilà une bonne chose de faite les gars ! Bon travail. Bon je passe un coup de fil à Babou pour les avertir. De votre côté, finissez-le. Il faut lui trancher la tête entièrement.
— Bien patronne , disent en chœur Steve et Sam Fox.
Son crâne dégarni, rehaussé d’un stetson en feutrine noire, la barbe naissante, une pipe éteinte mais machinalement ancrée entre ses lèvres, John Benneth pose son fessier sur les sièges de cuir noir de sa cabine privée.
John est éreinté. Il doit rejoindre San Francisco au plus vite pour une réunion d’affaire de la plus haute importance. Seulement es onze heures de vol depuis Paris jusqu’à Los Angeles l’ont déjà fortement fatigué.
Prendre le train à une heure aussi tardive ne l’enchante guère, mais il n’a pas le choix. Il sait que le trajet le séparant de San Francisco ne durera pas plus de deux heures, ce qui lui permettrait de se reposer un temps soit peu, mais il préfère s’y résigner, de peur de ne pas pouvoir se réveiller à temps pour descendre à la bonne station. Cependant, ses paupières lui semblent si lourdes qu’il ne peut s’empêcher de les laisser tomber… Juste une fraction de seconde. John ouvre à nouveau ses paupières, mais tout semble changé. La panique gagne son cœur. L’instant d’avant, il était assis sur sa banquette de cuir et le voilà désormais assis sur les marches d’un escalier de métal.
Ce qui se résumait à une simple cabine vient soudain de se transformer en une espèce d’usine métallurgique. John se redresse vivement, observant les alentours. Tout semble l’amener à supposer qu’il se trouve dans un genre de chaufferie. La couleur rouge domine les lieux, de la vapeur s’échappe en rythme des machineries environnantes. La chaleur y est étouffante.
Soudain, un bruit strident, telles des lames d’acier composant leur mélodie sur un support de même composition, parvient telle une agonie à ses oreilles. Le son assourdissant se rapproche peu à peu de sa personne.
C’est alors qu’une voix rocailleuse lui vint aux oreilles, en ces termes :
— Bonjour John !
—Qui est là ? Répondez !
— Cherche ! Peut-être trouveras-tu la réponse à ta question !
La peur au ventre, John descend lentement les escaliers. Près du four principal John aperçoit avec stupeur trois jeunes filles jouant à la corde. Étrangement, la comptine qu’elles récitent lui semble familière. Elle se résume en ces termes :
— Un, deux, Freddy te coupera en deux, trois, quatre, remonte chez toi quatre à quatre, cinq, six, n’oublie pas ton crucifix, sept, huit, ne dors surtout pas la nuit, neuf, dix, il est caché sous ton lit….
— Freddy Krueger ! s’exclame alors John.
Mais il n’a pas le temps de poursuivre sa réflexion, la voix de tout à l’heure lui hurle à l’oreille :
— Tout juste, mon cher John !
John n’a même pas le temps de réagir, une douleur effroyable parcourt tout son thorax. Cinq lames d’acier viennent de transpercer son corps, remontant avec force jusqu’à la gorge en déchirant ses organes internes. Le hurlement du pauvre homme se transforme rapidement en un son de gargouillement sanglant. Avant de sombrer vers une mort inévitable, John à tout juste le temps de voir le visage brûlé de Freddy Krueger. La seconde d’après, sa tête retombe vers l’avant, ses yeux sans vie fixant encore le gant aux lames d’acier se retirant sèchement de son corps devenu inerte.
Hell Babou, assise au bar du wagon restaurant, savoure un Bloody Mary corsé, relâchant par intermittence des bouffées fraîches d’une Royal Menthol. Le wagon est vide, Krystos ayant préféré se reposer dans leur cabine. Même le barman n’est plus là , sans doute parti en pause.
Soudain, un hurlement bref mais puissant la sort de ses rêveries. Sans perdre une minute, elle se dirige vers l’origine de ce cri. Le cri en question semble venir d’une des cabines du fond du wagon précédent celui du restaurant. En toute hâte, elle se dirige vers la porte de la seule cabine d’où s’échappe de la fumée.
La porte étant fermée à clef, Hell demande par précaution :
— Est-ce que tout va bien ? Répondez !
