par Dorian » 20 Mai 2009, 17:02
–Series Finale-
Une puissante bourrasque de vent balaye le plateau de la Sérénité étalé à 3802 mètres en plein milieu du massif des Alpes. La neige vole en d’immenses tourbillons aux allures féeriques, se déposant en petites dunes éparses aux formes parfaites. Au beau milieu de ce paradis perdu, un drapeau orné d’une noix de cajou, entouré de 7 petites formes immobiles. 7 petites boules de poils argentées liées et figées pour l’éternité.
Là , je serais vous, ce que je ne suis pas, j’y pigerais que dalle et vous seriez moi, ce que vous n’êtes pas, vous pourriez me raconter à moi, qui serai vous dans ce cas là même si ce n’est pas le cas, ce qui s’est passé auparavant.
Voilà bien longtemps qu’on avait pas entendu parler de Pouillu. Allez, on récapitule.
Dans les épisodes précédents :
Juin 2007 : Pouillu, jeune hamster de 5 mois, débarquait à grand fracas dans mon logis suivi d’un terrible passé. Il s’intégra sur le forum et devint rapidement le chouchou de nombre d’entre vous notamment grâce à un regard à faire craquer un cœur de diamant. Après nombre d’aventures peuplées d’action de mini-Pouillus et de noix de Cajou, il s’installa dans une cage Bob l’éponge et veilla (plus ou moins sereinement), sur son énorme petite famille.
Les années passèrent (pour un hamster russe, deux mois et 10 jours valent environ une année humaine.) et Pouillu vieillit doucement pour atteindre l’équivalent en âge humain de 66 ans. Après de longues nuits passées à me renseigner, je m’aperçus qu’un hamster russe ne dépassait que rarement l’âge fatidique de 54 ans (Le record était d’ailleurs détenu par un hamster russe naturalisé chinois à cause d’un queue démesurée (ce qui entre nous pourrait sonner ironique) qui mourut à l’âge de 59 ans et trois jours).
66 ans ! Toujours d’aplomb, mon fidèle hamster continuait chaque jour à courir dans sa roue (même si il engageait parfois un de ses fils pour l’aider à la faire tourner), à s’empiffrer de noix de Cajou et de graines de Tournesol (il les enduisait à présent d’huile d’arachide pour qu’elles glissent plus facilement) et à réparer les bêtises de ses gosses (récemment, on a retrouvé Solo la Gerbille, leur souffre-douleur préféré, attachée sur un patin à roulette dévalant la rampe d’escalier pour terminer on ne sait par quel moyen dans la boîte aux lettres).
Bref, à 66 ans, Pouillu explosait les scores et il n’avait pas fini de me surprendre…
Décembre 2008. Mon départ en saison était imminent. Je préparais mes valises devant le regard attentif de Pouillu (si attentif puisse être le regard de Pouillu…). Je m’étais fait une raison : hors de question d’amener mon brave hamster en Haute-Savoie. Non seulement j’entreprenais de partir avec des amis qui n’allaient pas forcément aimer la présence d’une boule de poil au sein d’une voiture déjà surchargée, mais il me fallait aussi penser à son âge et je craignais qu’il ne lui arrive malheur dans ce pays où il fait grand froid.
C’était sans compter sur son regard car vous vous en doutez bien, je l’ai croisé et inutile cette fois de me justifier des heures durant, j’ai encore [(encore)encore] craqué.
J’ai donc planqué la cage Bob l’éponge au fond d’un sac, glissé un somnifère dans la dernière graine de Tournesol de Pouillu et j’ai grimpé dans la voiture pour de nouvelles aventures.
Quelques semaines plus tard, j’avais trouvé un boulot dans une Boulangerie dans une petite station de Haute Savoie. Vous imaginez bien que l’endroit devint le paradis terrestre de mon hamster adoré. Ses petits yeux exorbités ne savaient plus où donner de la rétine.
Partout, on trouvait de petits pains dorés gonflés au blé complet parsemés de graines de sésame, des croissants chauds, des spécialités légère et croustillantes à base de farine d’épeautre ou encore des brioches épaisses et savoureuses…
Pouillu passa des semaines à manger de tout, alternant le sport (imposé par son maître dans une roue de fortune fixée sous le tiroir caisse) et les siestes dans la capuche de mon sweat. Jamais nous n’avions été aussi proches. Mes patrons l’adoraient et fabriquaient souvent de délicates petites pâtisseries à son attention. Il était peu à peu devenu la vedette de la boulangerie et les clients réclamaient souvent à le voir. On créa pour l’occasion une nouvelle Pâtisserie sobrement nommée : le Pouillu. Cette pâte feuilletée de la taille d’un chausson au pommes, relevée d’une touche de whisky breton, était fourrée à la crème de noix de Cajou et parsemée d’éclats de caramel au beurre salée. Elle fit fureur et la clientèle de la boulangerie tripla ainsi que le chiffre d’affaire des patrons. Son sourire si particulier fit la une des journaux locaux ! J’étais fier de mon hamster. Je l’aimais comme jamais quelqu'un n’avait aimé un hamster jusque là . J’étais aux anges et je voyais la fin de la saison approcher à grand pas.
Mais un matin, Pouillu ne sortit pas de sa cage.
Je récupérai dans le coton ma petite boule de poil recroquevillée. Il semblait accuser une grosse fatigue. J’ai alors appelé mes patrons pour demander une semaine de congés. Ils acceptèrent sans hésiter. Au moment de où je raccrochais, un événement étrange arriva.
