par Phantom_Blue » 04 Juil 2007, 08:23
Épisode 25
Nini se baladait nonchalante en petite culotte et soutif sur la terrasse du palace, une Chupa Chups menthe framboise slurpant sur la langue. Le Grand Canal étalait sa masse liquide opaque sous un ciel orageux. Des vaporettos et des gondoles glissaient dessus sans trop se la faire.
Je déboulai torse et pieds nus en jeans blue délavé, une canette de Desperados à la main. Mon Jaguar 7.47 logé dans le holster sous le bras droit. Je sais, je suis droitier, pas évident de dégainer, mais c’est pour laisser une petite chance à l’adversaire. Comme un souci d’humanité quelque part. Certainement les lectures forcées de la Bible par la mother quand je me mouchais encore avec les doigts.
J’avalai une rasade de bibine glaciale.
Nini tourna ses couettes vers moi. La Chupa Chups roulant sur la langue. Articula d’une petite voix de gamine qui vient de décapiter sa poupée Barbie avec des ciseaux :
— Dis, Blou, tu crois que maman elle va nous retrouver ?
— Ça risque pas. J’ai pas raté son dernier gus.
— Purée oui, comme tu l’as rafalé. Il a même pas eu le temps de dégainer. Tu crois que les poissons ils vont le bouffer ?
— Ça m’étonnerait qu’il y ait de la poiscaille dans une flotte aussi dégueu.
— J’espère que maman elle m’en veut pas trop.
— Elle doit pas être spécialement happy.
— Ben c’est ma vie après tout, bordel !
Elle termina de slurper la Chupa Chups et balança le bâtonnet dans le canal.
— Dis donc, pas très écolo. Déjà que la flotte est ripou.
— Ben quoi, comme ça les poissons ils peuvent faire un nid avec. Et comme ça y pourront pondre leurs zoeufs.
Je sifflai une autre rasade de Desperados, la dernière, la plus longue, et balançai la bouteille dans le canal. Rotai en même temps que le plouf de la bouteille touchant l’eau.
— Ben toi aussi, tu jettes ta bouteille !
— Oui, mais là ça leur fera une maison en verre toute faite.
Nini se planqua devant moi, un air de lolita qui se la joue queen au bal de fin d’année du lycée, et murmura :
— Dis, Blou, on zigouille le président de la république ? Ce serait marrant.
— Hein ?
Elle leva ses yeux scintillants vers moi. Un sourire diabolique niarkeux étira sa bouche parfumée menthe framboise.
— Blou, on fait sauter Venise ?
— Hein ?
— Et arrête toujours de dire hein. Sois décisif, bon sang !
— Ben euh…
— Dis Blou, j’ai envie de jouer à Cléopâtre, avec plein de mecs esclaves, et pis tu me construirais une pyramide disco, et je te jetterais aux crocodiles.
No comment !
— Bon, on devrait peut-être se magner si on veut voir le carnaval.
— A ouais ! Le carnaval ! Blou ?
— Hein ?
— Hi hi hi.
Purée les filles ! J’te jure ! Sans elles le monde serait un paradis. Bon, je dis pas, quelques filles quand même, faut bien que quelqu’un fasse le ménage, la popote… Ben quoi ?
Un bruit de moteur genre tondeuse à gazon se rapprochait de la terrasse.
— Je crois qu’on a de la visite, dis-je.
Je dégainai mon Jag. Le canon en acier chromé scintilla sous le soleil.
Je m’avançai prudent vers le rebord de la terrasse, louchai un zoeil sur le quai en contrebas.
Un petit canot à moteur accosta.
— Nini, y a ta mère qui se pointe. Je l’abats tout de suite ?
— MAAMMAAAAAN ! s’écria Nini. Arrête ! Laisse ! Je vais lui parler !
Elle se précipita vers le petit escalier reliant la terrasse au quai. Je la stoppai net dans son élan en l’attrapant par le bras.
— Attends, laisse-la monter !
— OK. Mais rengaine ton flingue, tu pourrais l’effrayer.
— Je me demande bien s’il existe un truc sur Terre pour effrayer ta mère.
Nini me décocha un petit coup de poing dans le bras, pas contente de ma réplique.
Je relogeai à contrecœur mon Jag dans son holster. Un peu déçu. C’est pas tous les jours qu’on peut cartonner une vieille taupe à la bastos.