Aucune réponse ! Sans hésiter plus longtemps, d’un coup d’épaule puissant, Hell défonce la porte. Une vision effroyable s’offre à ses yeux. Le corps sans vie et salement amoché d’un homme gît sur le sol. La chaleur prend Hell à la gorge. La fumée, dont Hell n’arrive pas à cerner l’origine, se dissipe peu à peu laissant à Hell un spectacle des plus macabres.
Elle arrive désormais à distinguer la façon dont l’homme à été tué. Cinq lacérations bien distinctes, démarrant du bas du sternum jusqu’à la naissance de la gorge. Une mare de sang inonde le sol et Hell se rend tout juste compte qu’elle a les pieds en plein dedans. S’agenouillant près du cadavre, elle fouille ses poches à la recherche d’un porte-feuille ou de papiers. Elle finit par trouver un porte-cartes dans lequel elle trouve la pièce d’identité de l’homme.
— John Benneth !
C’est alors que son regard se pose comme par instinct vers le mur. Son regard se remplit d’horreur lorsqu’elle voit ce qui se trouve sur ce dernier. En lettres de sang est écrit sur le papier peint florale « Freddy est de retour mes Enfants ! »
— Oh la vache !
Sans perdre une minute, Hell court rejoindre Krystos, espérant qu’il ne se soit pas endormi. C’est avec soulagement qu’elle retrouve Krystos étendu sur la banquette, une Pakistanaise fumante dans la main droite, une vodka pomme dans l’autre. Quelque peu étonné par la respiration follement rythmée de sa bien-aimée et par sa mine réjouie, comme rassurée, Krystos lui demande :
— Que se passe t-il Sweety ?
— Je viens de trouver un cadavre, salement amoché. Meian a encore fait des siennes ! Sauf que la, je pense que ça nous est particulièrement destiné.
— Qu’est-ce qui te fait penser ça ?
— Son entité a clairement signé la scène de crime, nous appelant mes enfants. A notre grand regret, nous sommes les enfants de Meian, si je puis dire et cette entité n’est autre que…Freddy Krueger.
— Je vois ! Je crois qu’on n’a pas le choix. On va devoir affronter cette chose. Mais le problème c’est que nous ne pouvons l’approcher que dans nos rêves.
— Je ne vois pas où est le problème ? soupire Hell.
— C’est simple, souffle Krystos entre deux bouffées pakistanisées, dans nos songes, Freddy est invulnérable. Je me suis assez souvent tapé les films pour le sa… Mais, une minute ! Y’a une solution !
— Laquelle ?
— Le ramener dans notre réalité, pardi !… Mais ce n’est pas sans danger.
— Explique-toi !
— Eh bien, l’un de nous va devoir s’endormir et attendre qu’il se manifeste. L’autre surveillera. On se donnera un laps de temps, assez court car dans les rêves, la notion de temps est différente de la réalité. Une fois le laps de temps en question dépassé, il faudra réveiller celle qui dort en espérant que cette dernière a eu le temps de tenir Freddy entre ses mains pour le ramener dans notre réalité…Là où il est vulnérable ! Tu me suis ?
— Ça me parait logique ! Reste une question ?
— Laquelle Sweety ?
— Qui va se jeter dans la fosse aux lions ?
— La question ne se pose même pas. Avec cette pakistanaise, je me suis offert un aller retour au royaume des songes.
— Cette idée ne me plaît guère mais bon ! Je règle le timing sur dix minutes. Je pense que ça fera l’affaire.
— Oui, ça ira…En espérant qu’il ne me transperce pas le cœur avant que j’aie pu le ramener.
— Très drôle ! fait remarquer Hell de façon cinglante. Bon, ne perdons pas plus de temps. Allonge-toi confortablement. Je baisse la lumière. Je lance le chrono dès que tu auras fermé les yeux.
— Très bien.
La pakistanaise ne tarde pas à faire effet et quelques secondes plus tard, Krystos plonge dans le sommeil. Il ouvre soudain les yeux mais ne se trouve plus dans la cabine. Hell n’est plus à ses côtés. Au lieu de tout cela, le voilà désormais face à une étrange maison. Porte et fenêtres son barricadées par des planches de bois à moitié délabrées.
