par Phantom_Blue » 24 Déc 2007, 09:50
DRIMS saison 2
Episode 7
Tout bascule. Se déplace vers le bas. La nuit défile en accéléré. Sensation de vent. J’ai la tête à l’envers. Une aurore boréale incandescente flashe en mille couleurs. Diaporama de fleurs. L’horizon se redresse. Je suis de nouveau à l’endroit. Un jour éclatant de soleil nous enveloppe. Ciel bleu de saphir. Nuages blancs floconneux.
J’ai l’impression de me dégeler. Mes doigts bougent. Mes mains. Mes bras. Mes jambes. Je tourne la tête.
Les filles sortent de leur paralysie. Secouent leurs couettes.
— On est où ? demanda Sandra.
— Apparemment sur une route jaune entourée de champs, répondit Enilis. Ça me rappelle quelque chose.
— Cherche pas, lui envoya Aeryn Sun, on dirait le magicien d’Oz. Je regardais la vidéo une fois quand Chonchon est rentré bourré. Il a explosé la télé parce que j’avais pas fait à bouffer. J’ai explosé Chonchon. Nan mais, ça se fait pas, c’est pas des manières convenables.
— En tout cas, souffla Sandra, on a échappé aux zombies. Je me voyais mal être dévorée. Brrrr ! J’en ai les couettes toutes glacées.
Sandra dévorée par des zombies, une légende disparaissait.
— Bon, on va dans quelle direction ? demanda Enilis.
— Je sais pas, répondit Sandra, ça a l’air pareil dans les deux sens.
BB-lilith dégaina ses deux guns, visa en l’air et appuya sur la gâchette.
Deux rafales fusèrent des canons. Je sursautai. Cinglée ou quoi, la Lili ?
— Mes guns fonctionnent. Vérifiez les vôtres !
Un concert de rafales tonna dans l’air.
Déjà les filles quand ça cause, des fois c’est barbant les Barbies. Alors quand ça tire aux guns… Devraient jamais quitter leur cuisine.
A peine avaient-elles rengainé, un sifflement aigu perça l’air au-dessus de nous. On leva les têtes.
Un grand bidule jaune descendit presque en piqué et se crasha à une cinquantaine de mètres dans un champ. Une fumée s’échappait de la carlingue. Vu la forme, les hublots, ça ne pouvait être que…
— Le Yellow Submarine ! s’exclama Aeryn Sun. Je reconnais. J’avais vu le dessin animé. Ben justement le jour où Chonchon il est rentré et il a gueulé que la bouffe elle était pas faite, enfin c’était une autre fois. La tarte qu’il m’a balancée dans les gencives. Mais c’était rien à côté de ce que je lui ai mis ensuite. Ça a mis deux semaines pour que sa tête elle dégonfle.
N’épousez jamais une RE girl qui regarde des films à la télé si vous voulez bouffer le soir. Et pas gonfler de la tête.
Une porte s’ouvrit et Paul McCartney déboula dehors, suivi de Ringo Star. Ils se ramenèrent vers nous, pas très jouasses des visages.
— Ça va pas ? qu’il gueula, Paul, avec des postillons, une fois devant nous. Vous êtes cinglées ou quoi ? Bande de poufiasses !
Oui, là , le mot il aurait peut-être pas dû le prononcer.
Enilis lui propulsa une rangeo direct dans les burnes, les couettes en colère, que Paul il roula sur la route jaune, les mains accrochées à la braguette. Que Ringo il ouvrit la bouche mais prononça aucune phrase, pas le temps, because Enilis le gratifia du même sort.
Entre temps John Lennon et Georges Harrison étaient sortis du Yellow Submarine. Ils préférèrent garder une distance. Moi aussi. Vu le rictus sauvage sur le visage tendu d’Enilis.
— Les mecs, tous les mêmes ! qu’elle gerba. Je peux plus les voir ! Grrrr !
Je reculai discrètement et me planquai derrière Sandra.
— Ouais, c’est vrai, qu’elle brailla, les mecs c’est tous les mêmes ! Quand je pense à Kisshu !
Je m’éloignai discret de Sandra.