Un vieil hamster russe qui n’avait plus que la peau sur les os entra par la fenêtre de ma chambre. Il trébucha sur le rebord et fit valdinguer le sac de graines de tournesol aromatisées au chanvre que j’avais acheté pour la convalescence de Pouillu. Je ramassai le pauvre bougre et le plaça sur mon lit non sans cacher mon étonnement face à cette soudaine intrusion. Celui ci-boitait et il lui manquait une dent. Il clopina jusqu’au bord de ma couette et se laissa tomber jusqu’en bas pour rouler jusqu’au pied de la table où se trouvait la cage de Pouillu. Qu’elle ne fut pas ma stupeur quand je vis ce corps d’apparence fébrile grimper à la seule force de son unique dent sur le pied de la table en quelques secondes puis creuser à travers le plateau de bois de sapin pour passer de l’autre côté en moins de temps qu’il ne faut pour le dire !
Il entra dans la cage Bob l’éponge et observa mon petit protégé un instant. Puis, il prit une poignée de copeaux et se mit à discuter avec moi.
Ah oui, il faut que je vous révèle une chose ! Lors des premières lignes de cette longue histoire, je vous expliquais que Pouillu allait apprendre à écrire sur le forum mais jamais vous n’avez pu lire quoi que ce soit de sa patte. En réalité, il n’a jamais réussi à apprendre la langue des humains, j’ai donc dû apprendre la langue des hamsters russes. Cette langue se pratique dans le milieu naturel avec de petits cailloux ou des épines de pin. Dans notre situation, nous prenions les copeaux de bois qui servaient de litière. Ainsi, étalés d’une certaine façon, chaque amas signifie un groupe de mots. C’est un peu le même principe que l’écriture chinoise mais pratiqué par un hamster russe naturalisé français.
Je lisais donc ce que m’expliquait le vieux hamster et je plongeai dans la suite d’une incroyable histoire.
Cet hamster était l’un des 43 hamsters qui avaient survécu à la chute du mur d’Hamsterlin. Vous vous rappelez ? le mont Beloukha, Igor et olga, Hamsternoff… Bref, si ça vous a échappé, relisez de suite le chapitre précédent.
Tout ça pour dire que ces 43 hamsters étaient à la recherche d’un nouvel endroit pour vivre. Mais leur chemin fut semé d’embûches : les crevasses, les avalanches et les ours emportèrent 32 d’entre eux avant même qu’ils aient terminé de descendre la montagne. Un beau matin, ils furent capturés par des braconniers, entassés dans une boîte qui fut jetée dans un vieux camion pour être revendus dans des animaleries françaises (parce que la France représentait à l’époque 24% de la demande mondiale en hamsters !). Après des journées de voyage sans eau ni nourriture (Heureusement qu’un hamster jamaïquain avait gardé sur lui un pochon d’herbe de Beloukha pour passer le temps), il y eut un miracle.
Le camion dérapa dans un virage et se renversa. La boîte tomba et personne ne vint la récupérer. Avec un peu d’effort, ils réussirent à l’ouvrir et à sortir dans un nuage de fumée. 5 d’entre eux avaient péri dans le voyage et les 6 survivants les dévorèrent pour survivre. Ils se trouvaient à la frontière française, dans les Alpes, à 3400 mètres d’altitude. Au prix d’un ultime effort, ils se hissèrent à 3802 mètres et s’arrêtèrent quand ils découvrirent au beau milieu d’un plateau enneigé, un immense igloo. Curieux (et n’ayant surtout pas le choix de s’abriter sous peine d’une inéluctable congélation), ils entrèrent et firent la connaissance d’un vieux lemming ermite. Ils sympathisèrent et il leur apprit à cultiver sous la glace. Ainsi naquit une nouvelle communauté au beau milieu des Alpes.
Mais les hamsters s’aperçurent d’une chose terrible : Ils étaient tous de sexe masculin. Par conséquent, ils étaient condamnés à s’éteindre ici. Cette communauté, consciente que rien ne pourrait la sauver, décida de passer le reste de ses jours à communier et à s’élever très haut dans la spiritualité. Ils décidèrent de nommer l’endroit : le plateau de la Sérénité.
Quelques jours plus tôt, un hamster en transe avait perçu la fin proche d’un être exceptionnel : un hamster qui s’était élevé dans une spiritualité nouvelle et qui avait le devoir de reposer avec eux sur le plateau de la Sérénité.
C’est pour cette raison qu’avait été envoyé Vladimir, l’unique hamster russe du groupe. Il avait enfin trouvé celui qu’ils nommaient l’Illustre et il allait le ramener.
C’est là que j’ai pris conscience d’une chose terrible.
Pouillu allait me quitter.
J’ai accepté l’offre de Vladimir et j’ai porté mon Pouillu jusqu’au plateau de la Sérénité. Je leur ai fabriqué un petit drapeau puis avant de redescendre seul, j’ai échangé avec lui un dernier regard et pour la dernière fois, j’ai craqué.
Aujourd’hui, Pouillu n’est plus là , je suis rentré en Bretagne seul. Mais il m’a laissé un héritage sensationnel : des centaines de mini-Pouillus au sourire unique, des dizaines de souvenirs fantastiques et surtout, une histoire qui je l’espère, aura su faire sourire.
Une puissante bourrasque de vent balaye le plateau de la Sérénité, étalé à 3802 mètres en plein milieu du massif des Alpes. La neige vole en d’immenses tourbillons aux allures féeriques, se déposant en petites dunes éparses aux formes parfaites. Au beau milieu de ce paradis perdu, un drapeau orné d’une noix de cajou, entouré de 7 petites formes immobiles. 7 petites boules de poils argentées liées et figées pour l’éternité.