Il fait nuit et un vent glacial fait se mouvoir lamentablement les branches d’un arbre dégarnies de feuillages. Les ombres des branches jouent sur les murs de la demeure tels des bras armés de griffes.
Avec assurance, Krystos s’avance vers le porche de la maison où il peut lire près de la porte le numéro 1428. Krystos, tourne alors la tête côté rue où sur un panneau est écrit « Elm Street »
— Alors nous y sommes !
Sans plus attendre, Krystos arrache les quelques planches qui condamnaient la porte d’entrée. Il ouvre doucement la porte.
L’ambiance à l’intérieur de la maison est des plus glauque. Une chaleur suffocante règne en maître. Il se met à explorer le salon. Il ne lui faut pas longtemps pour remarquer que les objets aux alentours se mettent à fondre doucement, comme exposés à une chaleur intense.
— De plus en plus étrange, se met à penser Krystos.
Soudain, son regard est attiré vers un grand miroir accroché au fond de la pièce au-dessus d’un buffet de bois vermoulu. Ce qu’il y voit le laisse de marbre. Son propre reflet ! Comment peut-il voir son reflet dans un miroir. De par sa nature, c’est impossible. Doucement, il s’approche du miroir. Il lève une de ses mains, mais son reflet ne semble pas suivre la même voie.
— Bon, là je commence vraiment à flipper…
Krystos approche alors son visage du miroir, son reflet ayant un regard sadique à son encontre. C’est alors que ce même reflet lui décoche un sourire démoniaque à souhait. Krystos n’a même pas le temps de reculer, son propre reflet sort du miroir subitement en lui tenant fermement les bras. Sa propre image s’approche sournoisement de son visage et doucement lui susurre :
— Bonsoir moi-même !
Aussitôt, Krystos transmettant toute sa force dans ces bras, agrippe lui aussi fermement les bras de son double et avec violence, l’extrait complètement du miroir, le faisant basculer au-dessus de lui. Il se retourne brusquement pour faire face à son double mais celui-ci à disparu pour laisser place à Freddy Krueger lui-même.
— Ça t’éclate de te prendre pour moi ? T’as les neurones complètement cramés ! lance Krystos avec humour.
— Je ne pensais pas te voir aussi rapidement, mon enfant, répond alors Freddy d’une voix rocailleuse.
Sur ces mots, Freddy se jette sur Krystos, griffes en avant. Krystos esquive le coup de justesse et balance à Freddy un coup de pied violent dans la chute de ses reins en se retournant vers lui. Freddy ne tarde pas alors à se relever pour réitérer son attaque. Cette fois, au lieu d’esquiver l’attaque, Krystos laisse Freddy venir à lui mais avant que ce dernier n’ait le temps de planter ses griffes, Krystos attrape la main d’acier de Freddy et le force à se tourner dos à lui. Les deux bras de Freddy sont désormais maintenus fermement par Krystos qui lui chuchote à l’oreille :
— T’attaquer à un Vampire n’était pas une bonne idée ! Hell ?! Il serait temps de me réveiller !
Dans la cabine l’atmosphère est de plus en plus pesante. Les yeux fixés sur son téléphone Hell ne cesse de suivre les secondes qui défilent. Il reste 2 minutes avant la fin du chrono. Une certaine angoisse monte en Hell. Son corps est parcouru de frissons à l’idée qu’il pourrait arriver quelque chose à Krystos.
Hell est tellement obnubilée par le temps qu’elle ne se rend pas compte des mouvements incohérents de Krystos dans son sommeil… Jusqu’à ce qu’elle lève les yeux vers lui.
Les deux bras de son tendre amour semble croisés sur eux-mêmes, comme s’ils maintenaient quelque chose.
— Bon je crois que ça suffit, dit-elle. Tant pis si je ne respecte pas le chrono. Darling réveille toi ! Tout de suite !
Elle a beau le secouer, il refuse de se réveiller. C’est alors qu’une seule décision s’impose à son esprit. Avec amertume, elle lui balance deux claques puissantes en plein visage. Le résultat est immédiat. Krystos se réveille en sursaut.
— Hell !
