par Phantom_Blue » 04 Sep 2009, 11:53
Épisode 22
Quand Claire et Séraphine arrivèrent sur le toit illuminé par un clair de lune féerique, Lara se tenait debout devant une jeune fille aux longs cheveux roux, vêtue d'une robe de voiles, qui chantait d'une voix très douce, assise sur un plot.
Sa voix dansait dans l'air comme une envolée de papillons multicolores. Enfin elle s'arrêta et regarda Lara en souriant.
— Mais qui es-tu ?
— C'est Laurine, dit Séraphine qui s'était avancée près de la mystérieuse jeune fille.
— Comment ça ? s'étonna Lara.
— Oui, expliqua Séraphine, c'est une magical girl. Ils en parlent dans les mangas. Quand la pleine lune est rousse, certaines filles ont le don de se transformer, elles grandissent.
— C'est vrai, confirma Laurine, je suis une magical girl.
— Et une magical girl a des pouvoirs magiques, précisa Séraphine, les couettes admiratives.
Laurine se souleva du sol sans effort et flotta dans l'air, tel un ange, avant de se poser avec grâce sur le toit.
— Et tu peux faire quoi d'autre ? demanda Lara fascinée.
— Deux trois petites choses qui pourront nous être utiles. Je vous aiderai à combattre le diable.
— Mais c'est la première fois que tu te transformes comme ça ? demanda Claire.
— Non, je me suis déjà transformée plusieurs fois avant. Dès que la lune est rousse je grandis, mais ma transformation ne dure pas, je reprends mon aspect normal, si je puis dire, quand la lune disparaît.
— Eh bien, souffla Lara, et comment ta mère vit ça ?
— Elle ne le sait pas, j'ai préféré garder le secret, elle est très émotive.
— Oui, mais tu ne crois pas que tu devras lui dire un jour ?
Laurine fixa Lara et répondit dans un sourire angélique :
— Oui, tu as raison, je pense qu'elle doit savoir.
Winston et Grégoire fixaient la télé, les yeux allumés. Sur l'écran, une belle diablesse en bikini caqueta :
— Et n'hésitez pas à appeler le 36 66 ou à taper jebrulepourtoi.com sur votre pc pour des rencontres enflammées de plaisirs interdits.
— Où est Corinne ? demanda Lara en la cherchant du regard.
Winston décolla ses yeux de l'écran et articula :
— Miss Corinne est aux toilettes. Vous avez retrouvé Laurine ? Mais qui est cette jeune fille ?
Lara leur expliqua en quelques mots.
— Fabulous ! Le monde de la magie existe ! s'exclama Grégoire, avant de siffler un verre de Johnnie Walker, imité par Winston.
— Et celui du diable aussi, précisa Lara.
Tout le monde était assis depuis dix minutes quand Corinne revint, les cheveux roses opiacés, les yeux d'une communiste Chinoise éblouie par le poster de Mao Tsé-Tung en string rouge.
— Vous avez retrouvé Laurine ? J'ai un peu cherché dans les couloirs. C'est qui, la fille rousse ?
Talée entre Grégoire et Winston sur le canapé, Corinne avala un verre de Johnnie Walker pour se remettre de ses émotions.
— Ben ça alors ! Ma louloute ! Mais tu as quel âge, là ?
— 18 ans, répondit Laurine, amusée par l'effet produit.
— Ben ça alors ! Ça doit faire bizarre de passer de 6 ans à 18 ans. Et on ne peut pas faire l'inverse ? J'aimerais bien avoir de nouveau 18 ans.
— Seule une magical girl a ce pouvoir, expliqua Laurine.
Corinne se versa un autre verre de Johnnie Walker et remplit les verres de Winston et Grégoire, avant de demander :
— Et comment on devient une magical girl ?
— Il faut être choisi par les fées pour ses vertus quand on est petite.
— Ah ben là c'est râpé, souffla Corinne, je crachais dans la bouillie pour embêter ma mère et à la maternelle je faisais des croches-pattes aux garçons.
Oui, pensa Lara, avec trois maris, il a dû y en avoir des croches-pattes.
22h sonna sur l'horloge dans le hall.
— J'ai trop hâte de flinguer des monstres tout gluants, s'excita Séraphine, les couettes excitées, en caressant son gun avec amour.
— Ouais, ben je m'en passerais bien, souffla Claire, l'intérieur de ses joues imprégnées par une descente de gas-oil.
— Quoiii ? s'écria Séraphine. Mais t'es folle ! Les monstres tout gluants, c'est ce qu'il y a de plus tripant, ça devrait être la raison de vivre de chacun !