Madame Sonnenkraft traversa le quai en tailleur Chanel, enfin quelque chose d’approchant dans le style, plutôt BCBG de la haute bourgeoisie. La démarche rapide, un rictus déformant son dernier lifting.
Les retrouvailles furent joyeuses et pleines d’émotions comme dans les sitcoms style Amour gloire et beauté.
— Niiiiniiii !
— Moomaaaan !
Après une étreinte maternelle qui ressemblait plus à la domination de la mère arachnide sur sa petite araignette, elle brailla :
— Viens, on rentre à la maison ! T’as cours demain !
— Le lycée beurk, cracha Nini. Les profs qui se la pètent prix Nobel. Et pis, c’est même pas vrai que Pluton c’est du gazoduc.
— Mais de quoi tu parles ? T’aurais pas bu par hasard ? Hein, il t’a fait boire ! Et t’as vu comment tu te trimballes ? Seigneur, mais t’es toute nue !
— Ben non ! C’est une petite culotte et un soutif ! On n’est plus en 40 avec tes robes que c’était des soutanes de nones ! M’enfin !
— AAAARRRGGGGHHHH ! cracha madame Sonnenkraft, les traits du visage comme quand les vampires y se transforment dans Buffy. Ne recommence pas où tu vas au lit sans manger ?
— M’en fous, j’ai du chocolat planqué dans la chambre.
Je ne pus m’empêcher de larguer une rigolade.
Madame Sonnenkraft me décocha une paire de zoeils enflammés de prunelles pleines de crimes à la Jackette l’Eventreuse, où la goulache découpée des mecs elle clapote dans des flaques de zhémoglobines.
Un bruit de moteur genre dix tondeuses à gazon embrasa l’air. L’hélico se pointa au-dessus de la terrasse dans un mini cyclone de vent, que les couettes de Nini elles flageolèrent dans tous les sens. Une échelle de corde se déroula. Et une fille descendit, enfin vu du côté popotin dans un jeans moulant et des lolos sous un pull ça ressemblait à une fille.
Une fois la fille sur la terrasse, l’hélico se barra vers le large.
La fille c’était Lana Luthor ! J’hallucinai des zoeils.
— Blou, qu’elle s’écria, Lana, en se précipitant dans mes bras.
Elle se serra contre ma poitrine Tarzanesque, que Nini elle rouldinguait furax des zoeils, que sa mère elle secouait la caboche, avec un air de penser : aujourd’hui les djeunes c’est rien que de la carac.
— Je me suis barrée, souffla Lana, j’en pouvais plus, Lex me rendait la vie intenable. Un vrai enfer. J’ai accouché de jumeaux krypto-monstres, Lex avait des soupçons parce qu’ils ne lui ressemblaient pas, les jumeaux y te ressemblaient vachement, mais comme Lex te connaît pas. Il les a mis dans des bocaux sur nos tables de nuit. Et puis j’arrêtais pas de penser à toi, à nos câlins. Tu te souviens, dans les toilettes du Talon ?
Nini fulminait, les poings serrés.
Lana la loucha, puis loucha sa mère, et jacta :
— C’est qui, la pouffe et la vioc ?
Pendant que Nini et Lana se crêpaient copieux le chignon, madame Sonnenkraft balançant des coups de godasses pour aider sa fille, j’envisageai de me cassos hyper speed en douceur. Valait mieux laisser les femmes discuter entre elles. Des fois c’est pas bon quand un mec y se mêle de trucs qui le regardent pas, surtout dans ce cas-là .
J’esquissai une retraite vers l’intérieur dans le salon, quand la porte d’entrée s’ouvrit violent. Ben un coup de rangeo dedans des fois ça aide pour ouvrir. Surtout si au bout de la rangeo y a Sandra.
Elle déboula furax, suivie par BB-lilith et Aeryn Sun.
— Ben alors ? qu’elle gueula, la Sandy. Tu fous quoi ? Et Nini, elle est où ? On vous attend dans Une nuit d’enfer pour la suite !
— Ouais, aboya BB-lilith, c’est quoi ce bordel ? On vous cherche partout !
Aeryn Sun se dirigea vers le bar et empoigna une bouteille de Vodka Smirnoff.
— Ben je vois que tu t’embêtes pas.
