par Phantom_Blue » 11 Juin 2009, 08:44
Épisode 1
Winston hocha la tête. Loucha Lara en petite culotte et soutif Lise Charmel qui fouillait dans son placard et jetait par-dessus elle toutes sortes de vêtements en s'énervant de la voix :
— Nooon ! Pas ça ! Trop ringard !… Pas ça non plus !… Dépassé !… Surtout pas ça ! Quelle horreur ! Comment j'ai pu acheter une chose pareille !…
Au fur et à mesure, Winston ramassait les jupes, les robes et les chemisiers et les entassait sur le lit à baldaquin.
Il serait quitte pour téléphoner à la Croix Rouge, qui passerait prendre les affaires. Quand Lara jette un vêtement, ce n'est plus pour le remettre.
Elle émergea du placard, les lolos chahutant dans le soutif, sa longue natte fouettant l'air, les poings serrés, un rictus de meurtre sur ses lèvres nacrées d'un rose printemps de Burberry.
— Winstoooon, j'ai plus rien à me mettre !
— Mais lady Croft, si je puis me permettre, par exemple, cet ensemble…
Il avait présenté un tailleur rouge en soie de Chine sorti du tas de vêtements empilés sur le lit.
— Winstoooon ! Vous n'avez aucun goût artistique pour la mode ! Je l'ai porté une fois à une soirée de la Reine, même que le prince Charles me reluquait avec des yeux de vautour. Mais je suis actuellement dans une période lolita. Je veux du jeune, du frais, pas des vieilleries pour mémés !
— Mais lady Croft…
— Et arrêtez de m'appeler lady Croft, ça me donne dix ans de plus !
Winston hocha une nouvelle fois la tête, pendant que Lara enfilait ses bottes à talons hauts, assise dans un fauteuil.
Elle se redressa, bomba les lolos, la natte claquant comme un fouet, et envoya de sa voix d'aventurière :
— Je vais me resaper à Londres !
Winston la suivit dans les escaliers. Il la vit sauter par-dessus la rambarde. Atterrir en bas sur le carrelage dans un bruit de semelles qui percutent un carrelage.
Elle s'empara de clés de voiture sur le présentoir à l'entrée et fonça dehors. Elle était toujours en petite culotte et soutif.
Winston se pressa, au risque de dévaler l'escalier, adopta un petit pas de course, pria le ciel pour arriver à temps, prit un imperméable pendu dans le couloir. Et déboula dans l'allée du manoir.
Lara venait de sauter dans sa Lotus Seven décapotable. Elle démarra en trombe.
— Miss Crooooft ! cria Winston en brandissant l'imperméable.
Mais la Lotus franchit les grilles ouvertes, les pneus scroutchant sur le gravier et disparut au bout du chemin.
Mister Bean roulait au volant de sa Mini Austin verte sur l'autoroute, quand il vit la Lotus, avec Lara au volant, le doubler dans un souffle d'air. Il écarquilla les yeux. Il ne fut pas le seul. Un chauffeur d'un semi-remorque Kaiser benne reçut un choc visuel et se cramponna au volant.
Lord Brett Sinclair se versait un verre de Old Scotsch confortablement assis à l'arrière de sa Bentley, quand une fille avec une longue natte en soutif au volant d'une Lotus décapotable, passa dans son champ de vision.
Il resta quelques secondes figé, sursauta, car le scotch débordait de son verre, replaça la bouteille en position verticale et articula d'une voix aristocratique :
— Max, suivez cette Lotus !
— Bien my Lord, chanta le chauffeur en appuyant avec velouté sur la pédale d'accélération.
Le carambolage eut lieu trois kilomètre avant la bretelle de sortie allant à Londres.
Un cab se déporta sur la droite, surpris par la Lotus et surtout par son étonnante conductrice.
La Bentley, qui arrivait derrière, freina brusquement. Le semi-remorque, qui suivait la Bentley, dérapa contre la glissière de sécurité.
Vingt mètres avant la dizaine de voitures dont un cab, une Bentley et un semi-remorque plus ou moins encastrés au milieu de l'autoroute, mister Bean stoppa sa mini Austin, ouvrit la portière, se campa dehors, et se gratta la tête, une main sur les hanches, une grimace sur les dents, devant cet amas de tôles froissées et de conducteurs s'aboyant des injures.
— Oh my God ! s'exclama miss Fleetwood, la directrice de "Royal Candy Shop", en voyant Lara surgir d'une botte décidée.
La belle aventurière fila direct vers les rayons et chahuta tous les cintres, en sortant certains pour scanner d'un œil critique une jupe ou un pantalon.
Enfin elle se décida pour une minijupe plissée au motif écossais jaune, qu'elle enfila devant deux clientes interloquées.
— Lady Croft, caqueta miss Fleetwood, nous avons des cabines…
Quand un rideau s'ouvrit et Séraphine Natla émergea dans un futal pirate en sky turquoise moulant.
— Laraaaa ! qu'elle s'écria. Quoi que tu fous en soutif ?
— Ben tu vois bien, je me resape.
— Claiiiire ! cria Séraphine,. Y'a Laraaa !
