par Phantom_Blue » 22 Juin 2007, 08:12
Épisode 24
Deux mains fines se posèrent sur mes yeux. Un doux parfum d’œillet virevolta dans mes narines.
— Coucou ! dit une voix souriante de fille. C’est qui ?
— Euh…
— Ben alors ?
— Euh…
— Je suis la plus belle en shorty…
— Ben… euh…
— Enfin, Blooouuue, quand même !
Trois millions de visages de japonettes défilèrent en une fraction de secondes sur l’écran panoramique de mon mental en mode recherche.
Les mains s’enlevèrent, l’entrée de l’Académie réapparut dans le soleil printanier, je tournai la tête.
— Sami !
— Ben oui, qu’elle chanta, un zest de je-suis-pas-contente-tu-me-reconnais-plus sur un gloss rose scintillant. C’est moi, m’enfin ! Dis donc, tu penses à une autre fille ou quoi ?
— Ben, euh, non, mais tu m’as surpris.
Elle fit le tour du banc et se tala à côté de moi. Au passage je notai le shorty turquoise en V plutôt impressionnant. Elle décocha ses deux zoeils pointus de fille direct dans mes zieufs globuleux mateurs de mec et dit :
— Alors, t’as vu comme elles se sont barrées ? Hi hi hi !
— Ben oui, je… attends ! hein ?
— Je suis trop forte.
J’allais poser la question fatale quand Winston rappliqua au ralenti en traînant la semelle de ses bottes en caoutchouc sur le gravier.
— Wiwi ! s’écria Sami en bondissant du banc. Vous avez été fabuleux !
Elle se précipita vers lui. Smouitssstch fit sa bouche sur la joue de Winston.
La question fatale tournoyait dans le ciel sombre de mon esprit comme un vautour affamé du bec.
Je sais pas ce qu’elle lui raconta, toujours est-il qu’il planait à dix mille. Enfin elle lui rescotcha un autre smouitssstch sur la joue, et revint s’asseoir sur le banc.
Winston passa devant nous comme un linceul fantomatique, et monta les escaliers du perron, avant d’entrer dans l’Académie.
Sami me loucha avec un sourire de fée Carabosse qui vient de transformer le crapaud baveux en prince charmant bavant.
— Ah d’accord ! que je soufflai. Ben dis donc…
— Du grand art, hein, Bloouue ?
— Oui, mais comment tu savais que les filles braquaient sur tel ou tel mec ?
— Et le profil joueur, tu connais pas ?
— Hein ? La vache ! Diabolique !
Sami largua une petite rigolade de gamine joyeuse.
— Oui, mais comment tu savais que j’allais rencontrer Winston, et…
— Aaaaaaah ! Disons que je suis une fille pleine de ressources. Allez, viens, je t’emmène dans le lagon bleu.
— Euh, oui, attends, faut que j’aille aux toilettes.
Je bondis du banc, piquai un sprint, franchis l’escalier en trois foulées et déboulai dans le hall de l’Académie.
Bon, mon ptit Blue, pas de panique ! Reste concentré, glacial, impitoyable ! Opération retour dans la réalité ! Ras le bol de tout ce cinéma !
— BBBLLLLLOOOOOUUUUUEEEEE ! résonna la voix de Sami, visiblement pas contente, vu l’intonation pas contente.
Alors que je me dématériliasiais du jeu. Oui, c’est parce que je me dématérialise, alors même le verbe y se dématérialise avec moi.
Fais gaffe, Blue ! D’abord elles te coincent avec des bisous, après faut bosser, gagner plein de sous, pour qu’elles puissent se la couler douce, et un jour elles se barrent en te laissant sur le carreau.
Bon, opération ninja de l’ombre !
Effacer mon profil joueur, le remplacer par celui de Bill Gates qu’aurait copulé frénétique en sandwich avec alien et predator.
Changer de look, me lifter une tronche fantomatique style Casper, une bonne bouille bien rondouillarde et debilos pour surfer anonyme dans DRIMS.
Flirter grave avec un clone de Shirley Manson en stupid girl paranoïde (avec des couettes évidemment). Glurps ! Bon ça c’est un petit extra à part.
Dégainer le premier et tirer dans le dos (ben c’est plus mieux sûr).
