par Corinne » 02 Déc 2007, 17:11
CHAGRIN D’AMOUR
Hier, j’ai relu avec nostalgie notre correspondance.
J’avais gardé quelques lettres, des cartes postales, des photos…
La preuve que le chagrin s’efface, c’est que ça ne m’a pas fendu le cœur de retourner sur ses traces.
Le temps passe, me direz vous.
Oui, le temps file, « hémophile », et avec lui, emporte les turpitudes, les affres, les tourments.
Je lui ai en donné des années à ce chagrin d’amour ! 5 longues années en tout.
Il faut vous avouer que notre rupture ne fut pas brutale. Il ne mourut pas d’accident de voiture, ne disparut pas alors qu’il était parti faire une course, ne me quitta pas pour une autre. Ce fut plus cruel encore : il cessa tout simplement de m’aimer… mais petit à petit, dans le doute, hésitant entre l’amitié, ou la pitié.
Je l’ai quitté vingt fois et vingt fois il revint, quand ce ne fut pas moi. Nous revînmes l’un vers l’autre inlassablement, comme la vague qui s’éloigne au large, dentelle sur dentelle, et revient sur ses pas, fidèle, toujours, à la même rive. J’avais fini par croire que nous étions indissociables, tant nous manquions à l’autre lors de ces éloignements. J’ai pensé certains jours que je souffrirais toute ma vie ce calvaire d’une peau à jamais défendue, parce qu’il ne me désirait plus alors que mon propre désir, lui, ne cessait de me martyriser. C’était insupportable mais je tenais tout de même, car j’expérimentais l’absence et elle me semblait encore moins supportable que de vivre avec lui sans le toucher.
La frustration me rendit malade. Vraiment. J’avais beaucoup maigri et je pleurais souvent. J’ai caché ce chagrin à mes proches le temps qu’il dura.
J’ai dit plus haut que je lui avais donné du temps, à ce chagrin d’amour, pour qu’il cessât de me hanter. Installé confortablement au fond de mon cœur, il a pris cependant tout son temps pour me labourer le cœur, me rendre si malheureuse au point que j’implorais la mort de me délivrer.
Le chagrin d’amour peut tuer. Le mien ne me tuât point.
Ce fut tout comme.
Je ne voulais pas tirer un trait sur cette histoire, peut-être parce que je croyais qu’elle serait la dernière et parce qu’avant qu’il ne m’aimât plus, il m’avait violemment et ardemment désiré.
J’avais investi tellement de mon âme dans notre rencontre, et tant espéré qu’elle fut unique et éternelle, que l’idée de renoncer me rendait à la fois terriblement impuissante et désespérée.
Un jour, alors que je lui demandais de me dire qu’il avait cessé de m’aimer, puisqu’il ne parvenait pas à me dire « je t’aime », il a eu cette phrase magnifique qui me frappa plus fort qu’une gifle :
« Mon amour pour toi s’est transformé en une amitié très forte et indestructible. »
L’écrire aujourd’hui provoque encore en moi la même émotion. Le fait qu’il ramena notre amour au sentiment qui le fit naître fut un déchirement pour moi. J’avais cessé d’être son amie pour être son amante. Revenir à la source m’était impossible, et je sentais confusément que pour lui, désormais, revenir à la chute était également inconcevable.
Il pensait sincèrement que notre amitié, ou tout du moins, que son indéfectible attachement aurait raison de mes réticences, que mon amour se rangerait à la raison. Tout cela lui faisait certainement peur. Car je n’étais pas raisonnable. Il a toujours sous estimé la force de mon engagement. Il a sous estimé la blessure, l’incommensurable douleur. Il avait juré qu’il m’aimerait toujours. Je l’avais cru.
Je vous l’avoue, j’ai tout tenté pour le reconquérir et c’était pathétique : la fuite, la prière, la jalousie, les menaces, la séduction et même, la promesse d’une amitié sincère et désintéressée… C’est vous dire !
Parfois, c’était tellement dur que je m’enfonçais dans le silence pendant plusieurs jours. Durant ce temps, je me consumais à petit feu dans la détresse et la mortification.
Chagrin d’amour.
Je mis des années avant de lâcher prise.
Un jour, ce fut trop.
Je ne raconterais pas comment nous nous sommes quittés, mais le fait est que nous le fîmes.
La rupture ne me guérit pas pour autant.
Pour guérir, il fallut cesser de croire et cela me prit du temps …
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« Je voudrais t’aimer encore. »
« Je voudrais ne plus t’aimer. »
…
« Ce que j’ignorais simplement, ce que les cinq interminables années de la première défaite ne devaient cesser de m’enseigner, c’est que si la volonté de ne plus aimer est encore de l’amour, la volonté d’aimer encore ne l’est déjà plus. » SANTIAGO H. AMIGORENA « le premier amour ».