Quand l'alarme résonna dans le salon.
Lara bondit sur ses rangeos, la natte en alerte.
— Le détecteur a détecté quelque chose d'inhabituel, je vais voir.
Pendant qu'elle filait dans le bureau, Séraphine brandit son gun, les couettes braquées comme des flèches d'arbalètes.
— Peu-être qu'ils attaquent déjà !
— Le premier qui abat dix monstres à la suite d'une balle entre les deux yeux gagne une bouteille de Johnnie Wlaker, lança Grégoire en levant son verre rempli de Johnnie Walker.
— Pari tenu, gicla Winston en levant le sien.
— Mais s'ils ont plusieurs yeux ? demanda Séraphine.
Lara revint, la natte détendue.
— Fausse alerte, c'était des rats qui copulaient. J'ai entré le schéma dans la liste, on ne sera plus dérangé pour ça. A mon avis, ça ne se passera pas avant minuit. Regardez la télé, peut-être que vous apprendrez d'autres choses. Claire, tu viens avec moi ?
La chasseuse de tombes et la tueuse de Racoon City quittèrent le salon pendant que Winston et Grégoire zappaient sur les chaînes de l'enfer. Corinne demandant à Laurine si elle ne connaissait pas un filtre pour rajeunir, et un autre pour attirer les beaux gosses.
Le comte Dracula redressa sa tête, les canines ensanglantées, sa longue chevelure de soie noire tombant sur ses épaules.
Le regard extasié, son cou de nacre tatoué par deux trous rouges, Amandine agita ses longs cheveux blonds bouclés, afficha un sourire de pur ravissement et soupira d'une voix pâmée :
— Ô mon doux prince, je serai ta servante pour l'éternité.
Le comte la toisa de haut et tourna les talons, sa longue cape fouettant l'air.
— Mon amour ! s'écria Amandine en tombant à genoux, des larmes ruisselant sur ses joues purpurines. Mais je t'aime !
Les yeux fixés sur l'écran, retenant avec peine ses pleurs, du pop corn scroutchant sous les dents, Séraphine murmura :
— Snif, que c'est beau !
— Tu parles, crachota Corinne, les mecs sont tous pareils. Dès qu'ils ont obtenu ce qu'ils veulent, ils se barrent.
— Cela me rappelle une prêtresse Hindoue d'une beauté sans pareille, raconta Winston, un verre de Johnnie Walker prêt à dévaler dans son gosier. Elle était folle de moi mais je devais partir, mon régiment quittait les Indes…
Sous la nuit étoilée, en pleine campagne, pas loin du manoir, les quatre phares d'un van noir blindé projetaient un flot de lumière blanche sur la route.
Au volant, Sophie Clift mâchait un paquet de chewing-gum Hollywood Fraîcheur de Vivre à la chlorophylle sauvage, son imposante chevelure relevée en chignon, assortie de plusieurs nattes indiennes tressées avec art. Un corsage en cuir joliment décolleté avec goût mettait en valeur sa poitrine généreuse. Des serres-poignets cloutés enserraient de façon gothique ses poignets musclés prolongés par des doigts aux phalanges délicieusement dodues, parées de bagues aux motifs tribaux.
A ses côtés, Ramona Jafon, blonde pulpeuse de magazines de mode, épanouie dans une mini robe de contes de fées en tulle, des rangeos légers à talons aiguilles aux pieds, jeta un œil attentif dans la petite glace retro éclairée de son poudrier pour vérifier l'alignement de ses faux cils.
— Mais tu es sûre qu'il sera là ?
— Puisque je te le dis, répliqua Sophie, les dents fortement mentholées, ma boule de cristal ne me trompe jamais. C'est cette nuit que les portes de l'enfer seront ouvertes, dans le manoir de lady Croft. Et je compte bien m'offrir un trip démesuré.
A l'arrière du van s'entassait un véritable arsenal, allant du lance-roquettes à la Kalachnikov, en passant par une mitrailleuse Gatling à six canons rotatifs et des caisses de munitions.
Les grilles du manoir furent bientôt en vue.
Sophie appuya sur la pédale de l'accélérateur. Les six roues motrices du van rugirent. Les pare-chocs blindés éclatèrent les grilles, qui valdinguèrent dans l'allée dans un bruit de fer forgé valdinguant.
Elle stoppa le van devant l'entrée du manoir, alors qu'une lumière s'allumait au premier étage.