Faire signer la procuration sur les comptes avant le mariage puis balancer la vioc super riche en fauteuil roulant pendant la lune de miel en pleine nuit par-dessus la balustrade du paquebot de luxe qui file sur le Nil (ben c’est le plan big love que tonton y balance des fois, et vu sous certains angles ça a de sacrés avantages, et puis ça évite les séparations trop douloureuses avec les larmes pleins les zoeils).
BIIIIIIIP… BIIIIIIIP… BIIIIIIIP…
Excusez, le téléphone !… Allô oui ?… Maman ?… Hein ?… Quoooiiiii ?… T’as utilisé mon pc et là y s’allume plus ?… Y’a eu comme un zéclair dans l’écran et la tour elle fume ?… AAAARRRGGHHHH… Mais pourquoi les mères elles touchent à tout !… Seigneur, que t’ai-je fait ?… Pourquoi frappes-tu mon poitrail de ton courroux vengeur ?… Ô destinée fatale, démons de mes aspirations perdues, emportez-moi dans les limbes ténébreuses loin de ce monde d’inepties et de corruptions !… Etanchez ma soif de bonheur avec l’eau moisie de la désolation !… Roulez mon corps meurtri sur le grill brûlant du désespoir éternel !… Que les ailes noires de la mort caressent mon visage boursouflé par l’arôme désenchanté de la ciguë fatale !… Ô déesse inaccessible, infante de l’amour, je t’aurai connue une nuit de folles passions !… Nos étreintes résonnent encore dans le silence de mon linceul glacial !… Arrière, la gueusaille, félons cupides de basse-cours, mécréants et vils marchands du temple, j’appartiens à la race des conquérants qui leva ses étendards glorieux dans le vent déchaîné des libertés princières !…
Les karts stoppèrent dans une furia de crissement de pneus devant l’entrée du manoir de Lara Croft.
Sandra fut la première à s’éjecter de son siège, les couettes pointées en scalpel d’autopsie.
— Ça va chauffer des bulles, qu’elle envoya, des glaviots mouillassant les globules d’oxygène.
Elle arracha presque la sonnette, tandis que les autres se pointaient derrière elle. La porte s’ouvrit automatiquement.
Une musique orientale parvenait du fond.
Sandra fonça en avant et s’arrêta net à l’entrée du grand salon.
Vautrée sur un canapé cuir vert, en tee-shirt maculée de taches gonflé par une paire de lolos pendouillant, un shorty triple XXL déboutonné sur une bedaine de cachalot, Lara Croft mâchouillait un petit cube de chocolat fourré à la crème de framboise, une boite de pralines à moitié entamée à côté d’elle.
Debout devant elle, juste vêtu d’un string Anaconda (possédant une extension cylindrique, d’où le nom), Kurtis se déhanchait dans une dance lascive.
— Saperlipopette ! cracha Sandra en se campant devant le canapé. Dis donc, espèce de grosse poufiasse, il est où, mon Kisshu ?
Lara leva sa tête, coulissant son double menton bibendum, et articula, un praline croustifondant sous ses dents et sur sa langue :
— T’es qui, toi, la petite morue ?
Kurtis s’était arrêté de danser, maté soutenu par les zoeils télescopiques d’Aeryn Sun.
Enilis fila explorer le manoir, suivie de BB-lilith.
Pendant que Sandra sautait sur Lara, à califourchon sur la bedaine, agrippant la goulache boudineuse de son cou avec ses petites menottes, Aeryn Sun prit Kurtis par le bras et l’entraîna dans le hall.
— Hep ! fit Kurtis, mais enfin…
— Allez, viens beau gosse ! lui chanta Aeryn Sun. Je t’emmène sur mon kart, on va roucouler dans la nature.
Lara balança un coup de rein en avant, forcément la bedaine accompagna le mouvement, envoyant Sandra valdinguer le shorty sur le tapis.
— Gasp, crachota Sandra, une seconde surprise.
Lara roula sur elle-même pour essayer de se lever. Mais Sandra était de nouveau sur ses pieds. Elle empoigna la longue natte de la célèbre Tomb Raideuse, l’enroula autour de son cou et serra en postillonnant sec :
— Alors, il est où, mon Kisshu ?