— GAAASSSPPP ! s’étrangla presque Sandra en matant la terrasse à travers la grande baie vitrée à moitié ouverte. Mais c’est Nini ? Y se passe quoi, là ? Pourquoi elles se battent ?
— C’est qui l’autre pétasse et la mamie ? demanda Aeryn Sun en se ramenant, la bouteille dans les doigts.
— Ouah ! s’exclama BB-lilith. Mais on dirait Lana de Smallville. Mais oui, c’est elle ! Attends, Nini, j’arrive !
Et elle fonça sur la terrasse, suivie de Sandra, pendant qu’Aeryn Sun s’envoyait une rasade de vodka derrière les lolos.
— Alors ? qu’elle demanda.
— Ben euh, que je bafouillai, on la jouait Sailor et Lula.
— Oui, je vois, dit Sunny, un petit sourire cradolingue perlant sur le coin de la bouche, enfin c’est la goutte de vodka qui perlait. Sailor et Lula version petite culotte et soutif.
— Ben c’est Nini, tu sais, quand elle a une idée dans la tête…
Oui, je sais, pas très galant de tout mettre sur son dos. Mais c’est aussi vrai, les filles elles regardent plein de films à la Pretty woman, après elles veulent vivre comme à Zhollywood, Fast and furious, du road movie à la Grudge, avec des petits cœurs roses et des zétoiles tourbillonnantes partout. Grumpf.
Lana décocha un direct dans le dentier de madame Sonnenkraft, qui tournoya comme quand Diana Prince elle devient Wonder Woman, sauf que là c’était moins sexy. Et elle s’affala le derche sur la terrasse, les gambettes en l’air. Hum, la moman donne dans le porte-jarretelles !
Furax, Nini agrippa les tifs de Lana et lui gicla un coup de boule avec les couettes. Lana percuta BB-lilith et l’entraîna en arrière sur la terrasse.
Sandra matait le spectacle, les poings sur les hanches, les couettes saperlipopetteuses.
— Grrrrr ! grogna Nini. Nan mais ! (Puis elle me cibla et brailla : ) BLLOOOUUUU ! Viens ici ! J’ai deux mots à te dire !
— Euh, que je bégayai, en me ramenant pas pressé, attends, je vais t’expliquer.
Comment Sami débarqua en montgolfière ? Ben c’est DRIMS ! Faut pas chercher à comprendre.
Pendant que Misscroftlook gueulait du haut de la nacelle :
— Ils sont là !
Sami descendit une échelle de corde en rouldinguant du mini shorty. Plutôt impressionnant.
— Tue-le ! lança Nayru, les lolos penchés dans le vide.
Là je crois qu’elle causait de moi, vu que j’étais le seul male dominant au milieu d’un troupeau de femelles enragées. Euh, dominant, peut-être pas des masses.
— Ouais, bomba sec derrière Coralie, comme quand Pikachu y tue les Pokemon !
— Qu’est-ce que tu mates ? cracha Nini en me décalquant des zoeils.
Sami se retrouva les rangeos sur le quai, évalua la situation d’un balayage des zoeils analytique, que y a que les filles pour réussir ce truc-là .
Oui,je sais, y a plein de zoeils, mais c’est parce qu’y a plein de filles avec des zoeils.
Madame Sonnenkraft s’était relevée et ajustait sa perruque sur le ciboulot. BB-lilith retenait tant bien que mal Lana au sol, qui gesticulait dans tous les sens. Sandra matait toujours avec les poings sur les hanches. Aeryn Sun s’était ramenée, la bouche occupée à slurper le goulot.
Sami me coinça dans un regard d’Alienette carnivore et crachota :
— Ben dis donc, Blou, tu t’embêtes pas.
Je savais que ce voyage à Venise allait tomber à l’eau. Normal, Venise, avec toute cette flotte. A un moment donné, faut bien boire la tasse, c’est sûr. Snif.
Je louchai Nini qui me louchait, Lana qui louchait Nini, Sami qui louchait Nini et Sami… Euh non, là Sami elle peut pas se loucher elle-même, sauf dans une glace. Quand y a des trucs avec des filles, y a toujours des louchements. Comme dans les love stories, c’est rien que des histoires de zoeils qui se louchent. Pour ça qu’on dit que l’amour est aveugle. Ben normal, à force de se loucher, on voit plus rien.
