par Ketz » 24 Avr 2011, 09:48
Les aventures de Couetz sont issues de faits réels, d'anecdotes narrées pour le plaisir du partage et rédigées sans prétention.
Mauvais rêves
Je fais souvent des rêves d’une étrange violence depuis tout petit. Des rêves qu’un enfant de 6 ans n’était pas supposé faire. Et pourtant…
A l’époque, j’étais parait-il terrorisé par ce que je vivais la nuit. Somnambule parfois, je faisais des crises à faire pâlir un exorciste. Un spécialiste n’a pourtant rien relevé à l’exception d’une maturité sensiblement au-dessus de mon âge et d’une imagination débordante.
Ah pour l’imagination, mon bestiaire était bien garni et mes histoires toujours sanglantes.
Puis j’ai grandis dans mes deux vies.
Et comme éveillé, j’ai appris à contrôler plus ou moins les choses en dormant. Malgré un sommeil très prolifique dans un imaginaire toujours aussi dérangé.
J’ai parfois l’impression, en me réveillant le matin, d'avoir vécu une vie entière la nuit durant.
Certains de mes rêves semblent tellement longs, tellement beaux, tellement utopiques, que j’ai dû mal à en sortir. Si bien que la période où l’on émerge est parfois un tremplin vers un vortex qui me ramène dans le même rêve, sous une autre spirale souvent moins rose. Car il va falloir se lever !
Le vrai réveil est souvent brutal, traduit par une fin tranchée dans le vif et souvent funèbre.
Parfois dans mes rêves conscient (90% des cas), où je me rends compte que je suis endormi (mais pour autant dans ces moments l’ampleur des événements semble toujours m’affecter), je me dis que j’ai vécu ce « phantasme » une centaine de fois et par ce fait j’en connais la suite.
Pourtant, une fois réellement debout, plus rien n’a de sens et tout semble lointain. Ce cauchemar est bien diffèrent des autres, j’ai cette fois-ci le sentiment inverse de n’avoir jamais réellement rêvé la même chose. Peut-être une technique de contrôle inconsciente me permettant d’anticiper la suite ou d’accélérer les épisodes.
Malgré la maîtrise de certains procédés, il m’arrive de perdre le contrôle de mon propre personnage, dont je deviens moi-même spectateur.
Là , le rêve se referme et je tombe dans les profondeurs des limbes…
Je le sais… le cauchemar a commencé !
Je suis enfermé dans mon rôle et comme muet je ne peux que subir ce qui va m’arriver. Et il va arriver des choses, je le sens, je suis là pour ça !
Je lutte de toutes mes forces pour me réveiller mais mon subconscient belliqueux brûle de connaître la suite et me maintient endormi. Je lève les yeux au ciel, mais je suis seul… je suis mon bourreau et j’en suis conscient, je suis pris au piège.
Mon personnage est souvent le déclencheur. Il n’est pas rare que je foute en l’air un bon rêve car la peur m’envahit.
Je suis terrifié par ma prise de conscience, que tout ça ne tient pas debout, d’ailleurs, ça ne tient à rien ! Et il va falloir rapidement en sortir... car les autres ne sont pas dupes… je le vois à leurs regards noirs, ils savent maintenant que je ne suis pas moi.
Je m’attaque alors à mes protagonistes (souvent mes proches, mon frère en fait régulièrement les frais) comme un sauvage, de manière frénétique et sans retenue.
Ils me voient comme un monstre et vont s’en prendre à moi, et ma meilleure option de défense c’est l’attaque.
Je suis ce qu’il y a de plus mauvais en nous, de plus vicieux, de plus cruel… pourtant je souffre de devoir faire du mal à ceux que j’aime.
Mais le rêve n’est plus sous contrôle et c’est la meilleure façon que mon inconscient ait trouvé d’en sortir alors… quand il aura coulé assez de sang, quand le nombre d’agresseurs sera devenu trop conséquent ou quand la surprise d’une attaque à la hache dans le dos me fera bondir d’horreur et de douleur, je me réveillerai. Comme si de rien n'était. Sans peur, sans sueur, prêt à me rendormir à nouveau comme un bébé.
La nuit dernière, j’étais dans un rêve étrange… apaisant mais dérangeant.
Quelque chose n’allait pas, il y avait du vieux… oui de la vieille chimère. J’avais l’impression que ce rêve était déjà loin alors que j’étais en train de le vivre. Le sentiment que je le rêvais depuis toujours… J’avais l’expérience « réelle » de la vie imaginaire de mon personnage, qui n’était rien d’autre que moi à une autre époque ! Oui, une époque où les films n’existaient qu’en noir et blanc.