— Bouark, souffla Lara.
Au premier, Enilis et BB-lilith explorèrent la chambre, la salle de bain, filèrent dans le salon de musique. Un vrombissement de kart crépita dehors. Elles bondirent sur le balcon et virent Aeryn Sun se barrer, Kurtis assis sur ses genoux. BB-lilith secoua ses couettes :
— Ben dis donc, elle manque pas d’air, la Sunny, elle kidnappe Kurtis.
— Pourquoi, t’avais des vues sur le mec ? demanda Enilis.
— Euh, ben…
Dix minutes plus tard, après avoir fait le tour de l’étage, elles redescendirent au salon.
Sandra avait disparu. Lara gisait sur le canapé, telle une baleine échouée sur une plage, la bouche ouverte, une langue de bœuf pendant sur le menton, en train de pousser des petits râles graisseux.
Le kart de Babou fonçait en avant sur la petite route de campagne bordée de sapins, suivi par celui de Laraider. Corinne fermait le groupe. Fixées aux antennes, les petites culottes modèle Moulin Rouge avec des frous-frous clapotaient dans le vent.
Laraider : T’es sûre qu’on est dans Resident Evil ? Ça fait un moment qu’on roule sur cette route, et pas un seul zombie.
Babou : Normalement oui, c’est la route qui mène à l’Académie. Je sais encore lire un plan.
Corinne : On fonce, on verra bien.
Au détour d’un virage, les karts ralentirent. Un parc d’attractions dressait ses manèges et ses stands. Mais rien ne bougeait. Tout était figé dans un silence total.
Les karts stoppés devant l’entrée, nos trois vaillantes RE girls prirent l’allée centrale bordée de stands fermés.
Soudain une musique de fanfare monta dans l’air.
La grande roue s’illumina et se mit à tourner.
Un clown se pointa, le nez rouge clignotant, les tifs colorés hirsutes. Il loucha Laraider et articula d’une voix zézayante :
— Wouah ! T’es trop sexy, toi !
Il tira une langue batifolante agitée comme une langue de cobra qui slurpe. Un couteau jaillit de sa manche et se logea dans sa main. Sa grande bouche maquillée se déforma dans un rictus satanique.
Babou dégaina speed et lui logea une balle entre les deux yeux.
Une touffe de tifs ensanglantée valdingua de son ciboulot avant qu’il s’écrase sur le sol.
— Mais t’es folle ! s’écria Laraider.
— Il allait te tailler, dit Babou.
— Oui, mais pour une fois qu’un mec me trouve sexy. Snif.
Corinne sursauta et se retourna.
Un leprauchen, surgi de nulle part, venait de lui plaquer ses gros doigts boudinés sur le popotin. Il ricana :
— On copule, ma jolie ?
Babou le rafala copieux.
Il éclata en morceaux contre un stand.
— Quelle horreur ! s’exclama Corinne.
— T’es pas dans un Walt Disney, répliqua Babou. Vous feriez mieux de dégainer et d’être sur vos gardes.
— Euh, si on allait dans une sphère plus cool, proposa Corinne. Après tout, c’est peut-être pas une bonne idée de…
La meute de gremlins déboula en hurlant à l’autre bout de l’allée.
— Je veux du Walt Disney, gueula Corinne, des petits lutins sympas.
— Tais-toi et dégaine ! cracha Babou.
Les six guns rafalèrent non-stop.
— Ça me rappelle la fois avec mon ex, chanta Laraider, les doigts pressant hystérique les gâchettes, quand je l’ai éjecté de ma vie. Baaaannnnzzzaaaaiiiiiiiiii !
Un million de balles plus loin, il ne resta qu’une immense goulache sanglante de gremlins sur le sol. Certains bougeaient encore en couinant.
— Quel trip ! chanta Babou.
— Je crois qu’on devrait se barrer, proposa Corinne, avant que d’autres trucs nous tombent dessus.
— Je commence à y prendre goût, s’extasia Laraider. Si on faisait le tunnel de la mort ?
— AAAAH NOOON ! brailla Corinne. Maintenant ça suffit les conneries ! On se tire vite fait ! Y’en a marre de Resident Evil ! Grrrrrrr !