— Oh Darling ! Je suis désolée. J’aurais du respecter le timing. Tu as échoué pour le ramener ici.
— Comment ça ? ! Mais c’est impossible. Je le tenais fermement pourtant.
— Ce n’est pas grave. Il nous reste un peu moins de deux heures avant d’arriver à San Fransisco. Allons boire un verre, on réessayera plus tard.
— Bonne idée !
Arrivés au wagon-restaurant, Hell et Krystos prennent place au bar. Le jeune barman, revenu de sa pause, s’adresse à eux, un léger rictus au bord des lèvres :
— Bonsoir messieurs dames. Je vous sers quelque chose ?
— Une coupe de champ’ s’il vous plaît, lui demande Babou.
— Pour moi se sera une Vodka triple, sans glace, demande Krystos à son tour avec une légère pointe d’amertume.
— Ça marche ! conclut le jeune barman.
Tandis que ce dernier s’affaire à la préparation des commandes, Hell en profite pour déposer un tendre et subtil baiser sur les lèvres de Krystos, puis avec douceur lui dit :
— Ce n’est pas si grave, mon amour. On réessayera plus tard. Rien n’est encore perdu.
— Oui, je sais…Seulement, l’échec me laisse toujours un goût âcre en bouche. Le goût du sang pourrissant. Mais j’ai confiance en toi. On finira bien par y arriver. Nous n’avons pas le choix !
Cette conversation n’échappe pas aux oreilles, un peu trop curieuses, du serveur qui sans gêne aucune leur adresse ces mots :
— C’est rare de voir un couple aussi unis face à l’adversité. Vous avez beaucoup de chance de vous être trouvés.
— Euh… merci, répond Hell.
Étrangement, l’ambiance change. La luminosité des lieux évolue subtilement. La température semble alors s’élever plus qu’elle ne le devrait. Quelque chose est en train de se passer, quelque chose de mauvais semble s’apprêter à perturber le déroulement des événements. Seulement Hell ne parvient pas à mettre le doigt dessus…Jusqu’à ce que le barman, qui leur tourne le dos, toujours occupé à préparer leur boisson, reprenne la parole :
— Enfin…J’ai dit « vous » avez. Je devrais plutôt dire « elle » a de la chance de vous avoir trouvé.
— Qu’insinuez-vous ? demande Krystos, dont la moutarde commence à lui monter sérieusement au nez.
— Je veux tout simplement dire que ce n’est pas parce que l’homme a soif d’amour qu’il doit se jeter sur la première gourde !
— Pardon ? ! disent en chœur Hell et Krystos, se levant subitement, les poings serrés, la rage montante.
Un détail, aussi gros que le nez au milieu de la figure, s’impose alors au regard des deux amants. En lieu et place de la main droite du serveur se trouve un gant de cuir marron, munis de cinq lames d’acier effilées qui font office de doigts.
Lorsque le barman se tourne enfin dans leur direction, c’est Freddy Krueger qui se présente à eux.
— Chewi ! Tu as réussi. Tu l’as ramené avec toi…
Aussitôt, les deux bras de Freddy s’allongeant sur plus de deux mètres pour les agripper par la gorge, empêchent Hell de finir sa phrase.
— Mes pauvres petites choses, il serait temps d’en finir. Vous auriez bien besoin d’une bonne nuit de sommeil en compagnie de tonton Freddy, grogne l’ignoble monstre, en terminant cette phrase par un éclat de rire tonitruant.
Hell et Krystos se débattent vivement. Mais l’étreinte de Freddy se resserre davantage. Hell sent avec angoisse les lames caresser son cou délicat. Puis elle se souvient, elle se souvient du couteau qu’elle cache derrière son dos. Ses mains étant libres, elle pourrait l’attraper sans problème à condition que l’attention de Freddy se porte ailleurs.
Par chance, Krystos a deviné le projet d’Hell, comme si elle lui avait transmis cette idée par la pensée. Il lui faut attirer l’attention du monstre. Avec difficulté, il parvient à s’adresser à Freddy en ces termes :
— Hey ! Sac à merde ! Je vais te faire regretter tes manières odieuses envers ma Sweety !