J’avais un passé lourd et troublant, un fratricide ! Pour ne pas changer... Une histoire de jeu de main qui avait très mal tourné…
J’avais tué il y a fort longtemps mon petit frère lors d’une bagarre étrangement violente où j’avais évidement le dessus. Pour se défendre, il eut la mauvaise idée de saisir un scalpel sorti de nulle part, alors que j’étais en train de le maintenir au sol pour le frapper d’une mauvaise plaisanterie qu’il m’avait faite. Je ne sais pas s’il comptait réellement s’en servir ou s’il voulait juste m’éloigner, mais dans un excès de folie je lui tordis le poignet et le planta avec !
Mon personnage, des années plus tard, en avait toujours gardé les stigmates, surtout en ce moment où il revenait sur les lieux de son enfance pour épouser sa belle en présence de sa famille, qu’il n’avait plus revu depuis très longtemps. Depuis le temps où il jouait avec son frère…
Apaisant de retrouver la mer du sud et ce bon vieux voilier toujours amarré à cette même panne en bois, et étrangement grand qui servait de pub les soirs de fête foraine. Dérangeant de revenir sur les traces de sa folie qui avait bouleversé la vie de tous ses proches et surtout la sienne. Mais j’étais plus seul maintenant et le temps avait tant bien que mal cicatrisé les choses. J’allais me marier ici face à la mer sur le pont de ce bateau !
Alors que je me tenais au mât, je sentis le bois sous mes pieds se pencher exagérément. Soudain ma fiancée traversa le pont sur toute sa longueur en glissant sur le dos, passa sous la palissade et tomba à l’eau. Choqué, avec un temps de réaction qui me parut une éternité, je lâchai ma prise et courus vers elle. Tout le monde était paniqué. J’entendais hurler derrière moi, « Fuyez, fuyez la Vaaague ! »
Le ciel s’assombrit et je me décide enfin de regarder l’horizon. Le niveau de la mer avait baissé de plusieurs mètres, au loin une vague de 40 m nous fonçait dessus.
C’est là que j’ai entendu les plaintes de ma moitié pour la dernière fois. La force d’aspiration extraordinaire de la marée l’avait engloutie !
Je plonge dans sa direction, les yeux en larmes, je le sais, il est trop tard.
Je me sens à mon tour attiré par les eaux, insignifiant… puis plus rien…
Je reprends conscience dans l’épave, la mer n’avait pas voulu de moi et m’avait remis sur l’embarcation éventrée. Le murmure des gémissements aux alentours, tout le monde était sauf à une exception près !
Je distingue coincé sous la lourde coque une robe blanche… sa robe.
Mes poings se serrent, je tombe à genoux, mon sang se glace, je hurle d’horreur. Des flashs de mon passé torturé me rattrapent, je suis fou.
Réveil difficile. Il est déjà tard, et il me faut me préparer pour le boulot. Ma fiancée n’est plus là , elle travaille déjà depuis plus de 3 h. J’avale mon bol de lait et mes céréales et lui envoie un SMS.
— J’ai mal dormi, on se voit ce soir ma belle.
Tout juste quelques secondes plus tard
— Moi aussi j’ai fait un terrible cauchemar, je te raconterai en rentrant.
Ma journée se passe plutôt mal, je subis le rythme incessant des appels de clients fous de rage, car rien ne va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Presque pas de poses, épuisé et encore un peu malade, je range mes affaires pour enfin rentrer chez moi. Il est 23 h.
En arrivant, ma belle m’a préparé des œufs brouillés que j’honore sans dire un mot. Comme chantaient les Depeche Mode « Enjoy The Silence »
Puis je la rejoins devant la télé, mais il se fait tard, elle me dit qu’elle ferait mieux d’aller se coucher, commençant à 5 h le lendemain.
— Ok, fais de beaux rêves.
Elle se retourne alors lentement.
— Il faut que je te raconte mon cauchemar… pour que plus jamais je ne le refasse.
J’étais à la plage, je buvais un verre sur une terrasse, quand tout à coup j’aperçois au loin une vague immense ! Un tsunami !
Je pleure… mon frère que je guettais, nageait au large. Et je ne vois plus que ce mur d’eau masquant le soleil venir droit sur nous.
Tu me rejoins alors, me prends la main et me dis regretter de ne pas avoir pu te marier avec moi, que tu m’aimes… Les gens courent, nous on sait, on reste là .
Sans voix, je la regarde, ses yeux brillent.
— Bonne nuit, mon homme, va pas te coucher trop tard.