Bon, ben avec tout ça, on ne savait toujours pas dans quelle direction aller. Enilis venait de bousiller deux Beatles. OK, Paul aurait dû être plus poli, mais quand même. Une remarque verbale aurait suffit, non ?
— On a qu’à aller par là , proposa BB-lilith, on verra bien. Ça va bien nous conduire quelque part.
Tout le monde approuva. Bientôt le Yellow Submarine ne fut plus qu’un point. Enilis et Sandra marchaient en tête, rouldinguant du shorty. Aeryn Sun suivait sur le côté, le regard perdu sur la campagne.
Je marchais à côté de BB-lilith qui me faisait part de ses dernières réflexions :
— On sait maintenant que les sphères tournent, ou du moins c’est l’impression que j’ai eue. Pendant ce déplacement, tout se bloque. Ça commence par les guns, les karts, puis nous, donc c’est progressif. Ça touche d’abord les objets.
— Encore un autre moyen de sortir, dis-je.
— Oui, mais j’ignore ce qui a pu déclencher cette sortie.
— C’était peut-être réglé, comme une horloge.
— Possible. En tout cas, on peut se passer de l’autobus.
— Oui, mais là on n’a pas choisi la destination. On sait même pas où on est.
— A première vue, je dirais une sphère dans le style contes de fées, vu le Yellow Submarine qui s’est pointé. Dans le dessin animé, les Beatles vont à Pepperland pour sauver les habitants des méchants Bleus.
— Je sais, j’avais vu en DVD. J’espère qu’on les rencontrera pas.
— J’espère pour eux, je donne pas cher de leur peau face à Sandy et Nini. Surtout Nini, vu comme elle est remontée.
Un claquement d’ailes gifla l’air au-dessus de nous.
— Clac-Clac ! s’exclama Sandra.
Le corbeau se posa sur la route jaune et nous cadra du coin de l’œil.
Aeryn Sun balança aussitôt :
— Hein c’est toi qui as fauché les petites culottes ? Et madame Irma c’était bien Yakira Yamamoto ?
— Et comment tu fais pour te balader dans DRIMS ? poursuivit BB-lilith.
— Doucement, croassa Clac-Clac. Je peux répondre qu’à une question et seulement vous dire quelle direction prendre.
— Bon, dit BB-lilith, quelle direction on doit prendre ?
— Ça vous coûtera une petite culotte, et avec des fraises imprimées dessus !
Les filles se regardèrent. Puis six zoeils se braquèrent sur Sandra.
— Ben quoi ? qu’elle s’écria. Pourquoi vous me regardez comme ça ?
— Y’a que toi qui porte une petite culotte avec des fraises imprimées dessus, dit BB-lilith.
— Hein ? Mais pourquoi moi ? Glurps ! Gasp ? Et pourquoi pas Nini ?
— Nan je porte pas ça, répliqua Enilis, je suis plus une gamine, je vais au lycée.
Sandra s’énerva des couettes, que ses couettes elles s’énervèrent.
— Mais arrête, je suis plus une gamine, nan mais, l’année prochaine je vais au lycée, et pis… et pis…
— Ça va, coupa BB-lilith, toutes les collégiennes portent des petites culottes avec des fraises imprimées dessus.
— Grrrr ! Gasp ! Saperlipopette ! Grrrr !
Elle fila dans un champ de blé, disparut dans les épis. Moi je louchai les filles, surtout ne rien dire, louchai Clac-Clac qui louchait le champ, le bec baveux.
Enfin Sandra revint, pas contente, une petite culotte avec des fraises imprimées dessus à la main. Elle la jeta devant Clac-Clac.
— Vous êtes dans la bonne direction, dit-il. Dans l’autre sens ça aurait été aussi bon, vu que la route tourne et conduit au même endroit
Puis il s’empara de la petite culotte et s’envola dans un battement d’ailes.
— Grrrr ! Gasp ! Saperlipopette ! Si j’avais su…, souffla Sandra en serrant les poings. Sale corbeau de malheur ! Attends si je t’attrape, je te réduis en bouillie !