— Pauvre loque ! C’est toi qui seras le premier à rendre gorge. Mais auparavant, je vais prendre tout mon temps pour te mutiler de toutes les façons possibles, avant de finir par t’arracher le cœur ! vocifère Freddy, le regard brûlant de rage, appuyant celui fier de Krystos.
Ce petit interlude n’a duré que quelques secondes, quelques secondes suffisantes pour que Hell s’empare de son couteau. Elle s’adresse alors à Freddy, sur un ton assuré mais quelque peu étranglé par l’étreinte permanente de Freddy :
— Eh ! La chose ?
Freddy tourne aussitôt la tête vers Hell qui conclut en lui disant :
— Fini de rêver ! Enflure !
Quand Freddy s’aperçoit qu’Hell tient un couteau dans la main droite, il est déjà trop tard. Sèchement, elle sectionne la main pourvue de griffes qui lui enserrait la gorge quelques secondes plus tôt. S’en suit un hurlement mêlant rage et douleur, une douleur telle que Freddy relâche par la même occasion Krystos qui retombe lourdement sur le sol. Les bras de Freddy ont retrouvé leur taille normale et c’est avec horreur qu’il observe le sang visqueux, presque noir, gicler du moignon de son bras .
Hell et Krystos ayant repris l’avantage, se placet de part et d’autre de Freddy qui semble complètement dépassé par ce retournement de situation. Hell ramasse alors le gant aux lames d’acier qui repose sur le sol et dit à Krystos :
— A toi l’honneur !
Sur ces mots, elle balance le gant à Krystos. Freddy voit alors son arme fétiche lui passer au-dessus de la tête et lorsqu’il se tourne vers Krystos, ce dernier a déjà enfilé le gant. Sans attendre de réaction de la part de Freddy, Krystos enfonce avec vigueur les cinq lames d’acier dans sa gorge décharnée.
Les mots que voulait prononcer Freddy se transforment en un ignoble gargouillis de sang. Exerçant une pression vers le haut, Krystos achève le travail en arrachant littéralement la tête de Freddy. Celle-ci, en tombant, roule au sol jusqu’à être stoppée par un mur où le regard sans vie du monstre aurait pu lire sur une pancarte : « Défense de Fumer ».
Assise confortablement dans un rocking-chair recouvert d’un fin matelas de lin brodé, son corps svelte enveloppé dans l’écrin soyeux d’un kimono de soie bleu turquoise, lui-même brodé d’un dragon couleur de feu, semblant s’enrouler autour de son être tout entier, Corinne nourrit son esprit en buvant les paroles d’un livres d’Arnaud Desjardins « Les chemins de la Sagesse ». Le thé noir, fumant encore, apporte ses notes épicées vers ses narines qui s’en délectent. La Callas berce tendrement ses oreilles tandis que le feux doux de la cheminée caresse doucement sa peau de nacre. Soudain, sa sérénité est interrompue par des cris provenant d’une des chambres voisines.
— Tata Corinne ! Tata Corinne ! J’ai peur ! Viens vite…Tata Corinne !
Corinne se dit alors que la petite à encore du faire un cauchemar et décide d’aller voir. Plus vite elle se rendormira et plus vite elle pourra replonger dans cette plénitude où elle se sentait si bien.
En ouvrant la porte de la chambre, elle trouve la petite Laurine complètement apeurée, sa couverture lui arrivant presque à mi-visage. Doucement, elle s’assoit auprès d’elle et tout en lui caressant avec tendresse les cheveux, elle lui demande :
— Que se passe-t-il ma chérie ? Tu as encore fait un cauchemar ?
— Non Tata, dit Laurine entre deux sanglots, y’a un monstre dans ma chambre. Je l’ai vu près de mon lit ! Il avait des yeux rouges très brillant et de grandes dents pointues. J’ai peur…
— Voyons, ma puce, tu sais comme moi que les monstres n’existent …
Un coup violent, porté au crâne, éteint les derniers mots de Corinne qui sombre alors dans l’inconscience. Lorsqu’elle se réveille, un froid glacial a rempli la pièce. Le lit, couvertures en bataille, est vide. Seule une poupée de chiffon atteste de la présence passée d’une enfant.