Deux minutes plus tard, la porte d'entrée s'ouvrit et un vieux lord en chemise de nuit lança d'une voix stupéfaite :
— Mais enfin, c'est quoi tout ce raffut ? Qui êtes-vous ?
Sophie lui présenta sa carte et articula d'une voix Hollywoodienne, en mâchant ses gums à l'américaine :
— Agence anti-monstres Jafon & Clift, on est venu épauler Lara Croft contre la grande invasion !
— Mais de quelle invasion parlez-vous ? Et puis ce n'est pas le manoir de lady Croft ici ! Vous vous êtes trompée, il est plus loin, à trois kilomètres !
— Oups ! fit Sophie, un rien gênée. Excusez-nous, votre majesté, une petite erreur ! Pardon de vous avoir dérangé ! Il n'y a pas de lézard ! Bonne nuit !
Sophie remonta dans son van, suivie par Ramona qui se retenait de rire.
— Ben quoi ? dit-elle en redémarrant. Tout le monde peut se tromper, non ? Ici tous les manoirs se ressemblent !
Ramona s'abstint de tous commentaires et jeta un œil sur ses ongles vernis rose pailleté.
Juché sur une branche à cinq mètres au-dessus du sol dans un champ près du manoir de Lara Croft, les jambes pendues dans le vide, vêtu d'un smoking spécial action sur le terrain, Agent Falkan abaissa ses jumelles et regarda sa montre.
— 21h45. Pourtant l'invasion doit se passer à minuit, si les infos sont bonnes. Et cette fille qui volait dans l'air sur le toit, ce serait peut-être un signe, mais de quoi ? Apparemment rien ne bouge dans le secteur.
Assis sur la branche en dessous, SamFox en tenue de baroudeur de la jungle, un feutre à la Indiana Jones vissé sur le ciboulot, un long couteau de chasse attaché à la ceinture, suçait une Chupa Chups à la framboise.
— Si tu veux mon avis, on devrait balancer une bombe atomique sur le manoir pour régler le problème.
— Si ça ne tenait qu'à moi, j'aurais déjà tout fait sauter, tu peux me croire. Je hais toutes ces bestioles surnaturelles.
— Ça va, Fanfan, ne te torture pas avec cette histoire, ta femme s'est barrée avec un poltergeist, OK, mais tourne la page.
Agent Falkan baissa ses yeux aux prunelles d'acier vers son équipier du BIP (Brigade d'Intervention Paranormale).
— Déjà arrête de m'appeler Fanfan. Je ne suis pas dans un cartoon de Disney. Je suis un agent des forces spéciales para gouvernementales, le meilleur de sa génération. Et puis si cette morue avait envie de se taper un ectoplasme, j'en ai rien à foutre.
Il recolla les jumelles sur ses yeux.
— Excuse, je voulais pas remuer des souvenirs pénibles.
— Ce qui est pénible, ce sont les femmes. Elles s'imaginent toujours qu'on va leur offrir la lune.
— Tu oublies les bagues en diamants, et les robots électroménagers, et les week-ends au bord de la mer, et les vêtements hors de prix qui les font baver d'envie, et…
Agent Falkan secoua sa tête. Décidément, le plus pénible dans tout ça, c'était de supporter un équipier. Il préférait agir en solo, mais Tom Wrangler le boss du BIP avait été catégorique. Il n'était pas question de prendre des risques avec cette affaire. Un commando était prêt à intervenir. Il en allait peut-être de la survie du monde.
Soudain un mouvement dans le coin de son œil gauche exercé à capter tous les mouvements les plus infimes attira son attention.
Il tourna vers la route menant au manoir sa tête d'agent secret valant 500 millions de dollars pour ses capacités intellectuelles hors normes, le reste de son corps valant 3 milliards pour ses capacités physiques surhumaines, et braqua ses jumelles.
— C'est qui, ce mec avec son clebs ?
Un bandana autour du front, des cheveux à la Paul McCartney dans "She loves you", total jean délavé avec des franges aux ourlets, un petit sac à dos tagué avec le symbole hippie, Manu avançait vers le manoir d'une basket nonchalante mais décidée.
Trottinant à côté de lui, Foufou, une sorte de gros caniche bouclé au poil grisailleux, la truffe noire et luisante, un œil à moitié fermé, l'autre ouvert, articula de ses mâchoires canines :
— Ce manoir ne m'inspire pas confiance, je sens des ondes négatives.
— Shalom shilom, chantonna Manu, cool petit toutou anxieux, seul le mental troublé engendre la réalité trouble.
Foufou lâcha une caisse dont le souffle poivré agita les bouclettes de son popotin dodu.