Oui, c’était bien un supermarché qui apparut après le virage. Un panneau indiquait son nom en lettres capitales : « GRATOS CHAN ! » Avec marqué en dessous : « Tout est gratuit, servez-vous, et joyeux Noël ! ».
C’est à ce moment qu’il se mit à neiger. Les flocons tombaient à donf. Curieusement, la neige n’était pas froide. Et elle était sucrée. C’est Aeryn Sun qui le constata en tirant la langue dehors. Un réflexe de siffleuse de canettes.
Je remarquai l’absence de bagnoles sur le vaste parking. Les néons clignotaient au-dessus de l’entrée. On entendait une musique de Noël avec des clochettes.
Un grand sapin décoré se dressait dans le hall d’entrée.
Les rayons s’alignaient par dizaine. Personne. On était les seuls.
— Restons groupés, dit BB-lilith, c’est pas le moment de se perdre de vue.
Comme par hasard, on tomba tout de suite sur le rayon lingerie féminine.
— Y’a plein de petites culottes ! s’écria Sandra. Super !
Elle se précipita sur les bacs. Enilis l’imita. BB-lilith loucha les nuisettes sur des cintres. Aeryn Sun examina les wonderbras.
Sandra se tourna vers moi, dans les doigts une petite culotte avec des fleurs imprimées dessus.
— T’en penses quoi, Blue ?
Une goutte de transpiration dégringola sur mon front.
— Mais ça va pas ? postillonna Enilis en agitant les mains. Qu’est-ce qui te prend de demander ça à Blue ? T’es folle ?
— Ben quoi ? souffla Sandra en haussant les épaules.
— Hop ! ordonna Enilis en l’agrippant par le bras. Va dans la cabine ! Nan mais ! Et toi, Blue, arrête de sourire comme un débile !
— Mais je souris pas !
— Je te jure, qu’elle crachota, je sais pas ce qu’elle a !
BB-lilith exhiba une nuisette rose.
— Dis, Sunny, pour Chonchon !
Aeryn Sun la loucha des zoeils.
— Et pourquoi pas une danse du ventre pendant que tu y es ! Une claque dans les dents, ouais !
Ça commençait à tirer en longueur. Elles allaient quand même pas passer le réveillon au rayon lingerie. Remarque, vous me direz, avec les filles faut toujours poireauter à un moment ou à un autre, c’est obligé, on y échappe pas, c’est génétique, ça vient de la préhistoire.
— TAAAADAAAAAA !
C’était Sandra qui avait crié, la voix joyeuse, les bras levés en l’air, comme une danseuse de revue qui descend le grand escalier de l’Alcazar.
Elle venait de sortir de la cabine d’essayage. Juste vêtue de la petite culotte à fleurs et d’un soutif. Avec les rangeos.
— Alors, Blue, comment tu me trouves ? Est-ce que je fais sweet lolita rebelle ?
Je crus qu’Enilis allait faire un infarctus du cerveau des couettes.
Elle se précipita sur Sandra pour la cacher avec son corps.
— Mais t’es complètement folle ! Ça va pas de t’exhiber comme ça devant Blue ?
— Ben quoi, je voulais juste lui montrer.
Enilis la poussa dans la cabine et ferma le rideau.
— Rhabille-toi !
— T’es pas marrante, envoya Sandra. Blue aime bien quand ça fait manga.
Enilis me cibla avec des zoeils mitrailleurs.
— Je t’en donnerai, moi, du manga ! Arrête de mater une collégienne innocente !
— Mais je mate rien, que je protestai, c’est elle qui…
Le rideau s’écarta et Sandra bomba, les couettes farouches :
— Je suis presque lycéenne, je te signale !
— Oh toi ça va ! riposta Enilis en refermant speed le rideau.
BB-lilith et Aeryn Sun rigolaient soutenu.
Je raconte pas au rayon pâtisserie.
Le temps que je crunche dans une meringue glacée, Enilis avait déjà slurpé un éclair au chocolat, comme un lézard qui gobe un cafard. Sandra gloutonnait une part de Forêt Noire, de la crème sur le bout du nez. BB-lilith croquait dans une barre de nougat mou. Aeryn Sun lapait un baba au rhum d’une langue vorace.