— Ben t’as qu’à nous attendre, dit Laraider, Babou et moi on va explorer encore un peu la foire.
— Mais c’est pas vrai, larmoya Corinne, vous z’êtes pas marrantes, les filles !
Babou esquissa un petit rire cradouillant. Laraider l’imita.
Corinne souffla et les suivit à contrecœur vers les manèges.
Enilis serra les poings et trépigna sur place. Ses couettes clapotèrent furax.
— Quel jeu débile ! Grrrr ! Y’en a marre ! Je vais tous les zigouiller !
Elle fixa le cinquième pain de C4 sur la statue de Charly dans le hall de l’Académie et régla le détonateur sur 5 minutes. Quand sa mère arriva en roulant du shorty et des guns. Les lolos surboostés dans un débardeur moulant avec imprimé dessus : I LOVE ME ! Deux grandes couettes roses trônaient sur sa tête.
— MAAAN ! s’écria Enilis étonnée, puis zhorrifiée. Mais qu’est-c’que tu fous là ? Et comment t’es habillée ! T’es foooolle !
— Alors, je suis pas classe top en RE girl ? Hein que je déchire grave ! qu’elle chantonna, sa mère.
— Et comment tu parles ! Mais t’as pété les plombs ! C’est pas pour les vieilles ! Quoi qu’elles vont dire, mes copines si elles te voient ! Trop la honte !
— Dis donc, je suis une femme encore tout à fait désirable. Beaucoup de petites jeunettes ne peuvent pas en dire autant.
— Ça veut dire quoi, ça ?
— Ça veut dire que tu files à la maison, et en vitesse ! Et sans rouspéter !
— Grrrr !
— Au fait, il est où, Charly ?
— Hein ? Ben il va pas tarder, dans moins de dix minutes. T’as qu’à l’attendre dans la salle de conférence des profs, c’est la porte à droite au fond du couloir.
Enilis loucha les chiffres rouges du détonateur qui comptaient à rebours.
2 : 35… 2 : 34… 2 : 33
Puis elle loucha sa mère qui filait vers la salle des profs.
Un intense sourire merveilleusement cruel illumina son visage.
Sandra ouvrit les yeux. Sa mère était assise au bord du lit. Elle tenait les lunettes 3D dans sa main.
— Mais quoi qui se passe ? s’étonna Sandra.
— Ça suffit de jouer, dit sa mère d’une voix douce imprégnée de sévérité.
Sandra se redressa sur ses coudes.
— Mais enfin, m’man, on interrompt pas une partie comme ça. Au moment où j’allais retrouver Kisshu.
— Justement, tu es une grande fille maintenant. Il faut arrêter de vivre avec des illusions.
— Hein ? Quoi ? Saperlipopette ! Je te signale pour ta gouverne, chère maman inconsciente de l’univers phénoménal d’une adolescente en pleine croissance de céréales, en l’occurrence ta fille suprêmement géniale ici présente, que les illusions comme tu dis sont les matérialisations anticipées du futur bonheur qu’une fille se construit avec art et intelligence, et que ces illusions représentent la preuve incontestable de sa bonne santé psychologique et zamoureuse.
— Hi hi hi, gloussa sa mère, tu lis trop de mangas.
— Grrr ! Ben c’est même po vrai! Et pis toutes les filles de mon âge elles lisent des mangas !
— Bon, assez discuté. Plus de DRIMS. D’ailleurs je me demande comment on peut vendre de telles débilités. A partir d’aujourd’hui ce sera sport, piscine, activités en plein air. Et tu me feras le plaisir d’enlever tous ces posters de Kisshu des murs. On n’est pas au musée des bizarreries de la nature.
— Hein ? Quoi ? Kisshu, une bizarrerie de la nature ? Super grrr !
Sandra se campa debout sur son lit, leva le poing au plafond et articula d’une voix forte :
— Au nom de toutes les filles, j’en appelle à la liberté d’expression dans un monde d’adultes tuméfiés du cerveau ! Aux armes, citoyennes, qu’un mascara impur abreuve nos mirettes d’anges !
Sa mère se leva, se dirigea vers la porte, se retourna et dit avant de sortir :
— Et tu es consignée jusqu’à nouvel ordre.
— Super gasp !