par Babou » 16 Jan 2009, 06:56
Morgane, mon personnage principal est davantage connu sous le pseudo de laracroftfan mais comme j'adore son prénom, je l'ai utilisé.
Morgane émergea de son lit, les yeux encore embués de sommeil. Elle loucha la pendule murale de sa cuisine qui égrenait ses tic-tac au fil du temps. La pendule était de style ancien avec des chiffres romains. Les aiguilles ciselées indiquaient 8h27. Elle fit chauffer son lait qu’elle versa dans un mug géant, décoré naïvement avec des cœurs rouge et or. Elle y laissa choir un morceau de sucre roux, le regarda sombrer comme un petit navire en perdition. Une croûte fondante et mordorée s'était formée à la surface. Elle adorait manger cette peau tendre et moelleuse qu'elle récoltait du bout des doigts se léchant. A côté, un mug identique rempli de café noir trônait sur un carré de nappe fraichement repassé. A travers les vitres de sa fenêtre, elle regardait l’hiver s’installer doucement. Les dernières feuilles des arbres se détachaient et tourbillonnaient en valse lente jusqu’au sol.
Elle plaquait ses mains sur son mug brûlant pour se réchauffer. Elle avala une grande gorgée de lait chaud. Une larme lactescente perla sur la commissure de ses lèvres animées par une mou d’enfant, roses et lisses, avant de glisser le long de son menton et de son cou. D'un revers de manche machinal, elle essuya la coulée blanche, le regard perdu dans le décor givré. De minuscules stalactites scintillantes, accrochées aux branches des arbres, fondaient sous la caresse du soleil naissant. Puis elle avala une gorgée de café noir bouillant. Elle avait lu dans un magazine féminin que le mélange lait-café était très mauvais pour l’estomac, voilà pourquoi elle les ingérait séparément. Ses cheveux qu’elle avait mi-longs, de couleur noire et sauvages fouettaient doucement un visage au teint miel acacia où une « mouche » était joliment posée sur l’arête délicate de son petit nez.
Le dring de la porte retentit, interrompant brusquement ses rêveries. Qui pouvait bien lui rendre visite un dimanche matin ? Si tôt. Elle se leva et se dirigea à pas feutrés vers la porte.
— Qui est là ? articula-t-elle par deux fois.
Aucune réponse. Elle colla son œil gauche sur le judas. Dans le cercle ovale, elle ne vit que la tapisserie du couloir danser sur le mur d’en face. Intriguée néanmoins, elle s’enhardit à ouvrir la porte en vérifiant que la chaîne de sécurité était bien en place. Par l’entrebâillement de la porte, sur son paillasson beige clair où le mot « bienvenue » était peint en rouge, elle aperçut un paquet posé dessus. L’emballage, grossièrement réalisé, était en papier kraft. Elle libéra la chaîne et courageusement s’empara du paquet. Elle le soupesa, évaluant le poids autour de 200 gr. Puis elle sourcilla. Deux petites barres se dessinèrent entre ses sourcils harmonieusement crayonnés. En examinant le paquet de plus près, elle constata qu’il n’y avait aucune étiquette, aucune adresse. Rien permettant d’identifier un quelconque expéditeur. Avant de se questionner sur l’étrangeté des faits, à savoir qui avait déposé ce paquet et pourquoi, sa curiosité parallèlement grandissait. Refoulant sur le moment les réponses à ses questions, elle ouvrit fébrilement le paquet en glissant son index sous, et le long de la fermeture scotchée.
Ses grands yeux noisettes s'écarquillèrent d’étonnement quand elle extirpa du paquet ce qui ressemblait fortement à une cassette vidéo. Elle resta encore plus interdite lorsqu’elle lu, au moyen de lettres découpées dans différentes coupures de presse, ce titre : « Mort sur ordonnance ».
Elle releva machinalement une mèche de cheveux qui tombait sur son front, rebelle, attrapa son mug par l’anse et avala une gorgée de lait chaud. Tenant d’une main son mug et de l’autre la cassette, elle encastra cette dernière dans la fente de l’appareil. Alluma la télé. Puis, toujours debout, appuya sur la touche lecture de sa télécommande. Ses yeux étaient grands ouverts.
Des zigzags zigzaguaient sur l’écran en émettant des petits crissements. La qualité de l’enregistrement était véritablement mauvaise. Un bruit de fond gênait partiellement l'audibilité. Puis les zigzags s’estompèrent faisant place à un semblant d’image. Une silhouette masculine courait péniblement sur l’écran. Une clairière entourée d’arbres déshabillés avec des branches tentaculaires servait lugubrement de décor. Morgane distinguait mal l’individu car il courait loin derrière le rectangle-fenêtre de sa télé. Vraisemblablement l’homme tentait d’échapper à quelque chose ou à quelqu’un. Il trébucha soudain, se releva, repris sa course folle. A ce moment là , un autre homme apparut dans le champ visuel de l’écran. Il courait lui aussi. C’est alors que Morgane constata, non sans un frisson parcourant son corps, que le poursuivant avait une arme dans sa main. Vais-je assister à un meurtre en direct ? pensa-t-elle tout haut. Et qui sont ces hommes ? Les questions maintenant affluèrent en se bousculant au portillon de son cerveau.
Bien que les deux hommes se rapprochaient de l’écran, ils n’étaient toujours pas identifiables. Cependant la distance entre le poursuivant et le poursuivi s’amenuisait dangereusement. D’un seul coup tout alla très vite. Une détonation retentit dans un clac sonore. L’homme pourchassé s’arc-bouta laissant échapper un cri sourd. Une deuxième déto se profila en écho. L’homme tomba au ralenti, faisant valser sous son corps mou un tapis de feuilles automnales. Son dos était perforé par deux trous rouges. Dans un dernier sursaut de vie, il tourna son visage agonisant dans le zoom de la caméra. La violence de l’image percuta Morgane de plein fouet. Le regard halluciné, elle lâcha le mug qui éclata sur le carrelage jaune et bleu, libérant des milliers de particules lactescentes.
Les larmes aux poings, elle jeta un MERDE qui résonna mortellement dans la pièce. Elle ne pouvait détacher ses yeux de ce visage au regard désormais éteint. Ce visage qui mangeait tout entier l’écran noir de sa télé, et où deux yeux vides la fixaient.
Ce visage qui n’était autre que celui de son ami …… James Falkan.
La parole se fait spontanément rythme dès que l'homme est ému, rendu à lui-même, à son authenticité. Oui, la parole se fait poème. (Léopold Ségar Senghor)