Mes dents se figèrent dans la meringue.
C’était bien Steve qui accourait vers nous, une perruque style Mozart de travers sur le ciboulot, en costume 18e siècle, la chemise quelque peu froissée, un affolement flamboyant avec folie dans ses zieufs hallucinés du regard.
— Je crois que je l’ai semée ! qu’il articula avec peine, essoufflé, en s’arrêtant devant nous. Si vous saviez, Ce fut horrible !
Le récit qui suit est insoutenable. Je prierai les âmes sensibles éperdues de romantisme de ne pas lire. Steve nous raconta, la voix souvent au bord des larmes. J’écoutais, le cœur oppressé. Normal, un compagnon de galère. Les filles suivaient, tout en continuant à s’empiffrer comme si de rien n’était.
— J’étais ligoté et bâillonné. Je pouvais à peine marcher, les chevilles entravées par une corde. J’avançais à petits pas, encadré par Corinne et Babou. On aurait dit des molosses avec leurs regards froids comme de l’acier. A croire que toute humanité s’était à jamais envolé de leurs âmes ! Laraider marchait devant nous, droit vers l’autel où un prêtre attendait. Comment un homme voué au Seigneur pouvait-il ainsi être le complice d’une telle mascarade ? Et la cérémonie commença. J’assistais impuissant à mon supplice, priant le ciel de me venir en aide. Laraider se passa l’anneau maudit au doigt et prononça le oui fatal. Puis elle me passa l’autre anneau au doigt, il brûlait comme du métal en fusion, elle abaissa mon bâillon pour que je dise oui à mon tour, mais je hurlai un non retentissant de toutes mes forces, qui résonna lugubrement sous les voûtes de l’église. Même les flammes des bougies vacillèrent un instant, semblant compatir à mon calvaire. Elle me remit le bâillon et dit au prêtre que j’avais dit oui. Que ce parjure la poursuive jusqu’en enfer ! Le prêtre allait prononcer la formule qui nous lierait à jamais dans l’éternité, quand les vitraux s’assombrirent soudain. Devant mes yeux horrifiés, la tête du prêtre se transforma en tête de bouc. « A moooort ! » qu’il bêla d’une voix bêlante. Aussitôt des gargouilles hideuses apparurent, les mufles agressifs, les crocs luisants. Le prêtre avait dégainé un poignard de la manche de sa soutane. Il le leva sur moi. Je crus que mon destin s’arrêterait là . Mais Laraider dégaina ses pistoles et lui troua la panse d’une volée de balles. Corinne et Babou se chargèrent des gargouilles, les canons de leurs pistoles répandant la mort et l’effroi.
Steve s’arrêta, à bout de souffle, le front en sueur, les mains tremblantes. Les filles continuaient à se goinfrer de pâtisserie.
— STEEEEEEEEEEEEVE !
Steve sursauta. S’écria, la voix détruite par la peur :
— Elle m’a retrouvé ! Fuyons ! Adieu Blue, fidèle compagnon, nous nous reverrons au paradis, dans la douceur…
Une rafale de gun crépita dans l’air.
Steve prit son cou à ses jambes, détala et disparut au bout du rayon à gauche. Laraider passa en courant devant nous, vêtue d’une crinoline plutôt décolletée, affichant une paire de lolos super boostés ballottant avec une indécence ballottante, un gun à la main, sans nous prêter attention, et suivit la même direction que lui.
— Z’avez vu comment ils étaient fringués ? dit Enilis, la bouche pleine de gâteau au chocolat. Y’a peut-être un bal costumé dans le coin.
— Les joies du couple, fit remarquer Aeryn Sun.
— Marrant quand même que Steve débarque ici, s’étonna Sandra, avant de slurper de la crème chantilly sur des framboises dans une coupe de glace.
— C’est parce que la sphère de RE a tourné, expliqua BB-lilith, tous les persos ont dû suivre ici. Du moins j’imagine !
— Dix contre un qu’elle le rattrape, proposa Aeryn Sun. Les filles finissent toujours par rattraper les mecs !