— Ben alors ? qu’elle gueula, Misscroftlook, du haut de la nacelle. Vous faites quoi ? On retourne dans Resident Evil, oui ou merde ?
— Ouais, qu’elle braillota derrière, la Coralie, vous z’êtes tous oufs ou quoi ? Pikachu y va tous vous flinguer et ce sera bien fait ! Naaa !
Nayru dégaina ses guns et rafala dans la montgolfière. Un sifflement d’air fusa de la déchirure.
— Mais t’es dingue ? s’écria Coralie affolée. On va s’écraser par terre !
Nayru largua un rire crapouilleux.
Misscrotlook bondit sur l’échelle, glissa tout le long jusque sur la terrasse et jacta une fois sur le sol :
— J’te jure, c’est la dernière fois que je me coltine avec des cinglées des couettes.
La déchirure s’agrandit dans un déchirement agrandissant. La montgolfière valdingua des houla hop à droite et à gauche, avant de ploufer dans le Grand Canal.
Pendant que Nayru et Coralie se ramenaient à la nage, je filai sur le quai et sautai dans le canot.
— BBBLLLOOOOUUUUU ! crièrent Nini, Sami et Lana en sprintant derrière moi.
J’allumai le moteur speed et fonçai vers le large, un sillage de flotte déchaîné mouillassant le bord du quai et les gambettes des filles. Des bastos sifflèrent pas loin de mes zoreilles. Je reconnus le coup de gâchette de Sami.
J’ai mis ma vie à la gomme dans des guitares bubble-gum… ça paillette à mort dans mon décor…
Je savourais une glace, assis sur une terrasse de la place Saint Marc. Le soleil couchant peignait le ciel nocturne avec les couleurs orange et rouge du Tintoret.
Quand Nini se pointa dans les lumières du restau. Une petite robe courte décolletée, les couettes légèrement agitées.
Elle se tala en face de moi, les mirettes pleines de zorages crépitants.
— Mimi la robe, que j’articulai, histoire de dire un truc.
— Grrrr.
— Euh, et les autres, elles sont où ?
— Y’a Sami et Lana qui te cherchent. Aussi Sandra. Je crois que c’est la plus vénère.
— Ah bon ?
Je feignis l’étonnement. Le serveur déboula.
— Un double whisky, qu’elle chanta, la Nini, c’est monsieur qui offre.
Sympa la gamine !
Oui, dans DRIMS faut aussi raquer de la thune. Les trusts commerciaux ont investi le cyber espace des jeux. Ça a commencé avec les star-up, et bla bla bla… Vous vous dites que j’ai dû aussi raquer alors pour le palace. Ben euh non, c’est Nini qu’a payé avec ses cyber zéconomies. Vu que les filles veulent l’égalité, elles peuvent aussi débourser de temps à autre. Nan mais.
L’image du Tintoret devenu fou me flasha dans les zieufs. Le pinceau à la main, étalant avec de grands gestes épileptiques des flaques de rouge sur la toile du jugement dernier.
— Et ta mère ? que je demandai, la glace ayant soudain un goût amer.
— Si j’ai pas la moyenne cette année, elle m’envoie en pension en Angleterre.
— Chouette, tu pourras faire des tofs.
— Grrrr.
Euh, j’avais peut-être parlé un peu trop vite. Ben je voulais juste positiver une situation conflictuelle parentale… C’est bon, j’arrête la tchatche.
Nini s’empara du verre que le serveur venait à peine de poser sur la table. Et le vida d’un trait. Glurps !
Gasp ! (Le gasp, c’est moi.)
Une farandole carnavalesque défila sur la place, faisant voleter les pigeons dans tous les sens.
Je sentais le regard de Nini comme deux zoeils ventouseux de poulpette.
— Ça va, que je chantonnai positif, on rejouera à Sailor et Lula.
— Hein ? fit Nini, soudain surprise. Snif. Boooouuuuuu.
Elle essuya quelques larmes de diamant sur l’écrin velours de ses joues. Demanda de sa petite voix de gamine qui veut demander quelque chose et qui ose pas trop et qui ose quand même :
— On zigouillera aussi le Pape avec de la dynamite ? Ça doit être trop marrant quand il zexplose dans sa papamobile.
Je matai le ciel rougeoyant.
Qui a dit que les filles étaient plus romantiques que les mecs ?