Un autre rideau s'ouvrit et Claire Redfield apparut en shorty rose à paillettes.
Lara la toisa du regard.
— Tu donnes dans le kitsch maintenant ?
— Ben quoi ? répliqua Claire en tournant ses fesses roses vers la glace. J'opte pour les couleurs de la joie de vivre. J'en ai marre des shortys lugubres. Je tue plus les zombies, je les cajole.
— Moi, chanta Séraphine en prenant une pose de top model, depuis que j'ai vu Johnny Deep dans Pirates des Caraïbes, j'opte pour l'aventure vers les îles lointaines du sud, avec un beau pirate musclé et bronzé.
Les deux filles regardèrent Lara dans sa minijupe d'écolière.
— Dis, osa Claire, tu crois pas que ça fait un peu trop gamine ?
— Bon sang arrêtez un peu ! crachota Lara. Déjà Winston qui veut me fringuer comme une vieille !
— Oula ! souffla Claire. Je crois que tu nous fais un petit complexe sur l'âge.
— Ouais, je crois aussi, confirma Séraphine.
Lara éclata soudain en sanglots.
— J'veux être comme les lolitas dans les mangas… ouuuuiiiinnnn… avec des petites culottes à fleurs et des couettes, et pas cette natte, d'ailleurs je vais la faire couper…
Le cri d'horreur de Séraphine fit sursauter miss Fleetwoods, qui faillit perdre ses lunettes Dior à écailles plaquées or.
— T'es fooolle ! Pas ta natte légendaire !
Attablée sur un tabouret au comptoir du "Sticky Finger", Lara sirota son troisième Blood Mary, croqua dans un bretzel, gargouilla en agitant ses couettes nouées par des rubans roses :
— J'en avais marre d'incarner toujours la femme super forte qui n'a peur de rien et flingue tout ce qui bouge, je suis aussi une fille avec des émotions, après tout, nan ?
Assise sur le tabouret à sa droite, Claire avala sa Vodka orange et gloussa :
— Ben pour être une fille, maintenant tu peux pas te louper. Plus fille tu peux pas ! Et le tee-shirt avec Pikachu dessus… Wouarf !
— Ouais, chanta Séraphine, assise à gauche de Lara, j'aurais jamais cru que tu coupes ta natte. Snif !
Elle revoyait la séance chez le coiffeur. "Ça fait rien", pensa-t-elle, "je la revendrai sur eBay".
— Ça va, arrêtez de pleurnicher, souffla Lara, je veux être une fille fragile et candide. Terminé les guns ! Je me lance dans la broderie !
— Wouarf ! rigola Séraphine. Ben je suis curieuse de voir ça.
— Moi aussi, entonna Claire, avant de commander une autre tournée.
Un vieux baroudeur en tee-shirt avec Johnny Halliday dessus se pointa derrière et Lara, une queue de billard dans les doigts, et envoya d'une voix parfumée à la mousse de Guinness :
— Hé, la gamine avec les couettes, on se fait une partie ?
Lara tourna une moitié de visage vers lui et envoya :
— Dégage ! Tu vois pas que je cause avec mes copines ?
— Dis, tu pourrais me causer poliment quand j'te cause moi !
Lara bondit de son tabouret et lui décocha un coup de boule. Il valdingua en arrière contre une table inoccupée.
— Ben c'est ça, ton plan fille fragile ? rigola Claire.
— En plus il t'avait appelée gamine, précisa Séraphine, ça devrait te plaire.
— Oups ! souffla Lara, soudain horriblement gênée. C'est vrai ! J'avais pas fait gaffe ! C'est mes anciens réflexes qui ont repris le dessus.
Elle se précipita pour l'aider à se relever en s'excusant.
— Ben dis donc, qu'il gargouilla, toi quand tu causes tu causes.
Winston ouvrit un œil et dressa une oreille. Les klaxons venaient de dehors. Il alluma la lampe de chevet. Son réveil affichait 1h45.
Il se leva, enfila ses pantoufles, alluma les lumières du couloir et du hall, et descendit en bas.
C'est une Lara en état d'ébriété avancée et hilare qui tomba presque dans ses bras, les couettes chahutantes.
— Winston, qu'elle lui souffla en plein visage, vous êtes un vieux bouc mais je vous aime quand même bien… Hips…
Winston réprima une grimace de dégoût devant l'haleine tellement chargée que des larmes lui montèrent aux yeux.
— Vous z'auriez pas un truc à boire, j'ai terriblement soif !… Hips… Vous trouvez pas qu'il fait chaud ?… Hips…
Winston l'empoigna par le bras et l'entraîna à l'intérieur, vers la cuisine.
— Oui, Winston… Hips… on va trinquer à deux…
Lara ne réalisa pas tout de suite quand Winston la poussa dans le frigo.
— Je crois que ça va vous rafraîchir, lady Croft, lança-t-il d'une voix de majordome stylé, en insistant sur le Croft. Rassurez-vous, le froid conserve la jeunesse ! Le vieux bouc vous souhaite une bonne nuit !
Et il claqua la porte.
Il remonta se coucher, ignorant les cris de Lara qui finirent par s'estomper quand il referma la porte de sa chambre.