— Pari tenu, claqua sec des dents Enilis, moi je crois plutôt qu’ils arrivent toujours à se barrer. C’est dans leur nature de se défiler et de disparaître.
Elle me cibla soutenu des zoeils. Un frisson glacé me glaça le dos en frissonnant.
Les secondes qui suivirent parurent interminables. On avait presque arrêté de cruncher et slurper dans les douceurs au chocolat et autres, les oreilles des tympans tendus aux aguets. Pas de rafale. Aucun bruit, à part « Mon beau sapin » carillonné en musique de fond.
— Ben peut-être qu’ils sont en train de s’embrasser, dit Sandra, avant de laisser sa langue découvrir la saveur d’un Rocher aux noisettes.
— Bon, dit BB-lilith, il faudrait quand même penser à voir comment sortir d’ici, vous ne pensez pas ? On va pas passer notre vie à bouffer des sucreries !
— Mais c’est trop bon ! roucoula Enilis, les dents toutes chocolatées. J’en veux encore !
— Ouais, renchérit Sandra, avec plein de glace et de chantilly.
— STOOOOOOP ! cria BB-lilith. Je crois qu’on est en train de se faire hypnotiser de nouveau, comme avec les tenues des love girls. On arrête de bouffer !
Devant les visages surpris d’Enilis et de Sandra, elle rajouta d’une voix sévère de directrice de pensionnat :
— C’est un ordre ! Et que ça saute !
Les explosions commencèrent à crépiter juste à ce moment là . Ça venait de dehors. On se précipita hors du supermarché. Il faisait nuit. Une neige sucrée, illuminée par un clair de lune, recouvrait le sol. Dans le ciel, un feu d’artifice éclaboussait les étoiles de couleurs brûlantes. On resta figé à regarder, le nez en l’air, émerveillés par les gerbes de comètes fusantes multicolores.
Pas longtemps. C’était bien des coups de feu. Des balles éclatèrent la porte vitrée du supermarché.
— Vite, à l’intérieur ! lança BB-lilith avant de dégainer.
Elle rafala au hasard. D’autres coups de feu lui répondirent.
On venait de nous canarder. Laraider et Steve avaient disparu. Planquées derrière le rayon lingerie féminine, les filles surveillaient l’entrée, les guns vissés dans les doigts, prêtes à riposter. Mais personne ne semblait venir.
Quand j’eus l’idée.
— Hééé ! Mais doit y avoir un rayon librairie, on est dans un supermarché ! Donc…
BB-lilith me regarda. On avait pensé à la même chose.
— Je file avec Blue voir, vous restez là ! On garde le contact avec nos oreillettes !
De là à ce qu’on trouve un guide officiel de DRIMS, ou des indices sur DRIMS, les sphères, des trucs importants quoi. On aurait dû penser à ça tout de suite en entrant. Mais bon, les filles devant un rayon de lingerie féminine, y a pas de place pour d’autres pensées. Euh, oui, les mecs non plus, soyons honnêtes !
Enfin s’il y a un rayon librairie. Sûrement. On passa en accélérant le pas devant le rayon des jouets. Valait mieux l’éviter avec les autres, déjà avec les pâtisseries elles étaient scotchées, alors là .
Le rayon films maintenant. Au passage je vis des titres sur des boîtiers de DVD. L’un d’eux attira mon attention : « Les RE girls contre-attaquent ». Je m’arrêtai et le pris. Il y avait la photo de trois RE girls inconnues et l’Académie en fond. Je jetai un rapide coup d’œil sur les autres boîtiers. Non, rien d’intéressant. BB-lilith avait disparu.
Blue : Lili, t’es où ? Je t’ai perdue de vue.
BB-lilith : Hein ? Mais qu’est-ce que tu fous ? Je suis au rayon casseroles.
Blue : Attends-moi, j’arrive.
Je planquai le DVD dans ma chemise en jean.
Enilis : Ça va vous deux ? Y’a un problème ?
BB-lilith : Non, je cavalais plus vite que Blue, c’est tout.
Enilis : Rien dans les jambes, les mecs.
