par Phantom_Blue » 15 Juil 2008, 15:56
Chronique 8
Stupeur et frayeur en découvrant dans Secret Story un top model masculin qui me ressemble étrangement. L’organisation para-gouvernementale aurait-elle réussi un clonage de ma personne, et livrerait-elle le résultat de cette expérience à une meute de femelles concupiscentes assoiffées de plaisirs charnels, dans le seul but de tester mes réactions par l’intermédiaire d’un artefact, en vue de mieux me cerner ? Je suis tenté de le croire, bien que le top model en question dont je tairai le nom pour les raisons que l’on comprendra, n’arrive pas vraiment à m’égaler au niveau physique. Il s’agirait donc d’une tentative de clonage approximatif, ce qui me rassure quelque peu, l’original, à savoir moi, ne pouvant en aucune façon être dupliqué. Une chose semble certaine : l’organisation para-gouvernementale a établi un portrait robot. Je dois me transformer et je lance aussitôt l’opération relooking. Oui, mais quel look choisir ? Titeuf, avec sa mèche blonde ? Je disposerais ainsi d’une antenne émettrice-réceptrice sur le ciboulot. Mais le côté demi Brice de Nice de cour de récré ne m’enchante guère. En Panthère rose alors, avec des rouleaux de PQ rose ? Mais le résultat pencherait plutôt vers Ramses travelo en momie, ce qui me donnerait un genre dans le quartier. Je pense à Bob l’éponge, mais trop dangereux par temps de pluie, mon épiderme spongieux risquant de doubler, tripler, voire quadrupler de volume. Peut-être en Surfer d’Argent à roulettes avec un skateboard, le corps recouvert de feuilles d’alu de tablettes de chocolat Poulain (vous noterez que suivant l’usage, on utilise une marque de chocolat précise). Mais mon sens de l’équilibre sur ses engins mobiles laisse à désirer. Un instant je songe à Brad Pitt, mais je ne suis pas assez moche, il faudrait me défigurer avec une atrocité sans nom, renonçant ainsi à incarner l’idéal masculin dont rêvent toutes les femmes. Je vais me retrouver dans une impasse intellectuelle, prisonnier dans le Cube truffé de pièges d’une situation sans issue, quand l’idée qui résoudra le problème jaillit enfin dans mon esprit. Je me recouche, déguisé en lit.
Chronique 9
Ça y est ! L’organisation para-gouvernementale lance la grande attaque. Des centaines d’hommes en uniformes et armés avancent en rangs serrés sur les Champs-Élysées. Paris est placé sous l’occupation des forces militaires. De nouvelles lois vont être décrétées. Le temps de la grossesse sera ramené de 9 à 5 mois. Les retraités devront claquer à 50 ans. Les jeunes qui n’ont pas le BAC à 14 ans feront une formation obligatoire comme agent de sécurité de la force publique. Interdiction de pisser plus d’une fois par jour, sous peine de sanction grave.
Quand on sonne à la porte d’entrée. Sur la pointe des ongles des orteils, je file jeter un coup d’œil dans l’œilleton. A première vue, c’est un romanichel qui doit faire certainement du porte à porte pour vendre je ne sais quel produit de contrebande. Je vais renoncer à ouvrir, mais l’idée qu’il peut avoir des télécommandes traverse mon esprit. Sur mes gardes, je fixe la chaînette de sécurité et entrebâille la porte de 10 cm, la chaînette ne me permettant pas une ouverture plus grande.
Et je reconnais le lieutenant Frank Columbo de la police criminelle de Los Angeles, dans son imperméable râpé aux ourlets des manches, qui me lorgne avec son œil narquois, un sourire de vieille poule de bar sur les mandibules. Il articule d’une voix presque joviale :
— Vous n’auriez pas vu ma femme ?
Etonné, je vais répondre, quand un frôlement me frôle les jambes. Et je vois un Basset Hound qui vient de se faufiler dans l’ouverture étroite, par je ne sais quel prodige de minceur, vu la rondeur généreuse de sa bedaine. Il porte des lunettes de soleil sur le museau et commence à renifler dans tous les sens.
Je me précipite pour le saisir au collier, et le temps que je le suive dans le salon, où il a décidé de renifler, tournant comme par hasard autour du poste de télévision allumée, et de le ramener sans qu’il oppose aucune résistance spéciale, le lieutenant Columbo campe dans le couloir, le porte d’entrée grande ouverte. J’aurais dû me douter qu’un inspecteur de sa trempe parviendrait avec une facilité Houdinesque à défaire la chaînette de sécurité. Il jacasse alors d’une voix enjouée ponctuée de sourires :
— Car voyez-vous, ma femme est partie ce matin à son cours de yoga en me laissant un mot sur le frigo pour me dire qu’elle ne rentrerait pas à midi, parce qu’elle prend des cours de yoga tous les lundis matins et tous les jeudis après-midi, vous savez avec les positions du corps invraisemblables à se demande comment ils font, parce que ma femme est très souple, contrairement à moi qui suit plutôt raide, personnellement je ne vois pas quel avantage il y a à mettre ses jambes derrière sa tête, attention, je n’ai rien contre le yoga, il peut apporter une grande relaxation, mais moi je préfère plutôt le billard… blablabla…
Je lâche le collier du chien qui retourne renifler dans tous les sens. Ferme la porte tandis que le lieutenant Columbo pénètre dans le salon. Et à peine l’ai-je rejoint, que dans un geste à la Mandrake il se débarrasse de son imperméable râpé, retire en deux secondes un masque au silicone, et je me retrouve face à une jeune fille asiatique aux cheveux blonds courts agrémentés de mèches rouges et en combinaison sky moulante noire qui moule un corps d’une grâce et d’une finesse extrêmes. Ses yeux sont d’un vert émeraude cristallin. La tirette éclair abaissée sur le devant dessine un décolleté qui laisse entrevoir le début de deux lolos pulpeux.