La fenêtre est grande ouverte, le vent jouant lugubrement avec les rideaux. La lune, pleine et éclatante, éclaire de façon diffuse les larmes qui coulent sur les joues de Corinne, dont les seuls mots qui parviennent à s’échapper sont :
— Oh ! Laurine !
Main dans la main, Hell et Krystos, arpentent les ruelles bondées de monde du quartier de Chinatown à San Fransisco. Mini-jupe bleue, chemisier style marin, rehaussé d’un gros nœud rouge telle une écolière Japonaise, ses longs cheveux blonds coiffés à la Sailor Moon, Hell ne peut s’empêcher de remarquer le regard intrigué de Krystos. Celui-ci ne peut refouler son envie de lui demander :
— Tu étais vraiment obligé de te vêtir ainsi ?
— Phantom Blue est quelqu’un de très mystérieux mais aussi quelqu’un de très méfiant. Ne pénètre pas chez lui, qui veut ! J’ai cru comprendre qu’il avait un petit faible pour tout ce qui est nippon…En particulier la gente féminine. Je ne fais que mettre tous les avantages de notre côté afin de pouvoir entrer en contact avec lui sans heurt.
— Mouais! Si tu le dis, lâche Krystos, quelque peu jaloux.
Au fond d’une ruelle en cul de sac, Hell et Krystos approchent d’une vieille porte en bois, dépourvue de clinche. Étonné, Krystos demande :
— Tu es certaine qu’on est au bon endroit ?
— Évidemment ! Tu pensais le trouver dans un Hilton ?!
Krystos préfère s’abstenir de rétorquer sur cette remarque acerbe. Par trois coups, Hell frappe à la porte. Le judas de la porte ne tarde pas à s’ouvrir, dévoilant deux points lumineux, d’un bleu très intense. Vraisemblablement des yeux dont la nature est tout sauf humaine. Une voix sombre s’adresse à eux :
— Que voulez-vous ?
— Nous recherchons le Phantom Blue. J’ai entendu dire qu’il se trouvait ici. C’est très important. Nous avons besoin de son aide. Le monde court un grave danger.
Le personnage derrière le judas scrute Hell des pieds à la tête, sans prêter la moindre attention à Krystos. Le bleu de ses yeux s’intensifie de plus en plus, au fur et à mesure qu’ils parcourent le corps d’Hell. Ouvrant lentement la porte, il dit :
— Entrez !
Hell et Krystos pénètrent alors dans une pièce au mur de pierres taillées. Une table de bois massif trône en son milieu. Disséminées un peu partout, des bougies apportent une lumière tamisée. Toutes sortes de grimoires et de vieux livre en tout genre son disposés un peu partout dans la pièce. L’étrange personnage qui leur a ouvert la porte, se dévoile à leur regard. De taille moyenne, ses mains sont gantées et son corps vêtu d’une simple robe de bure à capuche. Sa manière d’avancer vers eux comme s’il flottait, perturbe fortement Hell et Krystos. Mais le plus étrange est son absence de visage. La seul chose que nos deux amants parviennent à discerner dans la noirceur de cette capuche relevée sont ces deux petits points bleus luminescents.
Le mystérieux personnage leur demande alors :
— Vous cherchez donc Phantom blue ?
— Oui ! C’est d’une importance capitale ! affirme Hell
— Ne cherchez plus ! Il est devant vous ! Je suis Phantom Blue.
Le sourire extatique d’Hell en dit long sur son soulagement. Mais la sonnerie d’un téléphone portable les interrompt soudainement. Fortement gêné, Krystos leur dit :
— C’est Laraider ! Je suis navré mais je dois l’appeler immédiatement ! Ça a l’air Grave.
L’appel dure en tout et pour tout à peine quelques minutes. Minutes pendant lesquelles Hell perd sérieusement patience. La mine décomposée de Krystos lorsqu’il raccroche enfin le téléphone, inquiète gravement Hell.
— Que se passe-t-il Darling ?
— C’était Laraider. Ils ont terrassé un clown tueur qui sévissait dans les égouts de Boston.
— Et alors ? Il me semble que c’est plutôt une bonne nouvelle ça, non ?
— Ce n’est pas tout !
— Quoi ?
— Il s’agit de la petite fille de Laraider. Laurine à été enlevée !
I Am Fucking Crazy...But I Am Free