Sandra : (rigola)
Aeryn Sun : (rigola)
BB-lilith : Et vous, ça va ?
Sandra : Oui, personne se pointe. On surveille l’entrée.
Enilis : Blue est là ?
BB-lilith : Oui, le voilà . C’est bon.
Aeryn Sun : Vous avez trouvé la librairie ?
BB-lilith : Non, pas encore. Mais le supermarché est grand.
Le rayon musique regorgeai de CD. Et dire que tout était gratuit. Faudra repasser avec des caddies.
Oui, y avait bien un rayon librairie. Des livres s’étalaient par centaines sur les présentoirs. Plus loin des bandes dessinées. Des journaux. Des magazines.
— Faudrait qu’on soit ensemble pour regarder, dis-je, on va pas y arriver à deux.
BB-lilith s’interrogea elle-même dans la pensée des neurones. Quelques secondes passèrent. J’attendis sa décision.
— Oui, c’est trop important. Faut trouver des indices. On pourra en même temps surveiller au bout du rayon.
BB-lilith : Les filles, on a trouvé la librairie, ramenez-vous !
Enilis : Mais l’entrée ?
BB-lilith : Laissez tomber ! On surveillera d’ici. Y’a trop à regarder, faut qu’on soit toutes là pour chercher.
Enilis : OK, on rapplique.
Pendant que BB-lilith les guidait, je matai les couvertures des magazines. C’était classé par genre. Je trouvai les jeux vidéo. Peut-être qu’on aurait dû retourner au rayon DVD. Mais bon, sur le coup j’avais rien vu d’autre. On pourra toujours repasser. Là on avait une petite chance de retrouver le guide officiel. Bon, y a quoi de beau ?
Apparemment pas de guide officiel. Mon zoeil droit bifurqua vers les magazines de charmes. Mon zoeil gauche suivit, entraîné malgré lui par l’attraction irrésistible du principe de la loi du regard qui regarde des magazines de charmes. Quand les filles rappliquèrent, les couettes batifolantes.
Enilis fonça tout de suite direct sur moi.
— Tu reluques les magazines cochons ?
— Ça va pas la tête ! Je cherche le guide de DRIMS !
— Mouais… et c’est quoi, ça ?
Elle agrippa un magazine que j’avais pas encore vu, et me montra la couverture sous le nez, avec le titre : « PINK JAPON ». Et la chanteuse Yuu des Go!Go!7188 en blonde, avec un bikini réduit avec le drapeau japonais devant sur la petite culotte et sur les bonnets du soutif. Et en dessous marqué : « YUU NUDE ».
J’avalai un noyau de salive particulièrement volumineux, que ma gorge elle a dû faire comme quand une autruche elle avale une balle de tennis.
Enilis feuilleta à la recherche des pages fatidiques et brandit le magazine en l’air. Un poster trois volets se déplia dans un bruit de poster trois volets qui se déplie.
Yuu était photographiée toute nue, avec la guitare plaquée devant la doudounette, les lolos à l’air avec des étoiles scotchées sur les tétons.
— Glurps ! que je glurpai.
Je m’emparai du magazine. Seuls mes doigts admirateurs avaient le droit de tenir un tel joyau.
Enilis brailla fort, la voix sournoise :
— Y’a Blue qui mate les japonaises toutes nues !
Campées devant les livres, les filles rigolèrent.
— Ben quoi, que je claquetai des dents, c’est pour voir le titre de son dernier album.
— Ouais, c’est ça, grommela Enilis.
Sandra s’était ramenée.
— Ben c’est du manga, qu’elle dit.
— Drôle de manga, fouetta la voix d’Enilis.
— Ben tu n’y connais rien, qu’elle lui répliqua Sandra. Et y a quoi encore ?
Elle fouilla dans les magazines, et en retira un, qu’elle montra, un sourire narquois sur les dents.
— Grumpf ! fit Enilis, les zoeils éjectés des orbites et collés sur la couverture.
Jared Leto torse nu, le jean taille super basse.
Elle arracha le magazine des mains de Sandra et le feuilleta, les couettes hystériques, la langue clapotante dans une salive de désir incontrôlable.