— Je suis Angie Cyclone, lance-t-elle en braquant sur moi un gun à plasma modèle Star Treck dans Flash Gordon contre Barbarella (oui, c’est un mélange des trois).
Tandis que le Basset Hound pirouette sur le tapis, et dans un geste de la patte retire sa peau synthétique de Basset Hound, pour laisser apparaître un Chiwawa à l’allure belliqueuse et au dentier grognant.
— Et moi je suis Casper, son fidèle compagnon, aboie le Chiwuawa.
L’organisation para-gouvernementale a dû envoyer un agent féminin déguisé en lieutenant Columbo et un agent canin déguisé en Basset Hound du lieutenant Columbo. Mais je change vite d’avis quand Angie Cyclone m’envoie :
— Ça fait un moment que je vous suis, je vous soupçonne de faire partie de l’agence para-gouvernementale.
Là une intense surprise d’étonnement surpris envahit les muscles de mon visage. Comment a-t-elle fait pour me suivre sans que je m’en aperçoive ? Elle a dû deviner la question car elle me répond :
— Une fois j’étais même déguisée en poisson surgelé dans un rayon de la Maxi Coop où vous faites vos courses, en espérant que vous me prendriez, mais vous ne mangez apparemment pas de poisson, et à cause de ça j’ai eu un rhume pendant trois jours.
L’idée que son petit nez fripon rougeoie sous les éternuements me ravit et un sourire involontaire s’affiche sur ma bouche, ce qui énerve le Chiwawa, qui se met à grogner avec férocité en fixant mes doigts de pieds nus dans mes tongs (détail que je révèle seulement maintenant, pour agrémenter le suspense).
Je précise que je mange de temps à autre du thon en boite et non surgelé, et que je n’en ai plus mangé depuis trois semaines. Donc elle me suivait et épiait le moindre de mes faits et gestes que depuis trois semaines, sinon elle l’aurait su, et se serait déguisée en boite de thon. Ma déduction Sherlock Holmesque m’apporte une grande satisfaction intellectuelle narcissique neuronale. Mais revenons à la situation présente.
— Vous faites erreur, que je réplique, hypnotisé par son décolleté, au contraire je lutte contre l’organisation para-gouvernementale.
— Il ment, aboie Casper, il essaye d’embrouiller les pistes. Descends-le ! Ça en fera un de moins !
Saleté de clébard !
Plusieurs secondes intenses de silence et de réflexion traversent la jolie tête aux yeux bridés d’Angie Cyclone, et le petit ciboulot étroit et poilu de Casper.
— Pour l’instant je vous épargne, dit-elle, mais je continuerai à vous suivre, et je verrai si vous êtes ou non un espion de l’organisation para-gouvernementale. Nous nous reverrons.
Et elle file sur le balcon attenant au salon, enjambe la balustrade, et se jette du premier étage dans le vide, ses bras minces et gracieux déployant une cape sur ses jolies fesses rebondies. Casper l’imite, avec une petite cape déployée sur son popotin agressif de Chiwawa. Et je les vois s’éloigner en planant au-dessus des toits.
Mille et une questions tournoient au-dessus de moi comme une meute de vautours affamés. Pourquoi s’est-elle révélée à moi si elle n’est pas sûre ? Au contraire, elle aurait dû continuer à me suivre en secret ! Elle sait très bien que maintenant je vais être doublement vigilant et la guetter dans tous les coins ! Mais peut-être est-ce cela qu’elle cherche ? Comme une sorte de jeu étrange et perfide ! En tout cas, elle lutte aussi contre l’organisation para-gouvernementale ! Notre combat est le même et un doux sentiment réchauffe mon cœur !
Je récupère l’imperméable râpé pour en faire des serpillières. Il n’y a pas de petits profits.
Sur l’écran du poste de télévision, le président de la république parle avec enthousiasme des règles fondamentales de la démocratie, à savoir la liberté, l’égalité et la fraternité.
Encore une fois constatant la non-concordance de cette réalité avec la logique la plus élémentaire, je me recouche, en espérant revoir Angie Cyclone et en apprendre plus, aussi pour son délicieux décolleté.