— N’oubliez pas qu’on cherche des indices, rappela BB-lilith.
Enilis roula son magazine et le coinça dans son shorty. Je m’abstins de tout commentaire, vu le tremblement furtif dans sa rangeo droite, des fois qu’un coup volant dans ma direction slibardienne…
Je repliai le poster et planquai le magazine sous ma chemise, avec le DVD.
Aeryn Sun dégaina plus rapide qu’une baffe de veuve de colonel cocue dans les dents d’un gigolo Italien aux tifs gominés à la Ricky Martin qu’aurait eu les tifs gominés.
La rafale propulsa Paul McCartney sur le carrelage, les abdominaux tricotés par les balles. Son gun valdingua sous le rayon. La balle tirée éclata « Les souffrances du jeune Werther » de Goethe.
— Tous à couvert ! cria BB-lilith après avoir dégainé.
Sa rafale scalpa Georges Harrison. Aura plus de problème de pellicules.
Je me jetai à plat ventre sur le sol. Louchai Enilis en contre-plongée. Les jambes joliment fuselées, le shorty moulant, les lolos bombés, un gun dans chaque main. Ses petits index délicats de fille avaient appuyé sur les gâchettes.
Touché à l’épaule, John Lennon se barra dans l’allée.
Le bras droit d’Aeryn Sun saignait.
— Tu es touchée, s’écria Sandra.
— Pas grave, dit-elle, ça me rappelle la fois où Chonchon a voulut me flinguer avec un fusil à baïonnette. Y’avait pas de balles dans le fusil mais y avait la baïonnette.
J’allais dire de faire gaffe à cause de Ringo Star, because on l’avait pas encore vu, quand plusieurs coups de feu claquèrent.
Touchée dans le dos, BB-lilith s’écroula sur le sol.
Enilis et Sandra truffèrent de plomb Ringo Star. Il dégringola du haut du rayon, de l’autre côté dans un ramdam d’objets ricochant sur le carrelage.
On se précipita vers BB-lilith. Elle nous regarda, tenta de prononcer une phrase. Et son corps se dissolva dans l’air.
— Elle a disparu ! s’exclama Sandra.
— Elle est peut-être sortie de DRIMS, dis-je.
— Ah ouais ? Alors il faudrait qu’on se flingue ! proposa Sandra.
— Doucement, que je coupai, je dis ça comme ça. En fait c’est pas sûr.
— Gasp ! souffla Sandra, les couettes narcoleptiques. Alors elle est où ? Ne me dis pas qu’elle est..
— Mais non ! C’est qu’un jeu après tout, que j’ajoutai, mais bon, faudrait être sûr à 100%.
Je lorgnai dans l’allée. Les corps de Georges Harrison et Paul McCartney avaient disparu. John Lennon devait filer à toutes pompes. Etait-ce les vrais Beatles ? Ou des créations de DRIMS ?
Que faire ? Sortir du supermarché ? Mais pour aller où ? Clac-Clac avait bien dit que la route jaune conduisait dans les deux sens au supermarché ! Où étaient Steve et Laraider ? D’où avaient-ils surgi ? Comme nous ? Allait-on de nouveau se retrouver paralysés et passer dans une autre sphère ? BB-lilith était-elle revenue chez elle ? Ou dans une réalité parallèle ? Si oui, se souvenait-elle de tout ? Pourrait-elle revenir ?
Le mieux était de trouver un lecteur DVD et de visionner le film « Les RE girls contre-attaquent ». Peut-être contenait-il la soluce ou une partie ? Il ne se trouvait sûrement pas là par hasard. Comme le guide officiel de DRIMS au kiosque.
Mon oreillette grésilla. Visiblement celles des autres aussi. Puisqu’on se regarda tous. Le grésillement s’amplifia.
BB-lilith : Vous m’entendez ?
Aeryn Sun : Lili ? Mais t’es où ?
BB-lilith : Dans une sorte de zone fantomatique. Y’a des écrans télé qui flottent un peu partout. On dirait le central de DRIMS. Enfin je sais pas. Et je vous vois en ce moment sur un écran.
Sandra : Super saperlipopette !